chapitre 53

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Perdue.
Voila comment j'étais.
Mame abdou était ainsi sorti sans autres questions ni remarques ni remontrances.
Il était juste parti sans que moi je ne comprenne ce qui se passait dans sa tête ni ce qu'il pensait de ce que je lui avais dit.
Je ne pouvais lui mentir en étant chez lui.
Je ne pouvais me permettre de lui cacher la vérité en espérant trouver asile chez lui. C'aurait vraiment été le comble de l'irrespect.
J'avais préféré lui dire la vérité pour qu'il n'y aie pas de malentendus mais les choses ne se passaient pas vraiment comme je l'espérais.
On aurait dit qu'il était frustré par ce que je lui avais dit.
Et pourtant, je lui aurais donné de bonnes raisons s'il m'en avait demandé et même s'il m'en avait pas demandé.

C'était vrai que le fait que j'aie quitté daour sans qu'il ne le sache alarmerait n'importe qui mais j'aurais au moins mérité qu'on me demande mes raisons non?

Mame astou me fixait elle aussi decontenancée.

On voyait bien qu'elle ne savait pas sur quel pied danser.

Je baissais piteusement la tête.
Je savais que ma venue içi ne serait pas exempte de problémes mais tout de même.

Elle s'approcha et me dit:

                        - ok. Explique moi tout ça ma petite.

Je me tus de longues secondes avant de fondre en larmes du tout au tout simplement en pensant que j'allais devoir raconter ces saletés à quelqu'un.

J'ai hésité un bon nombre de fois avant de trouver la force nécessaire pour lui narrer ce qui s'était passé du début à la fin.

Pour la premiére fois depuis toute cette tragédie, j'en parlais à quelqu'un sans omettre le plus minime détail.

Les abus constants de daour faisaient toujours mal au rappel mais je m'efforçais de dire les choses telles qu'elles étaient.

Mame astou me regardait conciliante.

Je voyais dans son regard toute la pitié qu'elle me témoignait en cet instant.
Je voyais son dégoût face à toute l'ignonimie que je lui racontais.
Des fois même je croyais voir de la colére dans son regard devenu tout à coup si profond mais ce qui m'intriguait le plus c'était que je ne voyais aucune trace de surprise dans son regard. Elle était juste écoeurée.

Elle hochait de temps en temps la tête pour me signifier de continuer mais ne disait rien.

Les explications hachées par mes sanglots constants devenaient difficiles à extérioriser surtout lorsque je parlais de grand-mére.
J'expliquais ses derniére volontés qu'elle avait confié à sa voisine car sachant qu'un jour je reviendrai.

Je faisais des efforts surhumains pour m'exprimer clairement.

À la fin de mon récit, mame astou me prit dans ses bras et je pleurais de tout mon coeur.

Je pleurais pour cette peine si longtemps gardée en moi.
Je pleurais pour tout ce que j'avais perdu.
Je pleurais pour cette douleur que je partageais enfin avec quelqu'un.
Je pleurais la perte de mes êtres chers.

Je pleurais encore et encore pour tellement de choses. Tellement de choses.

Elle me serrait dans ses bras sans rien dire pendant longtemps.
Je savais qu'elle réfléchissait je ne savais à quoi.
Elle avait l'air perdu dans ses pensées.
Puis elle parla.

                      - quelqu'un est au courant de ce que tu viens de me raconter?

Je secouais la tête de gauche à droite.

Elle soupira.

                     - Ton pére doit être dépourvu de coeur ou de conscience. Comment diable peut-on tomber amoureux de sa propre fille même si elle ressemble comme deux gouttes d'eau à sa défunte mére? Yow sa papa wéroul. Kokou dafa fébar. ( ton pére n'a pas toute sa tête. Il est malade.) Ce genre de personnes n'ont pas leur place dans notre société.

Je pleurais toujours.

                      - comme ça a dut être douloureux et invivable pour toi ma pauvre! Tu es trés jeune et pourtant que de choses tu as vécut. Tu n'as vraiment pas été épargnée par la vie. Je ne suis pas ta mére mais j'ai le coeur d'une mére. J'ai des enfants qui ont le même âgé que toi et même d'autres beaucoup plus âgés que toi. Jamais je n'aurais supporté qu'une chose aussi malsaine les arrive. Tu as bien fait de fuir.

Elle reprit doucement ma tête et la posa de nouveau sur sa poitrine.

                    - pleure. Pleure tout ton soûl. Pleure tout ce que tu n'as jamais put pleurer dans les bras d'une confidente; dans les bras d'une mére. Le jour où je recroiserai daour gueye camara, sois sûre qu'il entendra ce qu'il doit entendre

Des larmes perlaient aux coins de ses yeux.

Elle ne savait pas si bien dire car ce jour là, j'ai pleuré comme jamais.

J'ai laissé affluer tout ce que je repoussais et rejetais.
Les sombres moments me revenaient en tête et je m'accrochais d'avantage à mame astou comme à une bouée de sauvetage.

Elle me caressait la tête en chuchotant:

                   - Massa. Massa. ( paroles traduisant la pitié ou la compassion).

Je n'ai jamais senti la présence de ma mére à moi mais ce jour là, j'ai senti la présence d'une mére.

Elle me serrait fort contre elle comme si elle comprenait et partageait tout ce que je lui ai raconté.
Elle me serrait comme si elle voulait s'accaparer toute ma douleur et me faire tout oublier.

Elle secouait la tête de temps en temps en prononçant des " thiey adouna" ( oh! la vie).

Perdue dans ses bras qui me dorlotaient, je l'entendis me chuchoter à l'oreille tandis que je sombrais dans un sommeil tranquile, fatiguée par toutes ces émotions qui me submergeaient sans discontinuer:

                    - ne t'inquiète pas. Je parlerai à ton grand-pére abdou et tout ira bien inchallah.

Sombre Réalité (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant