Wake me up when september ends

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Annie

L'impression de chuter. Une chute longue et vertigineuse. Quand vais-je toucher le sol ? Je n'en sais rien. Je sais juste qu'au moment où cela arrivera, je me briserai en mille morceaux. Je subis tout ce qui est en train de se passer. Je ne peux rien faire, tout m'échappe. Je me sens comme cette enfant que j'étais qui regardait son père frapper sa mère, impuissante. Je voudrais agir, mais au fond de moi, je sais que je ne peux rien faire... Attendre... Attendre, attendre encore. C'est ce que tout le monde me répète sans fin ; Rafe, Eleanor, Stanley,...

Attendre quoi ? Une mauvaise nouvelle ? Encore une ? Dans le silence de mon esprit, une petite voix ne cesse de me hurler d'espérer. Je n'ai jamais fait que cela dans ma vie, espérer ! Et où cela m'a-t-il mené ? Dans cette bicoque déglinguée à élever une gosse formidable qui mériterait toutes les étoiles du ciel avec tout juste assez d'argent pour vivre trois semaines par mois. Je n'arrive plus à espérer, c'est ça mon vrai problème.

Par la fenêtre, je regarde Rafe remonter dans sa voiture. Elle vient de trouver le bonnet de Louisa. Son éternel bonnet pastel. Je n'ai même pas pu le voir, c'est une pièce à conviction. Elle ne voulait pas me dire grand-chose. Elle me connaît, Rafe... Elle sait que je suis fragile, que je peux craquer à tout moment. Pourtant, je ne lui ai pas laissé le choix, je refuse de rester dans le flou, même si la vérité est difficile à entendre. Elle a fini par me dire qu'après une journée de recherches, à part ce bonnet, ils n'avaient rien trouvé. Pas un indice, pas un suspect.

Je ne comprends rien à ce qu'il se passe. Cette histoire n'a aucun sens. On suspecte un enlèvement puis un jour plus tard, on me dit que ni ma petite chouette, ni son présumé kidnappeur n'a laissé de trace. Si ça tombe, demain on me dira qu'elle est peut-être au fond du lac. En fait, Rafe et ses adjoints sont aussi perdus que moi, je l'ai vu dans ses yeux. C'est pour ça qu'elle a tant de mal à me parler. Et dire qu'il fut un temps où nous étions amies...

Je me laisse tomber dans mon vieux sofa, mon plus fidèle ami. Je ferme les yeux, réfléchis. L'inquiétude ne me lâche pas. Mais où es-tu Louisa ? Pourquoi ne revient-elle pas auprès de moi ? Pourquoi doit-elle me laisser, désespérément seule ? Est-elle seulement vivante ? Je ne me suis jamais autant posé de questions. Du moins pas d'aussi douloureuses.

Je n'ai pas dormi la nuit dernière, la fatigue se fait sentir pourtant le sommeil ne vient pas. Tant pis, j'ouvre les yeux. Je sursaute. Rose se tient dans l'embrasure de la porte, entre le vestibule et le salon. Je ne l'ai pas entendue entrer. Je me lève, je vais la serrer dans mes bras. Je pleure un peu, elle aussi. Puis, nous nous asseyons.

Le silence est lourd. Nous nous observons dans la pénombre, sans rien pouvoir dire. Aucune de nous n'a le courage de parler mais au fond, je sais que nous nous comprenons. C'est finalement Rose qui brise le silence. Sa voix tremble alors qu'elle serre ma main dans la sienne, tiède et douce comme la peau d'un nourrisson.

- Je ne sais pas ce que le Shérif Foley a pu te dire, ni même ce que tu as lu, mais ce que j'ai raconté c'est ce que j'ai vécu hier soir. Ils m'ont demandé de dire la vérité, je leur ai dit tout ce que j'avais vu et ressenti, dans les moindres détails. Je...

Elle fait une pause pour rassembler ses esprits sans doute, et après une profonde inspiration, elle reprend :

- J'ai du mal à comprendre ce qui nous est arrivé, mais ce n'était pas rationnel. Louisa n'a pas été kidnappée, j'en suis certaine. Mes souvenirs sont clairs, mon ressenti aussi.

Je me force à sourire. Un de ces sourires tristes et vides, mais un sourire tout de même. Ma main caresse la joue de ma nièce, pour la rassurer. Bien entendu que je la crois.

So Darkness We BecameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant