La nuit est tombée, mes amies sont retournées chez elles, j'ai refusé qu'elle m'amène chez Daniel, faignant vouloir prendre l'air et marché après avoir autant mangé. J'ai félicité mon amie et j'ai dû promettre de donner plus souvent des nouvelles, tout en acceptant une sortie sur trois. Durant tout le temps, j'ai eu l'impression de jouer un jeu, une comédie ridicule devant mes amies les plus proches. Confuse, les mots de Nadia m'ont chamboulé. Et je me retrouve devant le cimetière.
Bien que je m'y suis rendue aujourd'hui, je ressens le besoin de reparler à Joshua, de lui poser des questions. Savoir qu'il ne me répondra pas ne compte pas en ce moment. Mon portable vibre encore dans ma poche, ça doit encore être Daniel et je ne prends pas la peine de le lire. Il attend. Je le sais et je me sens trop frustrée pour répondre.
Toutes nos résolutions de la veille sont parties en fumée. Je doute. J'ignore à qui j'ai à faire et ça me terrorise. Ou alors, venir dans un cimetière en pleine nuit rend les choses plus lugubres qu'elles ne le sont. Quelle idées...
- Pourtant, j'avais besoin de te voir, Joshua, dis-je à la sombre pierre, un sourire amer sur les lèvres. Tu me trouve cruelle, n'est-ce pas ? Je suis venue pour te pleurer, hurler mes regrets sans être sûr que tu m'entendes, j'arrive trop tard, comme toujours. Regarde-moi, regarde comme je suis cruelle, insensible. Regarde comme je manque à tous mes devoirs que ce soit pour me lever dans cette classe alors que tous te huaient, ou faire entendre ma voix lorsqu'ils te critiquaient. J'aurais dû te soigner à chaque fois que je t'ai suivie dans les toilettes de l'établissement, blessé. J'aurais dû m'imposer devant ce groupe de lâche qui s'en prenait à toi. J'aurais dû dire à Jeanne de la fermer, d'arrêter de propager des rumeurs sur ta soi-disant agression. Lorie et cette histoire de sdf... J'ai honte de moi, Joshua, et maintenant plus que jamais parce qu'aujourd'hui, je suis venue heureuse sur ta tombe, je t'ai parlé de ton ami, je l'ai consolé la veille, taisant mes doutes, et là encore, je m'apprête à te parler de cet autre homme qui m'aime... alors que tu es sous terre. Bon Dieu, je suis dans un monde parallèle, je ne comprends plus rien, Joshua, je... je te vois en lui. Je ne cesse de te voir dans ces gestes, ses mots, ses silences, et je me rends compte que j'ai été bien idiote. Je t'aimais à ce point, et maintenant que je le sais, il est trop tard... bien trop tard.
Je pleure, sanglote un bon moment avant de rentrer. Daniel me téléphone pour la énième fois et je fini par lui dire de me laisser seule ce soir, sans le brusquer, je prends des pincettes pour ne pas le blesser lui et son amour. Je l'aime bien, je l'apprécie énormément, mais je réalise que mes sentiments pour lui n'existe que pour le fantôme qu'il porte. Ce que je vois de Joshua en Daniel me rends émotive, docile pour tous ces non-dits.
Et je ferme les yeux pour profiter un instant encore de la présence illusoire de Joshua.
Ça me fait peur. Ce n'est pas bien. Mais je n'ai plus la chance de le revoir, alors, je me contente de ces moments volés, dans le corps d'un autre. Un jour, je dirais à Daniel ce qu'il en est. Peut-être que je le ferais quand il s'ouvrira également à moi, quand il sera honnête, qu'il trouvera le courage de m'éclairer sur leurs relations, le lien qui les unis. Oui, un jour, il n'y aura plus de secret, ni pour lui, ni pour moi.
Daniel le comprend. Il respecte mon silence, n'insiste pas les jours qui suivent alors que je fais le ménage dans ma vie. Je m'occupe de mes demandes d'emploi, ma vie est en pause, et je dois me remettre à bouger. Je m'occupe, prends les choses en main sans jamais oublier de penser à Joshua.
Je vais au cimetière, je voie Anna et j'ai même été chercher Thomas à l'école pour l'emmener manger. Tout va bien... tout ira bien. Mes amies sont présentes. Nadia à reçu une réponse pour un poste d'assistante, elle hésite, cependant, Cindy l'encourage à tout faire pour avoir ce job. Il faut un début à tout.
Daniel n'insiste jamais pour me voir, il m'envoie des messages, m'appelle pour entendre ma voix, il me dit des mots doux, me fait sourire, m'émeut également lorsqu'il me parle de son amour pour moi, et le manque ressenti pendant mes absences. Dix jours passent, j'ai refusé de sortir ce soir, j'en aie le droit mais je ne pourrais pas refuser la prochaine fois selon Nadia. Je me retrouve seule, et j'aime ça, je peux réfléchir clairement à la suite des choses.
C'est pourquoi, lorsque quelqu'un sonne à la porte, je suis étonnée, et l'embarras me gagne car deux prunelles dorées me dévisagent, Daniel est là, il est en colère, pourtant, son visage s'illumine quand il me voit. Je lui aie manqué, et je me rends compte qu'il m'a également manqué, alors je me recule pour le faire entrer.
Sans me quitter des yeux, il avance d'un pas, tire la porte que je maintiens pour la fermer, il me fait face, tend les mains pour prendre mon visage en coupe et je retiens mon souffle. Ses yeux voyagent sur mon visage, louche sans arrêt sur mes lèvres et il se penche pour les saisir avec une tendresse qui semble le qualifier entièrement.
- Mon Dieu, ça fait du bien, souffle-t-il en souriant enfin.
- Tu es venu m'embrasser ?
- Je suis venu parce que je ne supporte plus ton absence, Mia, tu me manques... tu me manques tellement que ça en devient douloureux physiquement.
- Tu exagères, bafouillé-je en tournant les talons. Tu veux boire quelque chose ?
- Je te veux toi, gronde-t-il en me retenant. Je ne veux que toi, Malia, alors... asseyons-nous un peu, je veux juste t'avoir dans mes bras, et... je partirais ensuite si tu le souhaite, mais ne me fuis pas maintenant, reste avec moi.
- J'allais dans la cuisine, dis-je sans pouvoir cacher l'émotion dans ma voix. Je suis là, Daniel, je ne fuis pas.
Sourire satisfait sur le visage, Daniel prend place sur le divan et attend que je le rejoigne. Perplexe, je pose mon postérieur à un distance raisonnable, ni trop proche, ni trop loi, et avant que je ne sente le cuir, un bras me tire et je me retrouve sur les genoux de Daniel. Il me serre contre lui, dépose un baiser sur ma joue et me caresse de son nez. Je l'entends inspirer dans mon cou et je frissonne agréablement.
Il m'a manqué.
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Seconde Chance
RomanceLa mort est une fin. On n'a plus la possibilité d'exprimer les non-dits trop longtemps refoulés, on ne peut plus s'excuser de ses erreurs, on perd tout ce qui nous reste d'occasion d'aimer encore un peu. Il est trop tard. Je suis arrivé trop tard :...