Spooky Kids

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Thomas

Pas de réprimandes. Nada ! Stanley a roulé jusqu'à la maison sans sortir un mot, ma mère l'a imité tandis que Rose est restée pendue à son téléphone tout le trajet. Dans l'attente de nouvelles de Noah. Il est à l'hôpital. J'ai appris qu'il s'était fait empaler. La version officielle est qu'il s'est empalé en tombant, mais je ne crois pas à ces âneries !

Notre homme des bois a encore frappé. Il enlève, il tue et maintenant il empale. Quel avenir rayonnant pour notre ville ! Je ne suis pas rassuré, mais il faut agir maintenant ! Si Louisa est avec lui, il faut qu'on la récupère. Si elle est morte, il faut qu'on le sache. Une chose est sûre, ça ne peut plus durer. Il faut envoyer bouler l'incertitude.

Arrivé à la maison, je rentre le premier, ignore royalement Harper qui aboie dans le hall et monte dans ma chambre, en silence. Tout le monde fait de même, sans s'adresser un mot. Je claque la porte. Comme d'habitude, c'est le bordel ! Il faut vraiment que je me mette à ranger... Des coupures de journaux sur Louisa s'entassent sur mon bureau, recouvrant presque les claviers de mes deux ordinateurs. Je remets rapidement en ordre mes papiers, les entassent sur le coin de la table. Le plus récent titre : Louisa Beckett, morte ?

En réponse à cette question que je n'arrête pas de me poser depuis le début, je réentends ces noms prononcés par sa voix ce soir. Avons-nous halluciné ? Je ne crois pas ! Est-ce un signe de Louisa ? J'en suis certain ! Est-ce que je suis terrifié ? Oh que oui !

Je regarde ma montre, il ne faut pas que je me laisse distraire par ma peur. J'ai donné rendez-vous à Dean dans une demi-heure au quartier général. J'espère qu'il sera là, il faut vraiment qu'on parle et qu'on revoie notre stratégie d'enquête.

Je me plante devant ma fenêtre, le lac est éclairé par la lumière émise depuis ma fenêtre. Je tends l'oreille, la maison n'est pas encore endormie. Rose vient de fermer sa porte à double tour, Stanley est encore dans la salle-de-bains, ma mère dans le couloir. Elle parle à Rose à travers la porte, je ne comprends pas ce qu'elle dit. Ses pas se rapprochent, elle s'arrête devant ma chambre.

- Bonne nuit, Thomas, me lance-t-elle d'une voix neutre.

- Bonne nuit, je réponds machinalement.

Dans ma tête, je n'attends qu'une seule chose ; que tout le monde aille se coucher. Stanley retourne dans la chambre parentale, la porte se ferme à son tour. Un carré lumineux à la surface de l'eau s'assombrit. Il ne manque plus que Rose se décide à éteindre elle aussi. Il ne faut pas plus de cinq minutes pour que la maison sombre dans l'obscurité. Je patiente encore cinq minutes jusqu'à entendre les ronflements de mon beau-père. J'ai de la chance que personne ne souffre d'insomnies dans cette maison. À moi de jouer maintenant.

J'ouvre ma fenêtre en douceur, me glisse hors de ma chambre. Accroupi sur l'appui de fenêtre, j'évalue le danger qui me sépare du sol. Le toit incliné glissant de la véranda. Je ne réfléchis pas trop, je l'ai fait des dizaines de fois, je ne peux pas me louper. Avec agilité et sans bruit, je descends jusqu'au toit un peu plus bas. Je m'accroche au mur, comme je m'y attendais, il est très glissant. Satanée humidité. Rose a plutôt tendance à la maudire pour la faire ressembler à un mouton, moi elle ne me dérange pas sauf si elle met ma vie en péril quand je dois filer en douce en pleine nuit.

Il faut que je me lance. Je décide de m'asseoir et de me laisser glisser sur la pente. Un saut plus tard, j'ai rejoint le sol, sans me fracasser. Je ne traine pas, je suis trop en vue ici. Je cours jusqu'à la remise. Mon vélo est appuyé contre le mur, lui aussi mouillé. J'essuie la selle de ma manche et je l'enfourche. Je ne prends pas la route et vais au plus court, traversant les bois à vive allure.

Dix minutes plus tard, je suis devant le quartier général. Dean est déjà là, son vélo est abandonné sur le sol. Je laisse le mien contre un arbre et avance jusqu'à l'entrée. Je m'arrête devant la porte, un souffle frais me traverse, en même temps que cette forte sensation que je ne suis pas seul. Un classique dans la forêt de Silver Hollow. Peu rassuré, je me retourne, on ne sait jamais ! Et si l'homme des bois avait décidé de nous rejoindre.

Lorsqu'un gros craquement se fait entendre, je sursaute et pris de panique, je rentre à l'intérieur du cabanon. Ma peur ne fait que monter en flèche lorsque je découvre que le macabre habitant de Silver Hollow s'est frayé un chemin jusqu'à notre cabane branlante, notre antre magique ou le mal ne peut rentrer. Il est y est bel et bien rentré. Notre forteresse imprenable est tombée. Elle s'est transformée en ossuaire. Et non, ce n'est pas une image ! Des fils sont accrochés aux quatre coins de la pièce, tendus dans tous les sens, ils s'entremêlent, se séparent et se rejoignent encore jusqu'à former une sorte d'énorme toile d'araignée dans laquelle reposent des dizaines d'ossements. Au centre, un crâne de chevreuil particulièrement glaçant.

- Tu vois ce que je vois ? murmure Dean en me donnant un léger coup de coude.

- Oui, je vois...

- Qui a bien pu mettre tout ça là ? C'est... C'est impossible

Je ne réponds pas et avance un peu plus loin sous cette toile. Un objet attire mon attention à l'autre bout du cabanon. Un boitier métallique, il me semble. Je m'immobilise.

- C'est pas vrai ! je m'exclame. Dean, on vient de retrouver le talkie de Lou.

Je l'examine en me hissant sur la pointe des pieds, j'ai trop peur de le subtiliser. Son prénom est écrit au marqueur, sur le côté, je reconnais mon écriture brouillonne.

- Oh non... gémit Dean. Ça commence vraiment à devenir beaucoup trop glauque pour moi !

Soudain, un cri strident retentit à l'extérieur. Mon regard croise celui de Dean, il lui rappelle quelque chose, moi aussi. Quand le second hurlement se fait entendre, je me rapproche déjà de la sortie. Le troisième tarde à arriver à nos oreilles. Il est suivi de toute une série de craquements venant de derrière la cabane. Comme si des dizaines de gens marchaient vers nous.

- On se casse ! je lance.

Dean se rue dehors, je ne l'ai jamais vu courir aussi vite. Nos vélos enfourchés, je me retourne. Je ne vois rien, puis soudain j'aperçois des lumières vacillantes, des torches je pense, puis des silhouettes plus sombres se découpent. Plusieurs cris s'élèvent, je commence à avoir peur qu'ils présagent notre mort prochaine. Cette idée me donne le coup de fouet nécessaire pour me mettre à pédaler. À toute vitesse nous nous engageons sur le chemin de terre, mettant le plus de distance possible entre nous et ces gens sortis de nulle part.

Des images de cette fameuse nuit, celle qui a suivi la disparition de Louisa, me reviennent. Nous étions seuls dans les bois en pleine nuit, comme aujourd'hui. Nous avons entendu des cris semblables à ceux-ci. Ce n'étaient pas des cris de peur, mais des cris destinés à faire peur, ce genre de son qui vous pétrifierait en deux secondes. Nous étions en train d'examiner l'endroit où Lou s'était volatilisée. Nous nous sommes retournés et là, nous l'avons vu. Cet homme des bois et ses cornes immenses. Il n'était pas seul, mais entouré de dizaines d'êtres humains qui ressemblaient plutôt à des sauvages. Vêtements déchirés, visages peinturlurés, regards transperçants. Ils nous ont poursuivi jusqu'à chez moi, sans jamais courir. Ils marchaient tous en ligne, d'un pas lourd, en criant des paroles qu'aucun de nous deux ne comprenait. Ils se sont arrêtés à la lisière de la forêt et quand nous avons regardé par la fenêtre, une fois barricadés dans ma chambre, ils avaient disparu. Ce soir-là nous avons eu la plus grande frayeur de notre vie. Cette nuit, le cauchemar recommence.

Une odeur de brûlé me prend les narines. Qu'est-ce qu'il est encore en train de se passer dans cette forêt. Dean s'arrête devant moi, je freine de toutes mes forces pour éviter la collision. Ma roue s'arrête à quelques millimètres de la sienne. Il me fait signe de me retourner. Au loin, un brasier... Ils ont mis le feu à notre quartier général, sont en train d'y brûler vifs, Captain America, Thor, Iron Man, et tant d'autres. Sauf peut-être Johnny Storm. Ils viennent de foutre le feu à tout ce qui nous rattachait encore à notre enfance. Une larme coule sur ma joue. Même si la société dit qu'un garçon ne doit pas pleurer, c'est tout ce que j'ai envie de faire en ce moment.

Certes, vu son état ce n'état plus qu'une question de temps avant que notre cabane branlante ne s'effondre sur nos têtes, mais bordel, ces fous ont foutu le feu à mon enfance !

So Darkness We BecameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant