Chapitre 10.1

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La soirée défila à une vitesse surprenante. Il était déconcertant pour moi de voir le temps passer, comme si de rien n'était, dans ce quotidien du passé qui se déroulait sans faire attention à moi, sans se rendre compte qu'une brèche temporelle m'avait conduit ici. Pour autant, je constatais que, malgré mon retour dans le passé, j'arrivais plutôt aisément à prendre ce quotidien lancé en vol. J'avais une bonne longueur d'avance sur tout le reste de la population de cette petite planète à propos du futur. Si seulement ils savaient tout ce qui allait nous frapper de plein fouet. Si seulement je pouvais savoir comment je m'étais retrouvé ici.

La nuit passa rapidement. Mon portable me tira du lit au doux son de Firestarter des Prodigy. L'aube ne pointait même pas encore le bout de son nez, la maison baignait dans l'obscurité. En ouvrant les yeux, j'aperçus le drapeau américain au dessus de mon lit, flottant dans les airs bien que retenu par les quatre punaises qui le fixait aux combles. La température de la pièce, l'ambiance lumineuse crée par la panoplie de leds des équipements électroniques présents dans ma chambre, tout ceci me donnait envie de rester coucher.

Pas l'temps d'niaiser, pensai-je.

En une trentaine de minute, je passais de mon lit au froid extérieur. Je pris soin d'emporter avec moi mes écouteurs et mettre de la musique sur le trajet, comme à l'accoutumée. A l'époque, j'adorais écouter de la musique en allant au bus. C'était mon petit déjeuner à moi. La musique me réveillait et me rendait de bonne humeur. Il n'y avait rien de mieux que de marcher le long de la nationale en écoutant une multitude de titres complètement aléatoires de ma playlist personnelle, éveillant au passage bon nombre de souvenirs.
Entre écouter du Knife Party ou du Dimitri Vegas parmi d'autres, je bravai le froid pour attendre ce bus qui prenait toujours une éternité à arriver.

Putain mais qu'est c'que j'fous à prendre ce bus là.. pensai-je en grelottant. Je me souvins dans l'instant du pourquoi du comment.
Le bus passant par Castiney qui m'amenait à Sanmé pour huit heures était régulièrement plein à craquer, chose que je détestais au plus haut point. Me retrouver dans un bus bondé, à me frayer un chemin pour trouver une place parmi la foule, c'était comme une phobie.

Même si cette phobie s'était apaisée dans la Dimension Réelle après mon passage aux Arts Graphiques, je restai campé sur l'idée de prendre le bus qui venait une demi-heure plus tôt. Celui-ci était absolument vide. Et pour preuve, c'était un bus de renfort, accessible uniquement aux possesseurs de cartes d'abonnement. Pourquoi s'en priver ?

Je pouvais m'installer confortablement sur deux sièges, à écouter paisiblement ma musique sans avoir de jeunes hurlant à tout vas dans le bus à sept heures du matin. Mais la véritable raison était surtout celle de pouvoir profiter de voir Charlye un peu plus de temps le matin avant d'aller en cours. Le bus me déposait certes tout en bas de la grande rue, me faisant alors marcher dix minutes durant, mais il m'était alors possible de voir Charlye et rester un peu avec elle, pendant que ses amies -que j'essayais de ne pas côtoyer le plus possible- se regroupaient pour fumer leurs cigarettes.

C'est lors du trajet entre Castiney et Sanmé, alors que j'étais plongé dans ma musique et mes pensées, que mon père répondit -enfin- à mon message de la veille.

"Coucou ! Très gentil ce que tu as écris, et vrai. L'important c'est d'aller de l'avant et que tout aille pour le mieux ! Vous fais de gros bisous à tous les 3 !! Vous aime !!" Avec sa panoplie d'émojis bourrés d'amour.

Je n'en attendais pas tant de sa part. Il avait l'habitude de tout raccourcir et rester vague dans ses messages. Les pavés ce n'était pas son genre.

L'important c'est que le message soit passé, pensai-je optimiste.

En arrivant au lycée, je retrouvai Charlye fumant sa clope devant le portail.

Back & Beyond - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant