Épilogue.2

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La semaine qui suivit, je retrouvai un Keannon au top de sa forme pour apparaître quand bon lui semblait. Le week-end s'était déroulé, à priori, sans encombre. Ma semaine avait consisté à tenter d'absorber la déception de ne pas intégrer l'école que je convoitais tant, celle-là même où j'avais été admis dans la Dimension Réelle.

Je ne fus pas tellement seul à affronter l'avalanche de problèmes qui me tombait dessus. Alors en pleins préparatifs de mon déménagement imminent, j'étais régulièrement accompagné de Keannon, notamment lorsque j'allais faire un tour dans Castiney pour prendre l'air.

"Bonjour Logan, lança-t-il, alors que j'effectuais ma balade quotidienne au crépuscule.
—Bonsoir Keannon, répondis-je d'un ton sec.
—Tu n'es pas content de me voir, constata-t-il.

Je m'arrêtai de marcher.

—En même temps vous disparaissez pendant des mois après m'avoir dit que Charlye était morte dans la Dimension Réelle, rétorquai-je sur un ton semi agressif. Vous réapparaissez des mois après que le Temps ai commencé à s'acharner sur moi, au moment où rien ne va plus au niveau familial, professionnel et amoureux. Je devrais être content de vous revoir ?
—Je suis désolé, répondit Keannon, j'avais à faire autre-part. Je n'ai constaté ta situation que trop tard.
—Autre-part ? Demandai-je incrédule. Une autre dimension ? Un autre monde ? Les extraterrestres sont arrivés et il fallait les cacher ?

Keannon se contenta de sourire. Je repris ma marche.

—Excusez-moi, ajoutai-je. J'ai les nerfs à vif en ce moment.
—Ne t'inquiète pas je comprend très bien. Tu vis des moments difficiles, Logan. Des moments qui commencent à sérieusement rivaliser avec ceux que tu as vécu dans la Dimension Réelle.
—Les choses ne se déroulent pas comme dans le monde d'origine, répondis-je, mais bordel, c'est pire ! Comme si tous les changements que j'avais fais n'avaient servis à rien.
—Il faut bien faire attention aux changements que tu effectues sur le court des choses Logan, conseilla Keannon. J'ai bien l'impression qu'un événement a irrémédiablement changé la donne.

Inutile de réfléchir plus longuement à quel événement il faisait allusion.

—L'embrouille avec mon père, lançai-je sèchement.
—Possible, répondit-il. Souviens-toi de ma mise en garde sur les choix que tu fais, les chemins que tu empruntes."

Je n'avais pas oublié cette mise en garde, mais je n'imaginais pas l'étendue des effets que pouvait avoir un changement temporel.

Nous continuâmes à marcher dans le Lotissement Tout Neuf, ce même quartier que j'allais d'ici peu quitter pour emménager dans ma nouvelle maison, celle où j'avais vécu toute l'ère du Tout-Présent, dans la Dimension Réelle.

Avant de rentrer chez moi, le seul endroit où Keannon ne me suivait pas, il me retint devant le perron.

"Tu es en froid avec ton père et tu n'iras pas faire tes études, lança-t-il. Ces deux choses ne se sont pas produites de la sorte, à l'origine.
—Qu'est ce que vous essayez de m'faire comprendre au juste ? Répondis-je sur la défensive.
—Certaines choses ne se produisent pas comme elles auraient dû, répliqua-t-il, mais d'autres si."

J'eus une boule dans la gorge qui descendit jusqu'à mon estomac. Frissonnant de partout, je le salua et rentrai chez moi.

Il a bien choisi son moment pour se pointer avec ses phrases de merde, pensai-je. C'est pire que de l'incitation au suicide !

Arrivé dans ma chambre, je me laissai tomber sur le lit. Mes pensées s'emmêlaient entre ce qu'il venait de dire et ce qu'il se passait dans ma vie. Ma tête ne cessait de bouillonner. Allais-je tenir le coup ? Je l'ai déjà fait plusieurs fois. Néanmoins, malgré mon retour dans le temps, cette situation critique se posait en une hécatombe parfaitement inédite.

Je saisis mon téléphone pour regarder mes messages. Je n'en avais pas reçu de Charlye depuis le matin. Depuis notre week-end chacun de notre côté, elle jouait à un jeu que j'avais largement appris à détester.

Suis-moi je te fuis.. me dis-je.

De nature, j'avais peur de ce genre de comportement. Je savais ce qu'il en retournait. L'expérience de la Dimension Réelle m'avait appris à grandement me méfier d'un comportement soudain de la sorte. Pour ne pas provoquer une énième embrouille dans notre désormais, plus que jamais, fragile relation, je serrai les dents et me ruai sur mon ordinateur pour me changer les idées.

Je défilai mon fil d'actualité Facebook, en quête de vidéos drôles ou de memes. Malheureusement, ce n'est pas sur ces choses là que je tombai.

Mais qu'est ce que..

Des photos de la soirée de Charlye défilaient une à une sur la page. Je pouvais les voir car j'étais ami avec l'une de ses amies sur Facebook. Elles n'avaient rien d'anecdotique pour la plupart, si ce n'est l'une qui retint mon attention et qui me valut de faire un bond sur mon lit.

Au troisième plan de la photo, tout à fait en retrait, je discernai Charlye par sa couleur de cheveux caractéristique, bouteille en main, entourée des bras de l'un de ses amis. Il n'y avait pas distinctement de geste totalement déplacé, même si leur posture posait clairement interrogation.

Si cette vision commençait lentement à me rendre paranoïaque, j'eus en revanche la très mauvaise idée de continuer à descendre le fil d'actualité. Parsemé de publications hors-sujettes, des photos de cet ami apparaissaient en filigrane. Elles n'apparaissaient pas par hasard.

Charlye Millan a aimé cette photo.

La mention, tout comme les photos de son ami, apparaissèrent bon nombre de fois. Il ne m'en fallut pas plus pour comprendre que quelque chose se passait. Cette vision me rappela la Dimension Réelle. Ce n'était pas la première fois que je voyais une telle chose, ce qui m'horrifia davantage. Je saisis mon téléphone en deux temps trois mouvements pour demander des comptes à Charlye.

Celle-ci me répondit après une demi-heure et une dizaine de messages de ma part. S'énervant tout d'abord sur mon insistance, je l'appelai directement.

"Il faut qu'on parle Charlye, lançai-je tremblant d'une crise d'angoisse naissante. Il faut vraiment qu'on parle de quelque chose.
—Mais qu'est ce qu'il y a ? Répondit-elle à moitié énervée.
—Tu crois que j'vois pas ce qu'il se passe sur Facebook, rétorquai-je excédé, entre les photos de la soirée et celles de ton pote que tu likes à tout bout d'champ ?!

Elle resta silencieuse un petit moment. Ses amis parlaient derrière. Un charabia inaudible dont je n'avais que faire.

—On en parle demain Logan, répondit-elle fébrile. Tu viens toujours chez moi, n'est ce pas ?
—J'y compte bien t'inquiète pas", rétorquai-je fermement.

Nous raccrochâmes. Je posai mon téléphone sur le bureau en bout de lit et allai m'asseoir contre le mur, devant la fenêtre. La nuit était tombée sur Castiney et la pluie faisait de même. Les gouttes tombant sur la vitre, éclairée par le lampadaire extérieur, reflétaient complètement la situation. Les larmes montèrent en moi telles du Coca-Cola après une réaction chimique au Mentos

Le lendemain, un vendredi, je devais retrouver Charlye au lycée avant de l'accompagner chez elle pour le week-end. Nul doute que cette fois-ci, la routine allait radicalement être brisée. Je ne pus fermer l'œil de la nuit, torturé par ce qu'il se passait avec Charlye. Je ressentais la même sensation d'abandon et d'angoisse que lors des deux derniers mois de notre relation, lorsque rien n'était complètement terminé, mais que tout le laissait penser.   

Back & Beyond - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant