56. La fin d'une belle histoire 💜

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Assise dans ma loge, je bois lentement un café bien noir pour tenter de me réveiller. En une semaine, je n'ai même pas dormi vingt heures, ce qui est beaucoup trop peu, surtout en période d'examens.
Le lendemain matin de mon rendez-vous catastrophique avec Kyo, des photos de nous deux étaient parues dans la presse people et très vite, des lettres colériques de mes fans avaient plu dans ma boîte aux lettres. La sortie du lycée se faisait également assaillir par des curieux et d'autres journalistes.
Je n'ai pas revu Kyo depuis. Je n'ai d'ailleurs pas vu grand monde.

" Il faut juste attendre que ça retombe, m'avait dit ma mère avec un air désolé. Ton histoire sera vite remplacée par une autre et l'attention du public va s'en désintéresser."

Je sais bien comment tout ça fonctionne. Je sais bien que d'ici quelques semaines, ni moi ni Kyo ne seront plus harcelés. Mais ce n'est pas le problème.
Être le centre de l'attention ne m'a jamais beaucoup gênée. Si c'était le cas, je ne ferais pas ce métier. Mais jamais je n'avais eu ce sentiment de mettre en danger quelqu'un. Être sous le feu des projecteurs, c'est mon choix, ma vie. Pas la sienne.

"Loulou ? m'interpelle une des employées de l'émission à laquelle je suis aujourd'hui conviée. C'est à toi dans cinq minutes, on va se diriger vers le plateau."

Je me lève et affiche mon sourire de poupée. Le travail m'appelle. Sur le plateau, je retrouve le charismatique mais non moins agaçant Logan Sato. Je suis encore moins d'humeur que d'habitude à supporter ses pseudo-phrases de drague et l'envoie très vite bouler. J'avoue que son air décontenancé me remet un peu de baume au cœur.

*

"On rend l'antenne les amis ! Bravo à tous, merci Loulou et merci Logan !
- Merci à vous pour l'invitation, dis-je en saluant respectueusement l'ensemble de l'équipe."

Mon jeune collègue me lance un regard mi-craintif, mi-suspicieux mais je décide de l'ignorer royalement. La technicienne qui m'avait escortée à l'aller me reconduit vers ma loge. Lorsque j'y entre, je me fige. Ma mère est là, assise à boire le thé avec Kyo.

"Oh ma chérie ! lance ma mère un brin mal à l'aise.
- Bonjour Loulou, lance le beau jeune homme."

Je sens son regard perçant sur moi. Il me scrute, tente de sonder mes émotions, je le sais, mais je refuse de le regarder dans les yeux. Ma mère se lève et part, nous laissant seuls.

"Bonjour, réponds-je avec politesse mais sans chaleur.
- Ça fait longtemps...
- Peut-être. J'ai été très occupée.
- Je n'en doute pas. Ton absence n'a donc aucun rapport avec cette histoire de paparazzi ?"

Je me redresse et plante mes yeux dans les siens. Je vacille une fraction de seconde. J'avais oublié cette sensation terrible mais si agréable dans mon estomac chaque fois que je le vois. Mais je garde le visage de marbre et décide d'adopter un ton professionnel et distant.

" Je regrette profondément cette mésaventure. J'ai conscience des difficultés que tu as dû surmonter suite à cela mais ne t'inquiète pas, cela ne se reproduira plus. J'ai été ravie de te connaître Kyo, j'espère que nous resterons en bon terme."

Je lui ouvre la porte de ma loge pour l'inviter à sortir.
Il rit aux éclats. Un rire magnifique, franc.

"Tes talents d'actrice sont indéniables Loulou."

Mais très vite, il comprend que je ne ris pas. Son visage se ferme brusquement.

"Alors c'est vraiment tout ? Tu me congédies comme un employé que l'on renvoie ?"

Je soutiens son regard et vois sa mâchoire se contracter.

"Soit, dit-il. Je suppose que ça te donne un bon prétexte pour éviter tes sentiments. Je pensais qu'on avait passé ce cap depuis un moment. Mais peut-être que même quand tu semblais à l'aise avec moi, c'était de la comédie. J'avoue que je suis déçu."

Le silence plane un instant, menaçant. Puis il s'en va, sans un au revoir. Je ferme la porte derrière lui et fond en larmes.

*

Je suis seule dans le noir. Allongée sur mon lit depuis à présent une heure, j'ai trempé mon oreiller et je n'ai plus d'autres larmes que celles qui finissent leur course sur ma joue.
J'entends trois coups secs sur mon volet. Je sursaute. Qui cela peut bien être à une heure pareille ? L'esprit un peu brumeux, je sors de mon lit et vais appuyer sur le bouton qui ouvre mes stores. Là, flottant devant moi, se trouve quatre jeunes sorcières.
J'ai un petit mouvement de sursaut en les découvrant mais très vite, je leur ouvre ma fenêtre. Les unes après les autres, mes amies sautent de leurs balais volants pour entrer dans ma chambre.

" Les filles, chuchoté-je, mais qu'est-ce que vous faites là ?
- C'est... commence Dorémi d'une voix bien trop forte, avant de baisser d'un ton face à mon air affolé - ma mère dort un étage plus bas. C'est Lolo qui est venue nous chercher. Elle nous a dit que tu n'allais pas bien à cause de Kyo."

Mes yeux s'embuent à nouveau. Moi qui croyais avoir épuisé mon stock de larmes... Mes amies me regardent d'un air navré. Je les adore et je sais que je peux avoir confiance mais même devant elle, je me sens un peu minable d'étaler autant de sentiments.

"Attends... murmure Dorémi."

Elle tapote sur sa console magique, fait apparaître son trocaccordéon puis prononce sa formule magique.

"Insonorise complètement cette chambre ! s'exclame-t-elle."

Un halo rose recouvre alors mes murs.

"Voilà, comme ça nous seront plus tranquilles pour papoter, déclare mon amie, satisfaite.
- Mais comment être sûres que le sort a bien marché, murmure Émilie.
- Tu doutes vraiment de ma magie ?
- Eh bien...
- Ne t'inquiète pas, je pense qu'on peut avoir confiance en le sort de Dorémi, affirmé-je."

Étrangement, mon amie aux couettes roses ne semble pas prendre mon intervention comme un compliment. Mais passons.
Je m'assieds sur mon lit et regarde mes amies. Leur présence me réconforte un peu et je commence à leur raconter ce qu'il s'est passé aujourd'hui.

" Je ne comprends pas bien, fait Sophie. Tu as rompu ?"

J'acquiesce tristement. Que pouvais-je faire d'autre ?

Magical Dorémi... et aprèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant