Je vois bien, dans le regard de maman que la colère de Thomas la blesse, cependant, la perspective d'éloigner un autre lien de Joshua lui est douloureux. Il aura besoin de moi, d'une attache qui le lie à l'autre moi, ce frère qu'il a perdu, à qui il en veut. J'ai tellement besoin que mon petit frère me pardonne.
- Thomas, ne sois pas triste, s'il te plaît...Je propose qu'on mange ensemble, dit-elle, je vais cuisiner, et... et nous parlerons de Joshua. Je veux tout savoir !
- Moi, je m'en fiche, affirme l'enfant.
- Et moi, j'ai un entretien d'embauche à seize heure trente, réplique Malia en donnant une pression sur les épaules de mon frère pour le rassurer.
- C'est vrai ? J'espère que tout se passera pour le mieux, mais à dix-huit heures, je vous veux à la maison, tout sera près !
Je ressens une reconnaissance sans nom pour cette femme généreuse, cependant, Thomas me déteste, et j'aimerais tellement qu'il me laisse une chance. Hésitant, je m'approche de lui, grimace face à sa posture de défense, comme si j'allais le malmener ou quoi que ce soit d'autre. Durant une seconde, je me demande si Marc oserait s'en prendre à lui... non. Lui, c'est son fils.
- Puisque ta mère sera occupée à cuisiner, et que Malia à son entretient chez Vice&pro, nous pourrions faire un truc entre homme, toi et moi ? Proposé-je le cœur dans la gorge. Si Anna n'y voit pas d'inconvénient, bien sûr. Nous resterons au parc, si tu veux, ou nous irons nous promener et...
- Je pense que vous devriez parler, me soutient Mia, confirme en même temps à maman que je ne suis pas un danger.
- Je ne veux pas, répond froidement Thomas et brise mes minces espoirs.
- Bien sur que tu veux, réplique notre mère en le grondant silencieusement. Allez au parc, je ne te veux pas dans les pattes, et encore moins enfermé dans cette chambre ! Hop, soyez rentré pour dix-sept heure trente, vous m'aiderez à dresser la table !
Je vois bien que Thomas n'est pas content, mais je m'en fiche. J'ai souhaité bonne chance à Malia, notant à moi-même de donner un coup de fil à l'entreprise pour m'assurer que son dossier soit passé, ramène maman chez elle, et c'est dans un silence pesant que j'observe mon petit frère sur sa balançoire, il m'ignore, prie pour que ce moment passe vite, et contenir celui que j'étais pour ne pas l'effrayer devient difficile.
- Est-ce que tu me détestes parce que j'ai essayé de me suicider ?
- Non, je m'en fiche de ça, je ne te connais pas.
- Tu dois être jaloux que je sache plus de chose que toi sur Joshua alors, le provoqué-je, et j'ai enfin son attention, malheureusement, le voir aussi triste me brise le cœur.
- Tu ne le connais pas, tu mens !
- Je sais qu'il te laissait le regarder dessiner sous condition que tu gardes le silence.
- C'est un coup de chance, tu dois avoir des frères, se défend-il.
- J'en aie deux plus grand que moi, et j'étais celui qui devait se taire pendant que Joseph jouait de la musique, ou que Matthieu faisait ses devoirs.
- Ses devoirs ? Il doit être ennuyeux, et toi encore plus de vouloir regarder ça, réplique Thomas. Joshua dessinait, et ça, ça valait le coup à regarder. Il était heureux en ces moments, vraiment heureux, comme si plus rien ne le rendait triste... Il n'y avait que Mia sur ces pages blanches.
- Elle est belle, m'entends-je dire avec mélancolie, Thomas peste contre moi, alors je poursuis : il la décrivait comme un ange, chaque trait était une histoire dans sa tête, un moment qu'il espérait secrètement. La perspective que ça se produise un jour le rendait heureux.
- Ensuite, il a compris que ça ne se fera pas, et il a décidé de mourir, termine mon cadet, ses mots me font l'effet d'un peignoir dans le cœur. Tu vois comme il était faible ? C'est honteux, papa à raison, un homme, un vrai, se bat pour obtenir ce qu'il veut, et Joshua a eu peur... Les hommes n'ont pas peur.
J'arrête la balançoire d'un geste brusque et oblige Thomas à me regarder en me plaçant en face de lui. La colère que je ressens fais bouillir mon sang, je déteste entendre Marc par le biais de mon frère, il n'est pas comme lui, il n'a pas le droit de le devenir, et je suis là pour l'en empêcher... s'il me laisse faire.
- Tu crois que mourir est facile ? Tu crois qu'on n'a pas peur lorsque la mort vient nous chercher ? Lorsque la vie quitte notre corps épuisé ? Lorsque notre cœur cesse de battre ?
- La mort est facile comparé à la vie, gronde l'enfant, et rabat mon caquet, Joshua à été faible parce qu'il a préféré écourter sa douleur au lieu de l'affronter tous les jours.
- C'est pour ça que tu le détestes, questionné-je malgré moi. Épouvanté par la réponse qui suit son hochement de tête positif.
- Joshua m'a toujours dit de ne pas cacher ce que je pense, de dire ce que je pense, de libérer mon cœur de tout ce qui fait mal, pourtant, il en était incapable ! Il vivait à travers son crayon, mais quand il a relevé la tête pour affronter la réalité, il a eu peur... il nous a abandonné. Il m'a laissé tout en sachant que ça sera difficile ! Je suis tout seul avec maman, et je l'entends pleurer la nuit... C'est dur, et ça fait mal !
Je me jette sur mes rotules et l'enlace fortement, sans me soucier de son rejet, je serre mon frère dans mes bras et lui demande pardon comme jamais jusque-là. Qu'ai-je fais ? Mon Dieu, qu'ai-je fais ? Je suis un lamentable égoïste, je n'ai pensé qu'à moi, et à ma douleur. Sans me soucier de maman, de Thomas, de Malia... Je les aie tous blessé.
- Pardon, Thomas, je te demande pardon... pardon... pardon...
- Pourquoi tu t'excuses, geint-il après avoir arrêté de se débattre. C'est lui qui est parti... Toi, tu as eu une seconde chance.
- Laisse-moi réparer mon erreur, Thomas... Laisse-moi rester et faire les choses comme il faut cette fois.
- Je le savais !
Thomas me repousse brutalement, me dévisage avec une intensité nouvelle, pourtant, les larmes dévalent sur ses joues, il pleure silencieusement, fou de rage, de peine, d'espoir. Mon corps tremble sous les assauts des mêmes sentiments. Il sait ? Il sait ! Qu'est-ce que je fais maintenant ? Va-t-il le dire à maman ? Attends... que sait-il exactement.
- Que sais-tu, Thomas ?
- C'est toi... Tu m'as abandonné, Joshua.
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Seconde Chance
RomanceLa mort est une fin. On n'a plus la possibilité d'exprimer les non-dits trop longtemps refoulés, on ne peut plus s'excuser de ses erreurs, on perd tout ce qui nous reste d'occasion d'aimer encore un peu. Il est trop tard. Je suis arrivé trop tard :...