Rose
D'un pas lourd, nous traversons le couloir principal, à contre courant. Tous les élèves se ruent vers la sortie et nous, nous nous enfonçons un peu plus dans l'école, direction la bibliothèque où nous resterons enfermées à la merci de Rupert Fawcett toute la soirée, jusqu'à ce qu'il daigne nous libérer. Je frissonne à cette idée. C'est ma première retenue et je m'étais jurée de ne jamais en avoir. Voilà qui est raté !
Nous arrivons devant la porte close de la bibliothèque. Le vendredi est le jour de congé de Mrs Keaton. Nous sommes les premières, en avance. À croire qu'on a hâte de commencer ! Je me laisse glisser le long du mur jusqu'à m'asseoir sur le sol. Je suis éreintée, avec tous ces cauchemars qui agitent mes nuits, j'ai l'impression qu'elles sont raccourcies de deux ou trois heures au moins. Dans ma poche, le vieux téléphone hérité de ma mère vibre. Un instant, je suis persuadée que c'est O'Malley qui me répond enfin, mais non, c'est juste Stanley qui me souhaite bon courage. Il m'a proposé de faire tomber ma retenue, l'avantage d'avoir le directeur comme beau-père, mais j'ai refusé. J'ai toujours voulu être une élève comme les autres, ce qui implique d'aller en retenue quand c'est nécessaire, sans se défiler. Même si, je l'avoue, je m'en passerais bien !
- Mais où est Noah ?! j'interroge en relisant les derniers messages que je lui ai envoyés ce matin.
- Pfff, il est certainement dans sa cave en train de monter des vidéos ou de tester je-ne-sais-quelle-nouvelle-caméra, soupire Jenny. Il a séché toute la journée de cours, il ne va quand même pas venir pour une retenue.
- Ça ne va pas arranger ses affaires !
- Ça c'est clair ! Mais nous savons bien que Noah a l'âge d'un enfant de quatre ans et qu'il n'a donc aucune idée de la portée de ses actes ! Que veux-tu, on ne peut pas attendre mieux d'un type qui chante la chanson des nains sous sa douche...
C'est vrai que Noah est passé maître dans l'art de ne jamais envisager les conséquences de ses actes. Le plus important c'est qu'après il les assume tout de même. Noah n'en a rien à faire des cours, il réussit parce qu'il est intelligent, mais son véritable objectif dans la vie c'est d'être reconnu comme vidéaste et de gagner sa vie comme tel. C'est d'ailleurs pour ça qu'il n'a déposé sa candidature dans aucune université ! Jenny trouve ça absurde, moi je trouve qu'il faut du cran pour suivre un chemin que très peu empruntent. Mieux encore, Noah assume ce qu'il est sans jamais se sentir forcé de rentrer dans un moule.
Des pas se rapprochent, un groupe d'élèves plus jeunes, tête baissée, nous rejoint dans le corridor. Au même moment, Fawcett sort de son bureau, juste en face de nous.
- Mesdemoiselles, levez-vous je vous prie ! il aboie. Vous n'avez donc aucune tenue !
- Dixit le gars qui porte toujours le même costume usé, sans doute le plus démodé de l'histoire de la mode, me glisse Jenny.
J'époussète mon pantalon et me relève. Fawcett qui ouvrait la porte a entendu sa réflexion, il fusille Jenny du regard.
- Mademoiselle Vaughn, encore une remarque de ce genre et vous passerez cette retenue dans mon bureau, en face à face avec moi ! Compris ?! assène-t-il.
Dans un geste très théâtral, il pousse le battant. Les lumières s'allument dans la bibliothèque et nous rentrons tous. Une curieuse odeur de propre mêlée à celle de la poussière flotte dans l'air. Nos pas résonnent dans cet espace vide, soudain morne. Je m'installe au fond avec Jenny. Elle n'a même pas le temps de s'asseoir que Fawcett frappe à nouveau !
- Un par banc, Vaugh ! Venez donc vous installer ici devant, propose-t-il en tapotant la première table devant lui.
Le soupir de Vaughn emplit la salle, elle ramasse son sac et d'une démarche nonchalante, traverse la rangée, son regard défiant celui de notre professeur. Lorsqu'elle arrive face à lui, prête à s'asseoir, il l'arrête :
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So Darkness We Became
ParanormalIl était une fois... Silver Hollow, une bourgade comme il y en existe des centaines dans le Maine ; une scierie, un pont couvert, un lac et une forêt. Une immense et mystérieuse forêt qui imprègne ce microcosme de son aura intemporelle. Idyllique en...