Promenons-nous dans les bois

7 2 0
                                    

Rafe

Deux heures du matin et nous revoici dans la forêt. Si hier j'étais portée par la profonde envie de percer les secrets de la disparition de Louisa. Aujourd'hui, je regarde tous ces maudits arbres et je n'ai qu'une seule envie fuir très loin d'ici. Une deuxième disparition en une semaine, deux récits totalement farfelus de corps qui glissent sur le sol comme attiré par un aimant, invisible bien sûr. Je veux bien croire que Silver Hollow est une ville bizarre, mais tout de même il y a des limites.

- Pourquoi on a choisi ce métier, Eddie ?

Mon adjoint se retourne vers moi, sa barbe est plus longue que d'habitude, ses yeux plus cernés.

- Je me posais la même question ! Je suis sûr qu'ils sont plus pépères que nous au FBI !

- C'est clair qu'à Silver Hollow, le mot « peinard » n'apparaît pas dans le dictionnaire !

Dans ma poche, mon talkie-walkie grésille, mettant fin à la discussion :

- Alors ? Vous avez trouvé quelque chose ? demande la voix de Rich.

- Rien ! Et de ton côté ?

- Pareil, aucune trace du gamin.

- On continue encore une heure et puis on rentre.

- À vos ordres shérif !

Je remets l'appareil dans ma veste et reprend mon chemin. Me retrouver dans ces bois en pleine nuit fait naître en moi des souvenirs brumeux d'un temps ou comme Rose Warren, j'avais dix-sept ans. Je me rappelle avoir passé une nuit dans la forêt avec des amis, juste comme ça, pour rigoler. Je sais que cette expérience n'avait pas été des plus joyeuses de ma vie, mais je ne parviens pas à me souvenir ce qu'il s'était passé alors. Je me revois courir dans les bois, la peur au ventre. Pourquoi ? Une bêtise sans doute...

- Eddie ?

- Mmmh...

- Tu penses que notre esprit peut réellement occulter certains détails de notre passé ?

- Je suppose... Pourquoi ?

- J'ai l'impression que j'ai vécu quelque chose dans cette forêt, quelque chose qui pourrait avoir un rapport avec toutes ces disparitions, je lui avoue en le rejoignant.

- Oh non Rafe ! Tu reviens encore avec ça ?

- J'en peux rien je ne parviens pas à m'ôter cette idée de la tête !

- Combien de fois dois-je te répéter qu'il ne s'est rien passé cette nuit. On s'est pris une belle cuite, on a eu une petite frayeur, fin de l'histoire.

Un silence tombe sur nous. Seul le bruit de nos rangers écrasant la mousse occupe nos oreilles. Eddie et moi sommes semblables en beaucoup de points. Nous nous connaissons depuis notre enfance, nous formons une équipe qui marche depuis plusieurs années pourtant, il est des moments où nous n'arrivons plus à nous comprendre. Eddie croit en ce qu'il voit et moi, je ne sais pas en ce que je crois. Ces petites divergences d'opinion nous ont souvent amenés à des prises de becs plus ou moins violentes. Là où, dans mes enquêtes, je laisse toujours une porte entrouverte pour laisser passer mes intuitions, Eddie s'obstine à vouloir la refermer. Pour lui, il n'y a que des faits et des explications.

- C'est pour ça que tu es partie seule hier soir ? finit-il par demander.

- Ça se pourrait !

- Rafe, tu ne peux pas toujours te fier à tes pressentiments ! Tu te rends compte que ça ne t'a encore menée à rien ?

Qu'est-ce que je disais ?

- Et si un jour ça me menait quelque part ?

- Ou nulle part, complète Eddie.

So Darkness We BecameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant