Presque normale

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Rose

Une main sur ma joue me tire de ma torpeur. J'ouvre les yeux. Ma mère me sourit. J'ai dormi comme jamais, plongée dans un sommeil profond et sans rêve. Je n'ai même pas eu besoin de prendre un des somnifères prescrit par le docteur. Ma mère croit que je l'ai pris mais jamais je ne toucherai à ces horreurs.

- Comment te sens-tu, ma chérie ? s'enquit ma mère d'une voix douce.

- Bien, je crois !

Je m'étire alors qu'elle ouvre les rideaux, laissant s'engouffrer dans la pièce un soleil matinal fort agréable.

- Il faut que je te dise quelque chose ma chérie. C'est au sujet d'Annie.

Je me redresse sur mon lit.

- Le shérif m'a appelée tôt ce matin pour m'expliquer ce qu'il s'était passé cette nuit.

- Et qu'est-ce qu'il s'est passé cette nuit ? je demande aussitôt, inquiète.

- J'y viens, j'y viens. Il semblerait que quelqu'un se soit introduit chez elle cette nuit. Annie l'aurait vu et a appelé directement le shérif. Ensuite, elle a poursuivi cet individu jusque dans la forêt où Rafe Foley l'a trouvée complètement paniquée à répéter toujours la même phrase : il était là, il me l'a enlevée.

Ma mère fait une pause, observe ma réaction. Je suis perdue, complètement perdue. Qui aurait bien pu s'introduire chez ma tante ? Une nouvelle mystérieuse question à ajouter à ma liste.

- D'après ce que m'a dit le shérif, il y avait des empreintes de pieds partout dans la maison, couvertes de terre.

- Donc, Annie n'a pas divagué.

- Exact.

- Et comment va-t-elle ?

- Elle se repose, je vais aller la voir ce matin et passer un peu de temps avec elle...

Elle s'immobilise au milieu de la pièce, hume l'air. Une odeur de brûlé me chatouille les narines. Maman a encore oublié ses toasts.

- Oh non, j'ai encore oublié mes toasts, s'indigne-t-elle en écho à mes pensées. Assure-toi que ton frère est réveillé, je vais faire en sorte que la maison ne brûle pas.

Elle me laisse seule. Je traîne encore quelques minutes dans mon lit. Mon esprit me paraît un peu plus léger que la veille. Espérons que cela dure et me permette de passer une journée normale. Si toutefois c'est encore possible...

Je finis par me lever. Assise sur mon lit, j'observe le mur au-dessus de mon bureau. L'affiche à l'effigie de l'université de Yale est manquante. Je ne peux m'empêcher de repenser à ma dernière discussion avec Louisa. Ma dernière discussion... Oh mon Dieu, je ne veux pas que ce soit la dernière discussion. Ça ne pouvait pas l'être. Ça ne devait pas l'être.

Je sors de ma chambre, traverse le couloir. Une porte s'ouvre, Thomas en sort, suivi de Dean. Je m'en étonne.

- Dean a dormi ici ?

Les deux garçons m'adressent un simple signe de tête et passent devant moi. Leur teint est livide, leurs yeux cernés, leur regard hagard. Qu'ont-ils encore traficoté cette nuit ? Ma question reste en suspens dans mon esprit. Comme des automates, ils rentrent dans la salle-de-bain, s'y enferment. Je me lance à leur poursuite, tambourine à la porte, en vain. Je me suis encore fait avoir. Je peste.

Tant pis, je prends la salle-de-bain des adultes. Stanley et Maman sont déjà descendus depuis un bon bout de temps, ils ne m'en tiendront pas rigueur. Un quart d'heure plus tard, je suis prête à prendre mon petit déjeuner. Dean et Thomas ne sont toujours pas sortis, je leur fait remarquer que nous sommes en retard, ils ne me répondent pas.

So Darkness We BecameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant