Lucas

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Monique s'approche vers moi.

_ Tu es demandé au bureau du patron.

_ Pourquoi ?

Monique hoche ses épaules l'air de ne pas savoir. Pourquoi est-ce qu'il veut me voir, lui ?

Je presse le pas dans le magasin et me dirige vers son bureau puis frappe.

_ Entrez !

J'ouvre.

_ Bonjour... Vous souhaitiez me voir ?

_ Bonjour monsieur Belle-feuille. Oui, entrez !

Je m'avance, fait une poignée de main au directeur et m'assieds. Il regarde des fiches.

_ Bon ! Nous avons décidé de ne pas renouveler votre période d'essai.

La nouvelle me glace le sang.

_ Que... heu...

_ Nous avons discuté avec le responsable de votre secteur de la qualité de votre travail et nous avons convenu que ça n'ira pas.

Le responsable de mon secteur ? Bon sang, je croyais que ça se passait bien ? On ne se parle pas, mais on n'a jamais eu de soucis. Enfin, il aurait pu venir me voir quand ça n'allait pas !

_ Je ne comprends pas trop, dis-je hébété. J'ai été ponctuel, j'ai fait ce qu'il fallait faire.

_ On m'a remonté des problèmes avec les commandes, des problèmes de casse et de l'impolitesse avec la clientèle. Je suis désolé monsieur Belle-feuille, mais ne pas respecter la clientèle, c'est rédhibitoire.

_ Pardon ? Je ne me rappelle pas avoir manqué de respect à qui que ce soit ?

_ Nous avons un cahier de doléance dans lequel un client a clairement signifié que vous l'aviez bousculé contre un autre rayon sans vous être excusé. Votre responsable a également été témoin de cela à d'autres reprises.

_ Je... Je suis désolé... je ne m'en étais pas rendu compte. Je suis... enfin...

Ma main tremblote. Je ne sais plus quoi dire. J'ai la tête dans les nuages, plus encore ces temps-ci. Je peux avoir fait du mal à des gens sans même m'en être rendu compte. Putain, je suis trop con !

_ Voilà, votre contrat prend fin dans un mois. Je vous l'assure monsieur Belle-feuille, ce n'est pas de gaieté de cœur.

_ J'ai peut-être été distrait mais je n'ai jamais pensé à faire du mal intentionnellement. Je n'ai pas envie de perdre mon travail.

_ Vous pouvez retourner à votre poste monsieur Belle-feuille.

Je me lève abattu. Je sens monter en moi une très forte colère. J'ai été bête de croire que mon responsable ne relevait pas mes bêtises. Ce serait stupide de lui en vouloir. Contrairement à Stéphane, il ne me connaît pas. C'est de ma faute ! J'aurais dû être plus attentif à son silence et essayer d'apprendre à le connaître.

Je me vois mal être de nouveau au chômage. Je me sens dans une impasse. J'ai loupé quelque-chose. J'ai envie d'être avec Églantine pour me réfugier dans ses bras.

Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?

Je pourrais tenter de me former à un nouveau métier ? Après tout, pourquoi est-ce que je me limiterai à la grande distribution ? J'ai assez de connaissance en math et en physique pour proposer des cours du soir ou une assistance pédagogique. Mais avec juste un bac, il va m'être difficile de prouver que je suis bon dans ces domaines. J'ai presque envie de postuler à nouveau chez mon ancien employeur.

Ça me prend la tête ! Je ne sais plus ce que je veux. A part être avec Églantine. Heureusement qu'elle est arrivée dans ma vie! J'ai très peur de la perdre. Il m'arrive d'être jaloux lorsque je la vois parler à d'autres hommes. En ne travaillant plus au magasin, je vais la voir moins souvent. Je m'en veux.

J'ai toujours eu le sentiment de vivre entre deux mondes. C'est pour cela que je n'ai rien vu venir, que je ne me suis rendu compte de rien. Habitué à me perdre dans mon esprit, j'ai perdu contact avec la réalité. Ce n'est pas nouveau. Et j'ai bien peur de rester dans cette situation encore longtemps. Mes aventures intérieures sont si belles que je ne m'en échappe qu'en contact d'Églantine. Quoique jamais complètement. J'ai ce sentiment inextricable de vivre les événements de l'extérieur, comme au travers d'une loupe. Comme si tout n'était qu'un rêve.

Je suis confus.