Chapitre 34

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Peut-on mourir deux fois de suite, et revivre ? Je ressens la même souffrance, cette douleur sourde qui a forcé mon coeur à cesser de battre. Pourtant, je suis encore là, face à la colère de mon petit frère, à sa tristesse. Son regard me lance des éclairs qui me transpercent, me saignent à blanc, et il a toutes les raisons de m'en vouloir. Je suis décevant...

Comment a-t-il compris ?

Depuis quand ?

Est-il sérieux, ou me provoque-t-il comme ce soir-là, au restaurant ?

Un rire cynique m'échappe, je suis lamentable, je l'ai toujours été.

- Arrête de rire, gronde Thomas et je tressaillis, il pense que je me moque de lui. Tu crois que je suis fou ? Non, tu crois que je suis stupide ! Je ne sais pas comment tu as fait, Joshua, mais tu es tellement désespérant que même la mort n'a pas voulu de toi !

Il me provoque, je le sais, et ça marche. Bondissant sur mes jambes, je le dévisage à mon tour, et Thomas pâlit. Il n'a pas le droit de me dire ça. Pas lui. Mon petit frère n'a pas le droit de me trouve pitoyable, je suis son modèle, celui qui le protège, celui qui lui apprend... celui qui l'a abandonné. Trahit. Honteusement, je baisse la tête, refusant de voir l'effroi dans son regard.

- Dis-moi que ce n'est pas vrai ! Dis que je me trompe ! Que je me fais des idées...

- Tu me hais à ce point, Thomas, m'entends-je dire, tu en as tous les droits...

- Tu dois me dire que ce n'est pas vrai... mon frère est mort, chuchote-t-il sous le choc.

Oui, je dois me reprendre.

- Tu dois me haïr, n'est-ce pas ? Je suis là, moi, mais pas lui, dis-je, Thomas me dévisage, tremblant. Je suis désolé, si tu savais combien c'est vrai.

- Tu mens...

- Joshua s'isolait tout le temps, tu es bien placé pour le savoir, car même quand tu étais là, il se sentait seul.

- Je ne comptais pas, admet-il douloureusement.

La voilà la raison de sa douleur. Il pense ne pas avoir été important pour moi, pas assez pour que je vive en tout cas. Comment lui expliquer que mon mal-être m'a poussé à croire qu'il serait mieux sans moi ? Comment dire que j'étais un poids pour lui, du moins, c'est ce que je pensais. La dépression nous fait voir les choses autrement, c'est horrible de se sentir aussi inutile.

- Bien sûr que si, tu comptes, assuré-je avec conviction. Sais-tu qu'il passait des heures à te regarder dormir ? Sais-tu qu'il a été tellement ému lorsque tu as fais tes premiers pas, qu'il en a pleuré ? Sais-tu qu'il y a dans la cave un carton avec uniquement des dessins de toi ?

- C'était avant, ça, souffle-t-il en baissant la tête.

- Sais-tu qu'il se trouvait indigne de la confiance que tu lui accordais ? Qu'il trouvais ça miraculeux qu'un petit être aussi parfait puisse l'aimer, lui ? Sais-tu qu'il avait tout le temps peur de te décevoir ?

- Comme si mourir allait me rendre heureux pour lui ! rétorque-t-il en croisant les bras.

- Non, cependant, sa mort te libérera d'un poids qu'il pensait être, avoué-je, et Thomas redresse brusquement la tête.

- Tu n'étais pas un poids, chuchote-t-il.

Je vois le conflit dans son regard, il sait, il ne sait pas, il est sûr de lui, ensuite doute. Je suis Joshua, il le sent, cela dit, c'est impossible à expliquer, je ne peux le faire moi-même. Je dois trouver son pardon, Thomas ne pourras pas grandir sainement si la colère persiste à le ronger, il doit me pardonner, ou plutôt, je dois lui faire faire ses adieux à Joshua. J'ai été tellement aveugle sur son attachement. Quel idiot. J'ai fini par les croire, tous, et j'ai cessé d'écouter ceux qui m'aiment vraiment.

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