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Me revoilà à tourner en rond toute la journée. Je ne sais pas quoi faire... Je ne fais qu'attendre la venue d'Églantine. Et elle ne vient pas toujours. Toutes ces journées sans la voir sont des journées de perdues. Je regarde la télé en continue. J'ai fini par avoir mes petites habitudes télévisuelles. Une émission à telle heure, puis une autre qui s'enchaîne juste après. Je me surprends à regarder des feuilletons débiles et de la télé-réalité. Je dois être au fond du gouffre intellectuel. J'admets que ces émissions sont plutôt divertissantes. On s'accroche aux personnages, à leur personnalité comique. Parfois je regarde des films. L'envergure est tout autre que sur l'écran de mon ordinateur.

Mon short fétiche a repris du service. Mon mug gît sur ma table basse, noirci par le café. Je ne prends même plus la peine de le nettoyer. En revanche, je fais le ménage régulièrement. Il faut que tout reste propre pour Églantine. Exception faite, donc, à mon mug...

J'ai pensé à jouer à des jeux vidéo, mais je n'aime pas ça. Quand j'étais petit, je jouais pendant des heures à la console. Aujourd'hui, je ne pense pas que cela soit encore possible. Je ne comprends pas trop pourquoi. Peut-être parce que je ne parviens plus à entrer dans les quêtes, les défis virtuels qui me sont proposées ? Et puis, j'ai le sentiment étrange que ça ne m'apporte rien. Je finis le jeu, et puis quoi ? Je l'ai juste fini ! Je n'en tire pas de satisfaction. Tout cela au grand désespoir d'Hugo, qui aurait souhaité que nous jouions ensemble à des jeux en ligne. 

Je suis à un tournant de ma vie où les futilités pèsent sur moi. Je ne souhaite faire que des choses utiles. J'ai tout un tas d'idées qui me viennent en tête, mais aucune d'entre elles ne ravivent ma flamme intérieure. Et puis, avec Églantine, j'ai toujours un peu l'impression de flotter et de ne plus pouvoir faire les choses que pour moi. En quelque sorte, je me sens dépossédé de moi-même. Ce n'est certainement qu'une petite phase à traverser. J'ai conscience qu'il me faut prendre de l'indépendance vis-à-vis de ma relation. A l'heure actuelle, je ne m'en sens pas capable. Je ne peux qu'attendre que le temps fasse son œuvre.

En tout cas, je suis heureux de m'apercevoir qu'Églantine est beaucoup plus intelligente que je ne l'imaginais au départ. Par moment, je lui parle de mes travaux, et à ma grande surprise, elle parvient à rebondir avec perspicacité sur certains des sujets que je lui expose. La relativité restreinte ou la superposition des états en mécanique quantique ne sont pas des concepts toujours clairement compris, même par les scientifiques. Mais elle, elle arrive à en cerner les principes avec une grande rapidité. Je connais des bac +5 qui ne possèdent pas sa capacité à appréhender les idées comme elle le fait. Je remarque également qu'elle est attentive. Qualité pour laquelle je fais souvent défaut. Et elle fait preuve d'une très grande humanité, au sens noble du terme. A l'opposé de moi, elle aime les gens. Elle ne les stigmatise jamais même quand cela pourrait paraître justifiable pour beaucoup d'entre nous. C'est d'ailleurs aussi quelque-chose qui me fait peur. Elle se rend accessible pour n'importe qui. Par moment, j'avoue que j'aimerai avoir un peu plus de contrôle sur elle. Mais j'ai conscience que c'est certainement la conséquence des mouvements de cet animal intérieur qui m'habite et gigote sans cesse.

Je n'ai pas encore ouvert ma boîte de préservatif. Je l'ai caché dans un recoin de ma buanderie. Pourquoi la cacher ? Je ne sais pas trop. Je crois que je tente de refouler mon envie de faire l'amour. Lorsqu'Églantine commence à me chauffer, je l'arrête dans son élan. Je trouve... Non. Je me trouve des excuses bidons. Parfois, elle s'en amuse. D'autres fois, je sens sa frustration. Je la vois souvent mécaniquement déchirer tout ce qui lui passe par les mains. Je ne suis pas fier de moi. Malgré toutes ces émotions qui m'animent au quotidien, la partie la plus logique de mon esprit parvient encore à me mettre sur mes gardes. Je n'arrive pas à avoir ce coup de folie qui me débriderait complètement. Je suis nul. Je suis navrant.

LucasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant