16. L'audition de violon 💛

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Ce soir, comme tous les soirs juste après la fin des cours, je me rends au conservatoire. Il se situe à deux rues de notre lycée, ce qui est très pratique.
J'ai toujours mes cours de musique aux mêmes horaires, c'est-à-dire entre 17h30 et 18h30. Cela me permet de ne pas finir trop tard pour pouvoir travailler chez moi ou à la boutique après.

Comme tous les lundis, j'ai donc mon cours individuel de violon, avec la professeure qui me suit depuis le collège.
Au début, je la trouvais très dure et j'avais peur de ne jamais pouvoir m'habituer à elle. Et finalement, elle a changé mon regard sur le violon. Je sais que sans elle, je n'aurais jamais pu acquérir une telle technique.
Mon cours se déroule normalement. À la fin, alors que je suis en train de ranger mon instrument avec précaution, ma professeure se met à me parler. Cela me surprend d'abord un peu, car je n'ai pas l'habitude qu'elle me parle quand je n'ai plus mon violon dans les mains.

"Dites-moi Émilie, vous vous sentez tout à fait à l'aise avec votre instrument à présent. Vous avez acquis une vraie harmonie avec au cours de ses dernières années.
-Euh... je bredouille, totalement prise au dépourvu. Oui... Oui.
-Peut-être pourriez-vous à présent tenter une nouvelle forme de jeux. Collective..."

Devant mon air dubitatif, ma professeure s'empresse de préciser son propos.

"Une audition a lieu ce mercredi pour intégrer l'orchestre symphonique de notre conservatoire. C'est une expérience intéressante, vous savez."

Je suis aux anges. Ma professeure, puisqu'elle me propose de passer cette audition, estime donc que j'ai le niveau d'intégrer l'orchestre ! C'est merveilleux ! Mais également particulièrement stressant. L'audition a lieu après-demain !

Lorsque je quitte le conservatoire ce soir-là, je suis dans les nuages et je tourne un moment dans les rues de la ville. Je n'ai pas envie de rentrer chez moi maintenant.
Je sais que le morceau que je vais présenter est au point, je le travaille depuis le début de l'année. Mais je n'ai aucune idée du niveau attendu. Et si le mien était trop faible ?

Le soleil commence lentement à se coucher et je décide enfin de prendre le chemin de ma maison. Je passe par le pont de Misora, et arrivée sur celui-ci, j'entends une douce musique. Je m'approche et regarde.
Sur la sorte de petite plage au bord de l'eau qui coule sous le pont, un jeune homme joue de la trompette. Je le reconnais rapidement, bien qu'il est changé depuis le temps. C'est Frédéric.
Frédéric, je le connais depuis ma plus tendre enfance. C'était... un ami... Nous avions une relation spéciale et étions très proches. On ne s'est de moins en moins vu arrivés au collège, et avons progressivement perdu contact. C'est la première fois depuis longtemps que je l'entends jouer.

Je suis impressionnée par le niveau qu'il a acquis en autodidacte. Il y a tellement d'émotions quand il joue !
Sous le charme de sa musique, je m'appuie à la rambarde pour l'écouter. Je ne rouvre les yeux qu'à la fin du morceau. C'est alors qu'il m'aperçoit. Je vois dans son regard qu'il est surpris de me voir.
Sans dire un mot, il range soigneusement sa trompette. Puis il me regarde à nouveau et semble hésiter. Je décide alors de le rejoindre.
Lorsque j'arrive sur la petite plage, il est debout dos à moi.

"Salut Frédéric, dis-je timidement. C'était très beau ce que tu jouais.
-Merci, me répondit-il de sa voix un peu traînante (mais il a mué et ça me perturbe énormément). J'ai vu que tu étais au lycée de Misora.
-Ah bon ? Enfin je veux dire... Oui, j'y suis. Ce lycée m'assure la continuité du collège avec la musique. Mais comment le sais-tu ?
-Je t'ai aperçue dans la cours en début d'année."

Je réalise alors que je ne m'étais même pas posée la question de si lui aussi y était. J'ai un petit pincement au cœur.
Il s'assied au bord de l'eau et je m'assieds à ses côtés. Nous discutons un long moment, comme si on s'était vu hier. Je lui parle notamment de cette audition qui m'angoisse. Soudain je réalise qu'il fait presque entièrement noir. Je panique.

"Je suis désolée Frédéric, je dois rentrer chez moi avant qu'il fasse nuit."

Je me lève rapidement, j'époussette ma jupe et prends mes sacs. Frédéric se lève à son tour et décide de me raccompagner.

Le mercredi arrive beaucoup trop vite à mon goût. Lorsque la cloche du midi sonne, je suis dans tous mes états. Je mange peu et me rends au conservatoire avec plus d'une heure d'avance.

Le couloir où je me trouve se remplit progressivement des autres élèves venus passer l'audition. Un homme sort d'une pièce et annonce le début de celle-ci.
Après une bonne demi-heure d'attente dans le stress, mon tour arrive. Face aux jurys, j'ai peur. Et j'ai peur de perdre mes moyens. Finalement, tout se passe à merveille mais je redoute le verdict. J'ai bien joué mais ai-je le niveau ?
Après encore un quart d'heure d'attente, le jury sort. Le stress... Ils annoncent les résultats devant tout le monde...

"Émilie Fujiwara, violoniste, annonce une femme.
-Oui ? dis-je la voix tremblante d'appréhension.
-Bienvenue dans l'orchestre symphonique.
-Merci."

Et cette fois, c'est de bonheur que ma voix tremble.
Ma professeure est là et me félicite simplement.

En rentrant chez moi, une drôle d'envie me pousse à passer par le pont. Frédéric est là, en train de jouer. Il s'arrête immédiatement lorsque j'arrive sur le pont et me lance un regard, comme si il m'attendait. Je le rejoins et lui annonce la nouvelle. Il n'a pas l'air surpris. Puis je lui dis au revoir, je dois vite aller le dire à ma mère (elle sera si fière !).

"D'accord, bonne soirée alors, me dit-il. J'espère qu'on se croisera au lycée."

Moi aussi... Mais je ne sais pas pourquoi je n'ose pas lui dire. Je crois bien qu'il m'intimide. Il faut dire qu'il est tellement grand et sa voix a tellement changé maintenant. Mais il a toujours ce même regard et cette attitude détachée qui, je sais, cache toujours autant de sensibilité.

Magical Dorémi... et aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant