So Darkness We Became

Logan Milton

Rafe

     Ma carte en main, j'avance dans l'obscurité. Ça fait déjà plus d'une heure que je marche dans la forêt. Je ne dormais pas alors j'ai décidé de venir ici, seule. Je ne sais pas ce que je cherche. Louisa Beckett, sans doute. Non, je pense que je cherche plus que ça. Je cherche ce qui cloche dans cette forêt, ce qui fait que tant de personnes y ont disparu, perdu la vie ou miraculeusement réapparu. Selon moi, il y a autant de bon que de mauvais ici, je veux juste savoir ce qui rend ces arbres si spéciaux. Certains parlent de sorcières, d'autres de courants telluriques, d'autres encore de démons. Je ne veux plus me contenter du folklore local, je veux des réponses !

Si Eddie me voyait, il me traiterait sans doute de folle. Qu'il pense ce qu'il veut, je m'en fiche ! J'écoute simplement cette intuition qui me dit que Silver Hollow n'est pas une ville comme les autres. En partant de ce principe, on peut dire qu'alors il faut cesser de chercher dans la normalité. Je ne pense comme ça que depuis à peu près une heure. J'ai eu une sorte de révélation en sautant hors de ma voiture. Peut-être que ce sont ces arbres qui m'ont soufflé l'indice qu'il me fallait. Ou alors, est-ce juste moi qui suis arrivée à un point de ma vie où je dois changer ma façon de penser...

Devant moi se profile la façade arrière de Nethercave Manor. La première fois que je suis venue ici, j'avais vingt ans. Je n'étais qu'une toute jeune adjointe et je participais aux recherches de Logan Milton. Il y a dix ans déjà.

J'arrive devant la clôture. L'accès au manoir n'est limité que depuis quelques mois. Quand le jeune Jason Hugues s'est fracturé la colonne vertébrale en passant au travers du plafond du troisième étage, on a bien été forcé d'agir. Pourquoi tous ces jeunes ont-ils besoin de se mettre en danger ? Pour faire des vues sur les réseaux sociaux ? Je ne les comprendrai jamais. Surtout que ce lieu n'a rien de très attirant. S'il était en meilleur état, passe encore, mais là ce ne sont vraiment que des ruines taguées. Je ne peux en vouloir qu'à notre cher maire, je suppose. Après tout, c'est lui qui a laissé ce témoignage du passé, une des plus anciennes bâtisses de la ville, tomber en miettes. Résultat des courses, un mort, une bonne quinzaine de fractures et la démolition prochaine de ce bijou historique.

J'arrête de m'appesantir sur ce sujet, sinon je vais encore me mettre en rogne ! Ce n'est pas le but de mon exploration. Je contourne la barrière pour rejoindre l'avant. Une voiture est abandonnée sur le chemin de terre menant au manoir. Appartiendrait-elle à un de ces fameux chasseurs de frissons ? Je m'approche, on a taillé dans les barbelés. Ce n'est jamais que la troisième fois ce mois-ci. Je range ma carte dans la poche de ma parka et me faufile à travers le passage.

Un cri aigu me fait sursauter. J'accroche mon jean qui se déchire et m'entaille la cuisse au passage. Une voix résonne à l'intérieur, je ne comprends pas ce qu'elle dit.

- Maudite affaire, je peste.

Je parviens à m'extirper des barbelés. Je cours vers l'entrée, deux jeunes en sortent, harnachés de lampes torches et caméra en tout genre. Un grand roux, une petite aux cheveux mauve. Noah O'Malley et Jenny Vaughn, toujours fourrés là où il ne faut pas. J'aurais dû m'en douter en voyant la vieille wrangler bleue avec une portière jaune. C'est tout de même la signature des O'Malley !

Ils fuient en regardant derrière eux, ils ont l'air affolés. O'Malley me voit, stoppe sa course, regarde sa comparse qui s'arrête à son tour. Si mon bon vieil instinct de shérif ne se faisait pas sentir, j'éclaterais sans doute de rire, tant la situation est hilarante. Je me croirais presque dans un film muet tant leurs expressions semblent exagérées. Or, je sens que quelque chose se trame.

- Il... Il... Il y a quelqu'un qui nous a poursuivis à l'intérieur, bégaye O'Malley. Rose n'est pas encore sortie.

Rose ? Rose Warren ? Je me précipite vers l'entrée, mon revolver dégainé. À l'intérieur, la luminosité est faible. Je distingue une silhouette féminine à quelques pas de moi.