chapitre 57

60 6 0
                                    

Le lendemain, dés l'aube, je m'affairais à ranger le plus discrètement possible mes quelques affaires.
Mame astou m'aidait tant bien que mal.

Après avoir fini, nous nous étreignimes longuement puis mame astou me dit:

                      - il ne serait vraiment pas prudent de ta part de passer par la route principale. Ton pére peut venir à n'importe quel moment et c'est presque sûr qu'il passera par cette route. Vu que de toute évidence on ne sait pas à quel moment il viendra, passe juste par la forêt. N'essaye pas de prendre une charrette car elle pourrait rencontrer en chemin la voiture de ton pére. Marche et passe par la forêt. C'est plus sûr. D'accord?

J'acquiescais.

Elle me conduisit jusqu'â la porte.
Il faisait presque sombre.
Les gens ne devaient plus tarder à se réveiller pour aller travailler.
Le village était carrément silencieux.
Elle me remit un sac rempli de nourriture et me prit longuement dans ses bras.

                     - fo djoublou yalla nafa yiwou yalla djoublou. ( que le bon dieu soit avec toi). Me dit-elle. Vas maintenant.

Je marchais en me retournant pour la regarder jusqu'à ce que sa camisole bougeant au rythme du vent ne fut plus qu'une légére masse grise et que la porte de la demeure ne fut plus dans mon champ de vision.

Je repensais à tout ce qui s'était passé depuis hier.

Je n'avais pas versé la seule plus petite larme.
À croire que tous ces événements m'avaient rendu plus forte.
Moi qui ne croyais pas aux superstitions, j'étais vraiment mal barrée car je me retrouvais en plein coeur du surnaturel.

Que faire lorsque qu'on vous annonce du tout au tout que tous les malheurs qui vous sont arrivés sont le fruit d'une erreur commise par la personne qui vous est la plus chère en ce bas monde ?

Mettez vous un peu à ma place.

Ressentiriez vous toujours cette envie de vivre alors qu'on vous a dit que quoi que vous fassiez de mauvaises choses vous arriveront toujours ?

On dit que la vie est belle.
Certes, mais elle n'est belle que pour ceux qui ne savent pas de quoi demain sera fait.
Elle n'est belle que pour ceux qui peuvent espérer quel que soit ce qui leur arrive.

Moi, je n'avais pas d'espoir ou en tout cas je n'avais pas le droit d'en avoir car je savais ce qui m'attendais.

Pourquoi est ce que j'avais préféré quitté le village et partir ?

Pourquoi est ce que j'avais accepté de suivre la volonté de mame astou sachant que de toute évidence où que j'aille je serai malheureuse ?

Aller chez mame nogaye ne réglerait pas mon probléme.
Peut-être que ça m'aurait permis de m'échapper de l'emprise de daour mais ç'était juste aussi pour plonger dans un autre malheur.

Si je ne souffre pas par A je souffrirai par B.
Cela était mon destin.
Les esprits l'ont voulu ainsi.

J'ai vraiment appris qu'on a beau avoir l'allure d'une occidentale, ses manieres, son langage et même son mode de vie, rien de tout cela ne fait d'une africaine une occidentale.

Le morceau de bois aura beau séjourner dans l'eau il ne deviendra jamais crocodile.

Je me rendais compte de la force de cette vérité.

J'avais eu une enfance choyée, sans manques ni besoins.

J'avais été éduquée comme une blanche.
Je n'avais jamais connu les réalités africaines ou en tout cas je n'y avais jamais crut.
Mais, j'ai appris à savoir ce que c'était.

Et malheureusement je l'ai sut parce que malheur m'est arrivé.

Je marchais encore et encore.

La clarté matinale commençait à envahir la forêt.

Je n'étais même pas encore à mi-chemin.

La route de la forêt était beaucoup plus longue que celle principale surtout lorsqu'on y allait à pied.

Mais je n'étais pas fatiguée.
Juste pensive.

            Pdv de mame astou

La petite s'en est allée.
Elle a amené avec elle une bonne partie de moi-même car j'avais appris à l'aimer comme ma propre fille.

Elle a sut gagner sa place dans mon coeur mais il fallait qu'elle parte.
Je ne pouvais pas rester là à attendre que son pédophile de pére vienne la retrouver.
Comment une telle abomination est elle possible?
Daour et mariane avaient tout pour être heureux ensemble car ils partagent la douleur d'un être cher mais au lieu de ça, ce pervers a préféré utiliser sa fille pour compenser la perte de sa femme.
Je peux comprendre la volonté des esprits mais ce mal est excessif.
Pourquoi est ce qu'ils n'ont pas fait en sorte que mariane paye elle même sa propre faute?
Pourquoi faire payer des innocents qui n'ont pourtant rien à voir avec ça?
Etait-ce une maniére pour les esprits de montrer que la désobéissance à leur égard est une faute difficile voire impossible à épier?
Si toutes les offrandes du monde n'ont pas suffi à apaiser les esprits alors qu'y pourrai-je moi, misérable rien à leurs yeux?
Mon époux n'a jamais voulu plaider auprés des esprits la cause de sa soeur qui avait déshonoré sa famille et conduit ses parents à une mort douloureuse.
Il n'avait jamais voulu entendre parler de mariane faye jusqu'à ce que cette derniére décéde.
Même lorsque le mari de fyfia était venu saluer la famille, il l'avait minimisé au début puis s'était adouci lorsqu'une épaisse liasse de billets lui était tombée sous la main.
J'avais alors compris la nature intéréssée de mon mari et daour aussi visiblement vu que depuis lors il s'occupe des dépenses de la famille s'accordant ainsi toutes les faveurs de abdou.
Quelle galére!
Cette petite est obligée de supporter tout ça alors qu'elle n'a que douze ans. Douze petites années.

Je ne suis rien.
Je ne suis personne pour me dresser contre la décision des esprits mais je jure que je défendrai cette petite qui vient de partir tant que je pourrai et jusqu'à ma dernière force.

Je ne peux me liguer contre les esprits mais je peux remettre
Ce daour gueye camara à sa place.

Il me trouvera içi en venant et même mon mari pour qui j'ai toujours été dévouée ne saura m'empêcher de dire tout ce que je pense à cette énergumène.

Sombre Réalité (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant