Chapitre 35

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Sourire aux lèvres, j'observe mon ancien chez moi, ce petit salon, cette table de la salle à manger, ces cadres photos, cette ambiance familiale si chaleureuse, simple, Dieu que ça m'a manqué. C'est la seule chose dont l'homme à vraiment besoin. Se sentir aimé, soutenu, avoir une famille dans laquelle il peut être lui, tout simplement.

Thomas est en face de moi, tête posée sur ses bras croisés, il m'observe silencieusement, notre discussion a calmé sa colère, désormais, il n'y a plus que le doute, les questions sur la personne qui est en face de lui. Daniel, ou Joshua. Je tente de jouer à l'indifférence, d'ignorer ce que nous nous sommes dit pour laisser cet enfant grandir en paix, cependant, je ne peux empêcher quelques coups d'œil complices. Nous avons notre secret.

Anna vérifie la cuisson de son poisson, ça sens merveilleusement bon, elle semble étonnée par le changement de Thomas, il ne crie plus, ne me dévisage plus, ne m'en veut plus de vouloir prendre la place de son frère, puisque c'est moi qui occupe la place d'un autre. Un autre qui est de moins en moins présent dans ma tête... je me retrouve enfin, entièrement.

Je n'arrive pas à croire que Madison ait su manipuler Daniel avec ça...

- C'est très joli, ici, dis-je lorsque maman prend place.

- C'est petit, mais ça nous convient, répond-elle simplement.

- L'immeuble a été racheté, m'informe Thomas et maman pince ses lèvres, sans doute embarrassé.

- J'ignore ce que le nouveau propriétaire fera des locataires, mais je n'aimerais pas partir. Nous avons tant de souvenirs, ici, abdique-t-elle.

Je gigote sur ma chaise, ils entrent dans le vif du sujet, et comme je ne veux plus de mensonge, je dois avouer que c'est moi l'acheteur... sans les effrayer. Thomas sourit sans me quitter des yeux, il me provoque, je le sens. Il sait que Daniel ne cessait de roder autour d'eux, bien qu'il ait la réponse du pourquoi, je dois trouver les mots pour ne pas effrayer maman.

- Anna, commencé-je avec gêne, le nouveau propriétaire, c'est moi, dis-je d'une traite sans oser la regarder. Thomas pouffe de rire.

- Il a promis de veiller sur nous, maman, explique mon petit frère, Daniel croit qu'en achetant tout autour de nous il y arrivera.

- Ce n'est pas vrai, marmonné-je, piqué au vif par sa déduction. J'aimerais juste que vous ne manquiez de rien, que vous viviez comme il faut, et que...

Anna pose sa main sur mon bras pour me faire taire, Dieu que c'est bon de sentir son contact, il me manque tellement. L'amour d'une mère est décidément incomparable. Nous le prenons trop à la dérisoire, et lorsque notre mère s'éteint, les regrets sont insupportables. Pleurer ne sert à rien, il faut veiller sur maman tant qu'elle est en vie, et l'aimer jusqu'à son dernier souffle, comme elle l'a fait avec nous.

- Daniel, il est inutile d'en faire autant, m'assure-t-elle d'une voix douce, venez nous voir de temps en temps, parlez nous de Joshua, c'est tout ce que je demande... qu'on le maintienne en vie à travers nos récits et tout ce dont j'ai besoin.

- Moi, je voudrais un X-Box, intervient Thomas. Et une tv dans ma chambre. Je serais également tenté par...

- Thomas, grince maman, et je pouffe de rire. Je suis désolée, Daniel, mon fils à tendance à dire toute ce qui lui passe par la tête.

- Je sais, dis-je trop spontanément, puis me reprends, Joshua adorait ça, il n'a jamais su le faire, et Thomas disait souvent des choses qui traversait son propre esprit. Ça le soulageait énormément.

- C'est vrai, souffle maman, son regard se voile de chagrin un instant.

- Tu n'as rien de mieux à faire que de tourner autour de nous, s'impose Thomas, maman le gronde encore, mais il n'est pas en colère, au contraire, il veut juste changer les sombres idées d'Anna.

Seconde ChanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant