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J'ai passé une très mauvaise nuit. Je n'ai plus reçu de message de la part d'Églantine. Je ne suis pas fier de moi. Je vais devoir affronter sa déception la semaine prochaine. Je songe à l'inviter chez moi mais je ne me sens pas encore assez proche d'elle pour la laisser entrer dans mon univers. L'univers d'un type complètement fou ! Paradoxalement, je me sens comme libéré de la pression qu'Églantine exerce sur moi. Elle sait dorénavant que je n'en fais qu'à ma tête. Elle jettera certainement son dévolu sur quelqu'un d'autre. Quelqu'un de plus simple.

Je n'ai pas envie de rester chez moi aujourd'hui. Je me prépare rapidement et sors. Je passe devant ma voiture. Je me demande si j'ai envie de conduire. Il fait un peu froid, mais ce n'est pas agressif. Je marche. Je me rappelle d'un petit ruisseau en périphérie de la ville.

Ça grouille de véhicules. J'entends un klaxon derrière moi. Une voiture rouge ralentit. Une vitre se baisse. C'est Jérôme.

_ Salut le chinois ! Je t'ai reconnu de loin !

_ Salut !

_ Tu te promènes ?

_ Oui.

_ Tu veux venir prendre l'apéro chez moi ?

_ Il est 14h.

_ Y'a pas d'heure pour l'apéro. Allez, monte !

Pour une raison qui m'est inconnue, je m'exécute.

Ça pue la cigarette dans sa caisse. D'ailleurs, Jérôme s'en grille une. Il roule brutalement. Il a le blason d'une équipe de foot qui pendouille de son rétroviseur intérieur. Une chanson de rap irrite mes tympans. Il chantonne le refrain. Il connaît les paroles par cœur.

Nous nous arrêtons devant une maison de lotissement. Nous nous dirigeons vers l'entrée. Je fixe les murs beiges craquelés. Jérôme ouvre la porte. Je découvre des salles plutôt cosys et bien entretenues. J'ai beau renifler, ça ne sent pas la cigarette. Je reste debout à observer mon environnement tandis que Jérôme ouvre la petite porte d'un buffet en bois. Des bouteilles coulissent en arc de cercle.

_ Tu veux boire quoi ? J'ai de tout !

_ Euh... un whisky.

_ T'es de la vieille école !

Il prend deux verres et sors une bouteille puis place le tout sur une table basse.

_ Tu peux t'asseoir si tu veux !

Je me dirige vers le canapé et m'assied. Jérôme pars dans la cuisine et revient avec des canettes de coca puis un pichet rempli de glaçons.

_ Alors, t'en es où avec Églantine ?

_ Nulle part.

_ Tu le sais pas mais sans moi tu n'aurais peut-être jamais eu ton rencard avec elle.

_ Pourquoi ?

_ Je lui ai dit que t'étais célibataire et que t'as eu un coup de cœur pour elle.

_ Putain, t'es con !! Occupe-toi de ton cul bordel !

_ T'emballes pas jeune homme ! Bois un coup, ça va te faire du bien.

_ C'était pas malin du tout ! Tu ne t'es pas dit que, peut-être, ce n'est pas mon genre de fille ? Et t'as pensé à elle ?

_ Bah mon p'tit gars, au magasin, il n'y a aucune autre fille célibataire à peu près potable hormis Églantine.

_ Tu ne peux pas te mêler de tes affaires ?!

_ La tête que tu fais ! Dit-il en se mettant à rire.

_...

_ Sérieusement, elle te plaît pas Églantine ?

_ Je sais pas trop...

_ T'es gay ? Je le savais !!!

_ Mais non...

_ Bois ton verre, me somme Jérôme.

Je bois le verre d'alcool cul sec.

_ Tu me fais plaisir ! dit-il en me resservant un nouveau verre.

_...

_ T'avais rien de prévu cet après-midi ?

_ Non.

_ Parfait ! S'écrie-t-il en buvant son verre d'une traite.

Jérôme allume la télé et zappe sur une émission musicale.

_ C'est une fille bien Églantine ! Tu la trouves comment toi ?

_ Oui. Elle est cool, je l'aime bien, dis-je en hochant les épaules.

_ Tu as ta réponse !

_ A quelle question ?

_ Est-ce que je pourrais éventuellement la sauter ?

_ T'es d'un vulgaire...

_ Sans déconner ? Je l'ai vu dans ses yeux. Elle t'aime bien, même plus que bien. C'est de la bonne came. Faut saisir ta chance mec !

_ Je ne sais pas...

_ Tu t'es tapé combien de gonzesse ?

La question qui m'embarrasse le plus dans la vie.

_ C'est intime. J'ai pas à te le dire !

_ Ouais... Franchement, t'as pas le profil du mec qui s'est tapé beaucoup de gonzesses.

_ Parce qu'il y a un profil en particulier ?

_ Bois ton verre.

_ T'as envie que je sois bourré ?

_ Ouais !

_ Au fait, t'as une copine ?

_ Oui. J'en ai même plusieurs.

_ Pourquoi tu t'es séparé de Pauline ?

Jérôme prend soudainement un air grave. Les seuls fois que je le vois dans cet état, c'est lorsque le patron passe nous saluer le matin.

_ C'est une pute ! Assène-t-il.

_...

_ Il n'y a rien à dire d'autre sur le sujet, dit-il en se versant du whisky.

Jérôme prend son paquet de cigarettes et en coince une entre ses dents. Il se lève et ouvre la fenêtre.

_ Elle a l'air encore assez proche de toi ?

_ On est sorti deux ans ensemble. Je crois que c'est la seule fille que j'ai vraiment aimé de ma chienne de vie.

Jérôme prend une grande inspiration et poursuit :

_ Mais y'a eu trop d'embrouilles entre nous. On n'a pas été fidèles. Autant l'un que l'autre. Elle a décidé de rompre.

_ J'ai le sentiment qu'il y a encore de l'espoir pour votre relation.

_ De l'espoir ? C'est trop mignon... Non ! Y'a plus d'espoir qui tienne. Moi j'ai lâché l'affaire depuis longtemps.

_ On dirait que ce n'est pas le cas de Pauline.

_ Je m'en fous. Elle doit prendre ses responsabilités.

Je vois qu'il n'est pas à l'aise.

_ T'es plus distant en ce-moment ? S'interroge-t-il.

_ Pardon ?

_ Je sais pas, t'as l'air ailleurs au travail ces temps-ci. Tu réagis plus.

_ J'ai pas mal de préoccupations à gérer.

_ Si c'est une histoire de capotes, je peux t'en filer !

_ Tu t'arrêtes jamais !

LucasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant