Retour à la réalité

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Rose

La lumière du jour vient chatouiller mes paupières. Je dois n'avoir dormi que quelques heures et pourtant, mon corps se sent plutôt bien. Mon esprit, c'est une autre histoire.

Je me redresse et jette un coup d'œil au radio réveil. Mardi 6 septembre. 6h48. Mon réveil n'a pas sonné, quelqu'un a dû le désactiver. Je parierais sur Stanley, pour la simple et bonne que ma mère aurait été incapable de penser à un tel détail. Heureusement que mon horloge interne fonctionne encore, sinon je pouvais faire une croix sur l'école.

Je me lève et délaisse ma chambre pour la salle-de-bain. Elle est vide. À en juger par les voix qui viennent du rez-de-chaussée, tout le monde est déjà descendu.

Tant mieux, les négociations viendraient plus tard.

L'eau froide me procure un bien fou. Je délaisse ma torpeur. Mes idées s'éclaircissent jusqu'à pouvoir visionner le film de ma journée d'hier. Ma rentrée scolaire pas si terrible que ça in fine ! L'agréable soirée en compagnie de Louisa. Puis... Le drame. Je reprends connaissance dans les bois. La police est avertie. Les cris, les lampes torche, les pleurs d'Annie. Le déballage de mes souvenirs nébuleux au Shérif Foley. Les images se bousculent toutes plus incompréhensibles les unes que les autres.

Au fur et à mesure que l'eau s'écoule sur ma peau, les douloureux résidus de la veille se laissent oublier. Je remise dans les tréfonds de ma conscience la perplexité blessante des adjoints qui ont pris ma déposition. Je tente d'oublier l'incompréhension du shérif par rapport à mon récit. Je n'ai dit que la vérité, que ce que j'avais senti et vu. Louisa arrachée à moi. Un homme avec des cornes.

Je m'enveloppe dans une serviette tiède et frotte énergiquement mes bras. De retour dans ma chambre, j'enfile la première robe que ma main trouve dans ma garde-robe. Je m'observe un long moment dans le miroir. Mon reflet ne me plaît guère. Mes traits sont tirés, ma peau est terne, mon regard est lointain. J'attrape au hasard une poudre de teint dans ce tiroir à maquillage que je n'ouvre que très rarement. Je tapote mes pommettes à l'aide du pinceau. Le résultat est déjà plus engageant. J'entreprends de remettre de l'ordre dans mes cheveux encore humides. À moitié convaincue, j'oublie mon narcissisme passager pour me concentrer sur mes affaires de cours. Mes livres de physique, littérature et latin rejoignent mon sac en deux temps trois mouvements. Je suis prête.

Lorsque j'apparais dans la cuisine, ma mère fond sur moi et prend mon visage entre ses mains.

- Mais qu'est-ce que tu fais debout, ma chérie ?

- Je vais au collège, quelle question !

Ma mère lance un regard en coin à Stanley qui vient aussitôt à sa rescousse. Son bras entoure mes épaules de manière réconfortante.

- Rose, tu es sûre que...

Sans plus attendre, je lui coupe la parole.

- Tous les deux écoutez-moi avant d'extrapoler, s'il-vous-plaît. Je vais bien, je pourrais aller mieux, c'est certain, je pense qu'on le pourrait tous. Quoi qu'il en soit, je vais assez bien pour aller en cours aujourd'hui. Et, pour tout vous dire, le pire pour moi serait de rester cloîtrée ici à m'imaginer la montagne de travail qui est en train de s'accumuler.

Ma tirade s'achève sous le regard hésitant de ma mère. Suis-je dans le déni ? Pas vraiment. Louisa et moi avons été attaquées par quelque chose dans les bois, elle a disparu. Je suis encore secouée par cet événement, traumatisée même, d'autant plus que personne n'a l'air de croire mon histoire et que toute la ville doit à l'heure actuelle me prendre pour une folle. Mais je me dois de m'occuper l'esprit et en ce moment, le remplir de connaissances jusqu'à ce qu'il explose me paraît être la meilleure option qui s'offre à moi. À y réfléchir, c'est tout à fait ce dont j'ai besoin en fait !

So Darkness We BecameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant