Lucas

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La seule fois que je pars à ce cours de théâtre et l'on m'oblige déjà à apprendre une prose. Je suis en binôme avec Églantine, c'est le seul point positif. Marc nous a donné une fiche explicative contenant extraits, contexte et résumé de la pièce Le songe d'une nuit d'été, un classique de William Shakespeare. Ce n'était pas obligatoire, mais j'ai commandé le bouquin sur internet. Pour je ne sais quelle raison, je veux m'imprégner de l'histoire et entrer dans la tête de l'auteur. Je me suis mis à faire des recherches sur Shakespeare, à lister tous ses travaux, à regarder les critiques de ses œuvres, à essayer de comprendre pourquoi cet homme est devenu si célèbre.

_ Tu savais que nous n'avons pas les manuscrits originaux des œuvres de Shakespeare ? On ne sait pas vraiment si c'est lui qui les a écrits !

_ Euh... je crois qu'il y a eu un film là-dessus, non ? S'interroge Églantine.

_ C'est le cas aussi de Molière !

_ T'as l'air d'être très intéressé par le théâtre tout d'un coup ?

_ Ben... j'ai besoin de savoir dans quoi je me lance.

_ C'est cool...

Églantine semble ailleurs.

_ Ça ne va pas ? L'interroge-je.

_ C'est juste que j'aimerai être au chômage comme toi. Je ne sais pas où les gens trouvent leur argent...

_ C'est toujours bondé au magasin ?

_ Oui.

_ Je vais dormir chez moi ce soir.

_ ...

_ J'ai envie de retrouver mon lit. Il me manque.

_ Tu dors mal ici ?

_ Je me réveille des fois plus fatiguées que lorsque je vais me coucher.

_ Je ronfle trop ? C'est à cause de la télé des voisins ?

_ Non. Je crois que c'est le fait de dormir chez toi, puis deux jours après chez moi, et puis revenir chez toi... ça me perturbe mon sommeil.

_ Ah... tu veux que je change de lit ? Il n'est peut-être pas assez grand ?

_ Non, dit-elle en riant.

J'aime bien dormir avec elle. Malgré quelques nuits blanches passées à ses côtés au tout début de notre relation, je me suis habitué à sa présence. De mon côté, c'est l'inverse, je dors mal lorsqu'elle n'est pas là. Compte-tenu de ce qu'il s'est passé la dernière fois, je n'ose pas lui demander d'emménager chez moi.

_ Tu boudes ? Me demande-t-elle amusée.

_ Non... y'a pas de soucis.

_ Je pense que ce serait mieux que je vienne dormir chez toi uniquement le week-end.

_ Ok.

Je suis à la fois frustré, vexé et énervé. Mais je me contiens. Et puis, je ne peux pas venir chez elle, car elle habite encore chez ses parents. Je ne souhaite pas les rencontrer pour le moment.

_ Au fait, je voulais te dire...

_ Quoi ?

_ Mon ex m'a recontacté il y a deux jours.

_ ...

_ Il veut que l'on se voie.

_ Et toi ? Tu veux le voir?

_ Je n'ai pas encore pris ma décision. Mais je tenais à ce que tu le saches.

_ Je... je ne sais pas trop comment prendre cette nouvelle. Enfin... tu me dis que tu ne veux plus dormir ici et que ton ex veut te voir ? Qu'est-ce que je dois en penser ?

_ Non, ce sont deux choses différentes. Mon sommeil n'a rien à voir avec mon ex. Et je ne t'ai jamais dit que j'arrêterai de dormir avec toi.

_ Tu vas le voir ?

_ Je ne sais pas... dit-elle en soupirant. Je suis fatiguée... On en parle plus, d'accord ?

Ma main tremble. J'ai envie de marcher, de m'en aller. Je prends ma veste.

_ Qu'est-ce que tu fais ? Me demande Églantine.

_ J'ai envie de marcher un peu.

Je sors de l'appartement et descend les escaliers à toute vitesse. Je marche droit devant moi sans savoir où je vais. Je me sens fébrile. Mes jambes semblent autonomes. Je m'arrête un instant et prend de grandes inspirations. C'est la confusion dans ma tête.

Je décide de revenir à l'appartement. Je remarque que la voiture d'Églantine n'est plus là. Je monte et entre chez moi. Je récupère mon téléphone portable.

« Je rentre chez moi. Ne te prend pas la tête avec ce que je t'ai dit ! Tu n'as pas à t'inquiéter. Bonne soirée. Bisous mon cœur. »

J'hésite à lui écrire un message. 

« Tu n'as pas à t'inquiéter ». Si si, j'ai tout intérêt à m'inquiéter Églantine! J'ai tout intérêt de croire que tu l'aimes encore, et d'un amour sincère. On ne peut pas balayer trois ans de vie de couple d'un simple revers de la main. Le fantôme de ton ex plane au-dessus de toi. Et moi, moi je ne sais pas comment être meilleur que lui. Je ne sais pas comment te plaire assez pour que tu l'oublies. Je ne sais pas comment me battre contre le spectre de tes amours perdus.