Chapitre 1

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« Mon crayon noircit la feuille, pour l'instant ce ne sont que des traits, des lignes des courbes, mais je ne vois qu'elle. Son visage est partout et j'aime le graver à jamais sur un papier blanc, pur, comme elle. Mia est en moi, dans ma tête, dans ma poitrine qui devient douloureuse quand elle me regarde, dans les airs, son parfum est si doux, elle est parfaite...

Et je suis tellement minable d'oser penser à elle. J'ai l'impression de la salir, je me déteste de la fantasmer plus proche encore, ces fichus hormones me font réagir comme ce bâtard de Grégoire, on dirait un chien en rut. Je ne vaux pas mieux que lui... Je pense à Mia, à sa bouche, à ses mains, son corps...

Je suis pitoyable.

La seule raison de ses sourires est le chagrin que je vois dans ses yeux. Elle a pitié de moi. Malia est gentille, et elle n'aime voir personne souffrir. Alors, elle sourit... et moi, je l'aime toujours un peu plus. Je l'aime à en crever. »

C'est un jour spécial, un jour heureux, un jour de fête, avec mes amis nous devions célébrer le début de notre vie d'adulte. Terminé les études, ces soirées à étudier en groupe, préparer des notes, sérieuse, tout en se laissant aller à quelques folies. Oui, tout devrait être merveilleux en ce jour.

Alors pourquoi suis-je devant cette tombe ? Pourquoi je me sens si mal ? Pourquoi j'ai si dur à respirer tant mon cœur me fait souffrir ? Parce que je suis en retard ... Oui, je suis tellement en retard, les funérailles ont eu lieu il y a une éternité, et je l'ignorais. Il est parti. Il est mort... Et personne ne s'en est rendu compte.

Comme c'est injuste.

Comme c'est cruel.

Si je n'avais pas vu cette femme et ce garçon, je serais certainement en train de fêter mon diplôme avec mes amis, sans lui. Comme chaque jour, je me serais demandé où il se trouve, et toute sorte d'explications auraient calmées mes craintes. Il y a toujours quelque chose pour me détourner de lui. Un mot de sa part, un regard d'agacement, un geste, et je prenais la fuite, le laissant subir, la conscience tranquille puisque j'ai essayé, il m'a rejeté, je n'étais pas coupable, je n'ai rien fais, moi, rien mise à part me taire... Comme toute le monde.

Et il est mort.

Non... Il s'est donné la mort.

Joshua est resté dans son propre sang durant si longtemps, il s'est éteint tout seul, personne pour s'inquiéter, personne pour l'aider, pour le sauver, il s'est juste endormi... Je regrette tellement, Joshua, si j'avais su, j'aurais insisté, sans me soucier de tes rejets. Tu aurais fini par accepter ma présence, et tu n'aurais plus été seul. J'ai été égoïste, je ne voulais pas perturber mon bien-être, et j'ai feins ne pas voir, comme tous les autres.

J'ouvre les yeux sur la pierre, un bouquet orne la tombe et je cligne des paupières plusieurs fois car ces fleurs n'étaient pas là quelques secondes plutôt j'en suis certaine. Une ombre attire mon attention, et je bondis sur mes pieds, le cœur martelant comme jamais. Je ne suis plus seule, et je ne m'en suis pas rendue compte.

Un homme me dévisage, il est si grand, tellement soigné, son jeans noir semble être fait pour lui, et sa chemise ébène contraste sa couleur de peau pâle, pèche. Qui est-il ? Son regard noisette semble se poser la même question. Joshua avait ce genre d'ami ? Un ami distingué, présent pour lui au point de lui apporter des fleurs sur sa tombe alors que je suis venue les mains vides.

- Vous devriez partir, mademoiselle, je pense que vous avez un train de retard pour chialer sur cette tombe, crache-t-il avec dégoût.

- Je vous demande pardon ?

- Tu es sourde en plus, casse-toi !

Tu es sourde en plus ? Casse-toi, bordel, tu perds ton temps, je ne veux pas de ta pitié !

- Je ne vous permets pas de... bafouillé-je, perplexe face à la voix de Josh, accusatrice, tout comme celle de ce type. Tu es qui pour me parler comme ça ?

- Ne fais pas ta maligne, Mia, je sais très bien qui tu es, alors je répète un fois encore car Joshua m'a bien dit que tu étais sourde en plus d'être débile : tu as un train de retard, alors, ne reviens plus jamais ici, compris ?

- Josh t'a parlé de moi, haleté-je, car je n'ai entendu que ça.

- Quelle importance, réplique-t-il en se tournant vers la tombe, il est mort comme une merde et tu ne t'en est pas aperçue avant, alors arrête les grandes eaux, rentre chez toi, et laisse-le trouver la paix.

Mains dans les poches, l'inconnu tourne les talons tout en pestant encore et encore. Je l'entends jurer, furieux, il ne se retourne pas une seule fois alors que je tremble de tout mon être. Que vient-il de se passer ? Qui était-il ? Un ami de Joshua surpris de voir quelqu'un sur cette tombe. Un ami qui semble en savoir tellement sur Josh, il a pu le connaître, il a sans doute insisté plus que je ne l'ai fait.

Et je pleure de regret.

Je pleure en rentrant chez moi.

Je pleure les jours qui suivent car chaque matin, je me souviens qu'il est trop tard pour faire marche arrière. Les études sont terminées, je ne chercherais plus dans les coins de l'établissement une silhouette recoquillée sur elle-même, triste jusqu'à ce que nos regards se croisent, pour enfin apercevoir un semblant de sourire.

"... il est mort comme une merde et tu ne t'en es pas aperçue avant, alors arrête les grandes eaux, rentre chez toi, et laisse-le trouver la paix."

Je crois que ces mots me hanteront à jamais, je ne cesse de les entendre, cette voix dur, contrasté à celle du défunt Joshua. Parce que je l'ai vu, durant une seconde, j'ai entendu Josh, sa colère, sa persévérance à me démotiver, à me repousser, pourtant, je ne voulais qu'être son amie.

Qu'est-ce que je raconte ? Ce que je prenais pour de la sympathie, mes moments de gentillesse, mes tentatives désespérées pour consoler un jeune homme harcelé gratuitement me parait dérisoire. Plus j'y pense, plus mes actes perdent leurs valeurs, car au final, je n'ai pas réagi, je suis comme les autres.


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