41. Au détour d'un couloir 💛

87 5 2
                                    

Lorsque j'arrive à la boutique ce soir-là, il est assez tard.
Au dehors, l'air est frais et humide. Je suis donc ravie lorsque je passe le pas de la porte et que je sens toute la chaleur du lieu entrer en moi. J'ôte mes chaussures mouillées et rejoints mes amies, toutes attablées à l'étage, en pleine séance de papotage et de confection de bijoux.

"Tiens, te voilà enfin ! me lance Dorémi sur un ton entre la plaisanterie et le reproche. C'est qu'on commençait à croire que tu ne viendrais jamais ce soir ! Tout va bien ?
- Oui, oui, excusez-moi. Je voulais travailler mon violon et je n'ai pas vu le temps passer. Il devrait mettre des horloges dans les salles de musique ! "

Je vois le regard de Mindy passer sur mon poignet, auquel brille une fine montre. Oups, mon excuse est grillée !
Je lance un sourire embarrassé et m'assoit enfin avec elles. Je saisis plusieurs brins de fils colorés ainsi que de grosses perles dorées et commence la confection d'un bracelet.
Sophie nous reparle de la venue de son oncle ce week-end, Mindy se souvient d'une anecdote sur New-York, Dorémi peste après François qui ne cesse de la taquiner et Loulou nous parle amoureusement de Kyo. Quant à moi, je suis d'humeur rêveuse et les bavardages de mes amies font comme un doux tapis sonore sur lequel je me mets à songer à cette fin après-midi.

*

Les cours s'étaient finis à 15h30. Mes amies s'étaient aussitôt rendues à la boutique de magie, où elles avaient prévu de faire leurs devoirs tout en s'occupant des clients.
Moi, un peu comme Loulou, je dois gérer un emploi du temps chargé car mes études musicales prennent une place importante dans mon quotidien. Les jours où nous finissons plus tôt comme celui-ci, si je n'ai pas de cours au conservatoire de prévu, je consacre généralement une heure à la pratique de mon instrument avant de rejoindre mes amies.

Rien de bien particulier jusque là, c'était ce que j'avais prévu de faire lorsque j'ai quitté les filles.
Notre lycée accueillant une certaine quantité d'étudiants au conservatoire, il possède plusieurs salles de musique avec pianos, pupitres, percussions et surtout une bonne acoustique, mises prioritairement à notre disposition. J'y vais souvent et y ai donc mes petites habitudes.

Après les cours, je me dirige vers le bâtiment C et vais voir la secrétaire qui me donne la clef de la salle 114. Je m'installe, sors mon violon de son étui et dépose mes partitions sur un pupitre. Et je joue, sans m'arrêter. Un peu avant 17h, je sors de ma bulle musicale et commence à tout ranger.
C'est à partir de là que mes horaires ont commencé à se décaler.

Je rangeais donc soigneusement mon instrument lorsque j'entendis à travers les murs le son amorti d'une trompette. Bien malgré moi, je sentis un tressautement dans ma poitrine. Certains musiciens ont une sensibilité très particulière et sont reconnaissables entre mille lorsqu'ils jouent de la musique. J'ai donc immédiatement su que c'était lui.
Je quittai ma salle de répétition et, une fois dans le couloir, je ne pu m'empêcher de me diriger vers le son mélodieux.
Assez rapidement, je m'étais retrouvée face à la porte derrière laquelle il jouait. Je m'étais assise contre le mur et m'étais laissée porter par la musique. Les yeux fermés pour mieux apprécier, je crois bien que je me suis endormie car je ne me souviens pas avoir entendu le morceau s'achever lorsqu'il ouvrit la porte et me découvrit ainsi.
Je sursautai et me relevai d'un bond tandis qu'il me dévisageait. C'était la première fois que nous nous voyions au lycée.

"Salut, lança-t-il machinalement.
- Salut, répondis-je en sentant mes joues s'enflammer. J'ai entendu le son de ta trompette et je n'ai pas pu m'empêcher de t'écouter.
- Tu aurais pu entrer tu sais, tu ne m'aurais pas gêné."

Je ne crois pas lui avoir ensuite répondu quelque chose. Ou alors peut-être une bouillie de mots sans signification.
Nous avons fait le chemin ensemble jusqu'à la grille délimitant l'enceinte du lycée. Nous marchions côte à côte en silence. Lui semblait serein, le nez en l'air, tandis que moi je baissais timidement la tête.

"Je vais travailler à la boutique ce soir, dis-je lorsqu'arriva le moment de nous séparer. Je ne sais pas si tu t'en souviens, j'y travaillais aussi avant.
- Ah bon ? Je croyais qu'elle avait fermé ?
- Oui, mais nous avons réouvert cette année. Si ça te dit, n'hésite pas à passer !
- Ça marche, j'y penserais, promit-il avec nonchalance. À la prochaine, au bord de l'eau ou en salle de musique !"

Et il s'éloigna sans se retourner.

*

" Est-ce que tout va bien Émilie ? "

Deux doigts passent et claquent violemment devant mes yeux. Je sursaute.
Mes amies ont cessé de parler entre elles pour me dévisager.

" Oui oui, tout va parfaitement bien, pourquoi ?
- Tu as l'air ailleurs... fait remarquer Dorémi en plissant les yeux.
- Oh euh... C'est que j'ai eu une journée fatigante."

Mon amie n'insiste pas et les bavardages reprennent jusqu'à tard dans la soirée.

Magical Dorémi... et aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant