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Ce matin, j'ai la tête dans le cul. J'ai pensé à Églantine toute la nuit. J'appréhende de la voir aujourd'hui. Je me sens bête. J'étais à deux doigts de pouvoir l'embrasser. Elle va vraiment finir par croire que je n'ai pas envie de sortir avec elle. A mon âge, j'ai le sentiment de me comporter comme un adolescent face à sa première histoire d'amour.

Tout en mettant des bouteilles de vin en rayon, je me dis qu'il me faut inviter Églantine à dîner chez moi. J'imagine qu'elle aime boire du vin rouge. Ou peut-être du blanc ? Je crois que les filles préfèrent le blanc ? Il faudra que je lui pose la question. Quand j'y pense, je passe de mes questionnements sur les isomorphismes des espaces de Hilbert à la préférence des filles en matière de vin...

J'ai hâte de voir Églantine. 

Malgré la fatigue, je suis d'assez bonne humeur. En bonne intelligence, j'ai conscience que mes hormones me montent à la tête. Je n'arrive pas à me sortir de l'esprit sa bouille amoureuse, lorsqu'elle était à quelques centimètres de la mienne. Je vois encore son regard pétillant, plein d'envie et lascif.

J'aperçois Jérôme qui traîne des pieds dans l'allée centrale en faisant une tête de déterré. Qu'est-ce qu'il lui arrive ?

En soulevant un carton, je le sens soudainement plus léger. Un bruit de verre cassé résonne. Une longue nappe de liquide rouge s'étale sur le sol. Putain !

Jérôme resurgit à nouveau pouce en l'air, et me regarde en ricanant. Il vient vers moi tout sourire. Je me suis fait des idées, il va très bien !

_ Félicitations ! S'écrit-il en riant.

_ ...

_ J'ai un mouchoir si tu veux ?

_ Ça ira, merci.

_ C'est relou... Marseille a perdu son match retour.

Je m'en fous, je n'aime pas le foot !

_ Ça s'est joué à pas grand-chose... Je comprends pas les entraîneurs qui font des changements deux minutes avant la fin du match. Quelle bande de nazes ! Ils ont sorti leur meilleur joueur au moment où il pouvait faire une bonne action, dit-il en serrant son poing.

Je sors les autres bouteilles du carton endommagé.

_ Ils comprennent pas, poursuit-il, qu'on donne le meilleur de nous-même lorsque tout est perdu ! C'est pendant ces dernières toutes petites minutes qu'il y aurait été à fond !

Tient, il se met à faire de la psychologie! Pour le coup, il n'a pas forcément tort...

_ Tu pourrais appeler le gars de l'entretien pour qu'il passe la machine ?

_ Je sais pas où il est, répond Jérôme en observant devant et derrière lui.

_ Bah il ne doit pas être loin, je l'entends d'ici.

Jérôme s'en va. Le connaissant, j'ai le pressentiment qu'il ne va pas appeler le type de l'entretien alors je me mets en direction de la zone du magasin où j'entends le bruit de l'auto-laveuse. 

Les haut-parleurs du magasin crachotent.

« L'auto-laveuse est attendue dans le rayon des pinards. Je répète si vous n'êtes pas réveillés. L'auto-laveuse est attendue au rayon des pinards... et pas des épinards ! Merci ! »

LucasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant