J'ai enfin reçu cette série de questions tant attendues. C'est avec joie que je découvre l'intérêt de ce professeur pour mes travaux. On sent qu'il n'a pas juste effleuré mes écrits, il les a intégré avec rigueur et sérieux. Je relis avec soin chacune de ses interrogations et y répond avec patience et solennité. Mon cerveau se remet en marche après une longue agonie d'errance. Je n'entends plus mes voisins, je suis concentré.
Le jour s'estompe un peu plus à chaque fois que je lève la tête. J'allume la lumière. L'ampoule éclaire la pièce progressivement. J'ai bien avancé. Les points abordés par le professeur me font comprendre que j'ai abusé d'automatismes dans mes démonstrations mathématiques. Il a raison, elles méritent quelques heures de travail supplémentaires.
A ma grande surprise, il n'a pas abordé la partie physique de mon essai. Il s'est limité à relever les failles de mes relations mathématiques. Ou du moins, ce qu'il croit être des failles, vu que certaines de ses approches n'ont rien à voir avec ma théorie.
Une vive douleur me prend soudainement sur le haut du crâne. Je me lève pour me servir un verre d'eau. Elle est amère. Je vais me préparer un plat pour me changer les idées. Rien de bien appétissant dans le réfrigérateur. Il me reste une boîte de surimis. Je la saisi et l'ouvre. Un vague souvenir de vacance à la mer ressurgit. Les jours se ressemblent tellement que je ne me rappelle plus quand j'ai ouvert pour la première fois cette boîte. Je sors un bâtonnet et le regarde attentivement à la recherche de tâches de moisissures. Je ne suis pas certain que le surimi moisisse. Il est juste sec. Je retire un film plastique qui le recouvre, le gobe et le mâche doucement. C'est encore mangeable. Je ferme la porte du frigo et me réinstalle à table. Je n'ai plus la volonté de poursuivre la rédaction de mes réponses.
Quelqu'un frappe à la porte. Je soupire. Qui vient me déranger à cette heure-ci ? Je n'ai pas envie d'ouvrir mais je sais que mon visiteur voit de la lumière s'échapper du dessous de la porte. Il se doute bien que je suis là.
J'ouvre dépité.
_ Bonsoir monsieur, me dit un vieil homme.
_ Bonsoir.
_ Désolé de vous déranger monsieur, je crois que votre voiture a été vandalisée.
_ Pardon ?
_ Elle est à vous la Citroën grise ?
_ Oui.
_ Je crois que ce sont des gamins de la cité qui ont fait ça. Ça arrive souvent.
_ ...
Je boue. Ils n'ont vraiment rien d'autre à foutre de leur existence que de détériorer des véhicules ?
Furibond, je prends ma veste et dévale les escaliers. Le bonhomme se sent obligé de m'accompagner. En chemin, il continue de me parler mais je ne l'écoute pas.
Rétroviseurs cassés, pare-brise arrière troué et une porte à demi ouverte. Le vieil homme parle de plus en plus fort. Il semble se justifier d'un crime qu'il n'a pas commis. D'ailleurs, comment se fait-il qu'il sache que c'est ma caisse ? Je vois qu'ils n'ont même pas cherché à me dérober l'autoradio. Un acte gratuit, juste pour faire chier !
Je suis assuré au tiers le plus mini qui existe sur le marché, je n'aurai aucune couverture. Toutes les réparations seront à ma charge.
Inutile de porter plainte... A quoi bon ajouter un dossier de plus à une pile de plaintes sûrement bien étoffées qui dort dans un tiroir ?
_ Faut pas vous inquiéter monsieur, l'assurance va faire expertiser le véhicule et ils vont vous la remettre à neuf !
_ ...
_ Vous êtes bien assuré ?
_ Non.
Le visage compassionnel du bonhomme m'agace encore plus. Allez, rentre chez toi ! Va regarder la télé ! Laisse-moi tranquille !
_ Merci de m'avoir prévenu, dis-je en feignant d'exprimer ma colère.
_ De rien monsieur. Si vous avez besoin d'un coup de main, je suis votre voisin du dessous. Il y a un poisson accroché à la porte. On peut pas me manquer !
Je le remercie à nouveau et il s'en va. Enfin.
Je rentre dans la voiture. J'ai un sentiment étrange. Une partie de mon intimité a été violée. Ça me met mal à l'aise. Des jeunes sont assis sur un banc juste en face de moi. Ils me regardent. Une cigarette passe de main en main. Sont-ils coupables ? Parfois, le criminel revient sur le lieu de son crime.
Je rentre...
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Lucas
RomanceLucas rejette émotions et sentiments et n'accorde de l'importance qu'à la logique. Mais une rencontre va bouleverser sa vie...