Chapitre 20

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Début juin 2014, Ancien Monde, Dimension Modifiée.

Assis dans le canapé, chez moi, en compagnie de Charlye, nous attendions patiemment l'arrivée de mon père. Mes deux sœurs, Emilie et Aude, étaient également présentes. Ma mère et mon beau-père, Yves, étaient occupés dans notre petit jardin. La réunion au sommet, comme j'aimais souvent l'appeler, allait avoir lieu.

L'après-midi débutait à peine. Il était prévu que nous allions nous promener dans un village touristique typiquement alsacien, dans l'après-midi, entre paternel et enfants. Il était évident que ma mère n'allait pas se joindre à nous. Déjà parce qu'elle ne portait pas vraiment mon père dans son cœur, mais surtout, parce qu'il n'y avait aucun intérêt à cela.

Bien que pressé de revoir mon père, je n'étais pas rassuré. Emilie, ma sœur cadette, celle avec qui j'avais été aux portes ouvertes des Arts Graphiques, m'avait maintes fois assuré que tout devrait logiquement bien se passer. Notre père se montrait plutôt favorable à se porter garant pour mon prêt étudiant, il ne suffisait que de mettre le sujet sur la table et en parler en détails.

Si cela s'apparentait plutôt à des formalités, je n'étais pas tellement du même avis. Le souvenir des négociations de la Dimension Réelle me hantait. Ces heures passées au téléphone à expliquer et réexpliquer l'enjeu du prêt étudiant et son implication. Devoir rassurer toutes les deux minutes qu'ils -le couple paternel- ne vont pas débourser un centime mais qu'ils seront simplement tenus de le faire si je n'étais pas en mesure de rembourser mon emprunt au moment propice.

Même avec cela, deux bonnes semaines supplémentaires de dialogue en demi-teinte s'étaient imposées. Un beau soir, alors que nous parlions de ce prêt une énième fois, je me retrouvai à deux doigts de laisser tomber. "Laisse tomber, avais-je dis à mon père. Si t'es pas foutu de faire au moins une chose pour l'avenir de ton fils, j'me débrouillerais sans toi." Cette même réplique résolu toute l'affaire et mon père se porta garant.

Il était difficile de décrocher quelque chose venant de mon côté paternel, vous l'aurez sûrement compris. J'étais bien content d'avoir reçu une somme à trois chiffres, de sa part, pour mes dix-huit ans, même s'il s'agissait ni plus ni moins d'un message subliminal m'indiquant que mon enfance prenait fin, qu'il n'avait plus vraiment de raisons de subvenir à mes besoins, maintenant que j'étais majeur.

Hormis cela, il s'agissait du strict minimum. le minimum du minimum. Prenez l'exemple d'une tâche pénible imposée par le système judiciaire, qui doit être effectuée chaque mois et ce, obligatoirement, et vous comprendrez ce que je veux dire par "strict minimum". Vous pensez que je suis dur avec lui ? Peut-être. Mais au fil du temps et des péripéties atterrantes, je m'étais quasiment fait à l'idée que sans cette contrainte judiciaire, il n'y aurait même pas eu de strict minimum du minimum.

Emilie et moi ne le savions que trop bien. L'aînée, Aude, avait un avis un peu plus contrasté sur la question, étant la seule à toujours avoir eu un lien privilégié avec le côté paternel, mais surtout, une excellente relation avec ma belle-mère. C'était d'ailleurs la seule de notre fratrie avec qui cette dernière s'entendait parfaitement. De ce fait, Aude échappait toujours aux invectives qui rendaient la vie d'Emilie et moi cauchemardesque, lors de nos vacances là-bas. Dure réalité.

Dimension Réelle ou Modifiée, je n'étais pas convaincu d'avoir pu changer les choses à cette période là, même si j'en avais eu l'opportunité. Nous étions trop jeune, nos paroles et nos actes ne changeaient absolument rien.

Ce qui comptait désormais, c'était de resserrer les liens entre nous et notre père. C'est ce qui importait à chaque fois que nous nous voyions depuis l'arrêt des vacances planifiées par le jugement du divorce.

Back & Beyond - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant