« J'ai vingt et un ans et je suis toujours dans les ténèbres. Maman tenait à ce que j'aille à l'université, et pour être un bon garçon, pour ne pas la décevoir davantage, j'ai accepté, je suis resté parmi ses gens qui me haïssent tellement, je subis leurs moqueries, leurs coup-bas, il m'arrive de me défendre, mais là encore je ne m'y prends pas comme il faut... et ils rient.
Mia allège un peu mon mal. Elle me parle. S'assoit à mes côtés, et je cache mon carnet de dessin, refusant qu'elle sache qu'il n'y a qu'elle dans mes pensées les plus intimes.
Je ne dis rien, comme toujours, j'évite de la tirer avec moi dans les abîmes de l'ignorances. Je refuse qu'elle devienne la victime que je suis, et je lui demande de partir. Des fois, elle obéit, mais d'autre non. Elle reste là, elle me tient compagnie, sourit, raconte des choses insensées, et je suis le plus heureux des hommes... Je pourrais même avoir envie de vivre. »
C'est affligeant de voir combien la vie est injuste, qu'il peut y avoir bon nombre d'injustice, de cruauté, et pourtant, elle continue. Nous devons nous lever chaque matin, laisser faire les choses qu'on le désir ou pas, le temps ne s'arrête pas pour nous accorder un repos émotionnel. Non, nous sommes forcés d'avancer malgré la douleur, malgré les larmes, malgré tout ce qui nous retient sur place.
La mort de Joshua m'a fait ouvrir les yeux sur la réalité des choses. Aujourd'hui, nous sommes trop pressés pour nous accorder ce temps si indispensable. Chacun mène sa petite vie, impatient, égoïste, plus personne ne prend le temps de s'arrêter sur le malheureux qui est tombé. Mes amies s'entêtent à marcher, mais je refuse de le faire, je n'y arrive pas, car sur mon chemin de vie se trouve une tombe que je ne peux enlever de ma conscience.
Je veux m'attarder sur cette famille brisée. Anna, et Thomas. Je veux les aider à surmonter leur deuil... J'ai besoin de le faire et ensuite, je pourrais reprendre ma route, plus épanouie, soulagée, et je garderais Joshua dans mon coeur... C'est pourquoi, j'ai délaissée mes amies, et je suis dans ce parc, attendant une mère et son fils pour discuter, et Dieu que la joie dans sa voix lors de mon appel m'a ébranlé.
- Maman, regarde, c'est Mia ! entends-je la voix de Thomas, il s'approche en courant, laissant Anna nous rejoindre à son aise. Maman a dit que tu serais là, mais je n'étais pas sûr que tu viennes vraiment.
- Pourquoi ne serais-je pas venue ? Je suis contente d'être là, Thomas, assuré-je émue par la rougeur sur ses joues.
- Je croyais que tu aurais mieux à faire, dit-il timidement, Josh disait tout le temps qu'il ne pouvait pas t'amener à la maison parce que tu avais autre chose de prévu.
Tout mon oxygène se rétracte dans mes poumons, je manque de m'étouffer avec ma salive, je suis bouche bée. Joshua lui parlait souvent de moi, et devait mentir pour justifier mes absences répétitives. Bon sang, je me sens tellement mal. Clignant des paupières, je chasse les larmes qui me menacent car Anna nous rejoint enfin, me salue gentiment, et je la trouve tellement fatiguée durant une seconde.
- Bonjour, Anna, vous avez une petite mine, lui fais-je remarquer.
- Tout va bien, disons que j'avais hâte que le week-end commence. Allons donc nous asseoir près de la pleine de jeu, Thomas pourras jouer.
- Je voulais parler avec Mia moi aussi, se plaint le concerné.
- Je n'ai rien de prévu pour la journée, Thomas, va jouer, et quand tu seras fatigué, je serais encore là.
Thomas jauge ma sincérité du haut de ses dix ans, il a l'air si sérieux comme ça, j'ai du mal à retenir mon sourire. Convaincu, il hausse les épaules et s'en va en courant. Anna et moi prenons place sur un banc, il fait beau, les enfants s'amusent, et l'esprit de Joshua semble plus présent que jamais sur les traits de sa mère.

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Seconde Chance
RomanceLa mort est une fin. On n'a plus la possibilité d'exprimer les non-dits trop longtemps refoulés, on ne peut plus s'excuser de ses erreurs, on perd tout ce qui nous reste d'occasion d'aimer encore un peu. Il est trop tard. Je suis arrivé trop tard :...