Chapitre 3

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« Je déteste ces gens, ce lycée, cette vie, ma vie. Je me déteste d'être aussi faible, aussi pauvre, aussi pitoyable. Je déteste ne pas savoir me défendre, relever la tête, me battre pour avoir la paix. Je déteste me sentir de trop, tout le temps, et peu importe combien je me fais discret, je dérange. Que signifie ma vie sur terre si c'est pour souffrir autant ? Je m'accroche lamentablement à l'a pitié de Mia, mais bientôt, ce sera terminé.

Je refuse de vivre comme ça. Il n'y a rien de bon pour moi, ici. Dans cette vie. Lorsque je trouve le courage d'y mettre fin, le visage anéanti de maman me brise le cœur. La déception de Thomas me retient. Et Mia... Sera-t-elle touchée par mon départ ? Certainement pas. Elle se demandera ou je suis parti, sans doute, elle m'oubliera rapidement.

Je suis tellement fatigué de vivre comme ça. Je suis de trop dans ce monde, on me l'a trop souvent répété, et plus j'y réfléchis, plus mon avenir devient sombre. Ne dit-on pas que la roue tourne ? Qu'il y a le beau temps après la tempête ? Je suis encore et toujours dans le froid, les ténèbres, la pluie et les tornades de rejets. Qu'est-ce qui changera quand je serais adulte ?

Absolument rien.

Autant en finir »

Mes amies essayent de me remonter le moral sans pourtant comprendre ce que je traverse. Nadia culpabilise d'avoir été aussi dur avec moi l'autre jour, et même si elle ne me présente pas ses excuses, son comportement transpire le regret. Cindy a eu un entretien d'embauche et prépare le terrain avec toutes sorte de tenues professionnelles. On se soutient entre femmes, il faut qu'elle soit parfaite.

- Tu dois faire passer un message clair et net, Cindy, et avec ça, ce n'est pas vraiment le "professionnel" qu'on attend de toi, la taquine Nadia, je ne peux pas me retenir, et je pouffe de rire. Bien évidemment, c'est moi qu'on foudroie du regard.

- Comment ça ? Je ne fais pas professionnelle avec ce tailleur ?

- Si... mais la jupe est bien trop courte ma belle, tu pourras la porter quand tu seras à l'aise dans l'entreprise.

- Et s'ils ne me prennent pas ?

- Tu as envie qu'ils t'embauchent parce que tu as de magnifiques jambes ?

Pour réponde, Cindy soulève son majeur, sachant que cela ne fera que délier nos langues de vipères. Un coup d'oeil sur l'horloge murale de la chambre, je me rends compte qu'il est tard, je n'ai pas envie de visiter un cimetière la nuit, mais je ne peux pas y aller en journée, il est hors de question que je recroise l'autre ordure.

- Mia, on te parle, gronde Nadia. Que pense-tu de la grise ?

- Parfait, clamé-je en me levant, bon, je vous quitter, je meurs de faim et j'ai une course à faire !

Mes amies se regardent une seconde, leurs inquiétudes me nouent les tripes, mais je fais comme si je ne remarquais rien. Prenant mon sac à main, je leurs envoie une bise de la main et disparaît de l'appartement. J'ai un peu menti, mais je ne pouvais pas dire que j'allais manger dans un restaurant, elles auraient voulue me suivre, et je ne peux pas anticiper une réaction positive par rapport à la mère de Joshua.

Dépourvue de sens d'orientation, j'utilise mon portable pour savoir où se trouve ce restaure. L'auréole. Je constate avec soulagement qu'il n'y en a qu'un en ville, le seul, mais très vite, l'angoisse prend le dessus. Revoir Anna y est pour grand-chose, mais le restaurant que j'ai devant les yeux me coupe le souffle tant il est prestigieux, je ne peux pas aller là.

Discrètement, je m'approche de l'établissement, les couples qui entrent sont tous très chic, je vais faire tâche avec mon jean et ma blouse ouverte sur le dos. Je dois avoir l'air ridicule à espionner les clients, essayant maladroitement d'apercevoir Anna, je réalise que je n'aurais pas les moyens de me payer un menu ici, ou alors, je devrais jeûner le reste du mois.

Une silhouette attire mon attention sur le reflet de la vitre, un horrible frisson me traverse l'échine alors que j'imagine une sorte de vigile derrière moi, venu aimablement me demander de dégager et arrêter de baver sur les repas des riches, mais je reconnais ces yeux, et mon coeur rate un battement dans l'horreur. J'aurais préféré avoir à faire à ma première option, qu'on me traite de clocharde, je m'en fiche, mais pas de...

- Tu n'arrêtes jamais, toi, grince-t-il alors que je me retourne pour le foudroyer du regard, étrangement, il semble contrarié, mais pas furieux.

- Laisse-moi tranquille, répliqué-je en relevant le menton.

Je veux m'éloigner mais il me bloque le passage de sa posture. Il est habillé de manière professionnelle, un costume sans cravate tout de même, une chemise blanche en dessous, chic et décontracté. Sa manière de bomber le torse pour se montrer fort me titille la conscience, Joshua faisait ça, alors qu'au fond de lui, il était blessé.

- J'imagine que tu reviendras encore, marmonne-t-il, que tu feras en sorte d'entrer dans leurs vies, de décharger ta culpabilité un tant soit peu, mais c'est inutile.

- Parce que tu t'en charges, c'est ça, grincé-je, cela l'étonne et un étrange sourire soulève ses lèvres. Étrange, parce qu'il ne parait pas méchant comme ça, juste amer.

- Parce que tu n'es coupable de rien, rectifie-t-il et je retiens mon souffle, j'étais en colère et déçu, alors, tu m'as servi d'exutoire, mais ça ne se reproduira plus.

- Quoi ?

- Quoi, m'imite-t-il en grimaçant, j'ai été dur, et je m'excuse, tu comprends là ?

Bouche bée, je ne sais pas quoi dire, je sens juste mes yeux me brûler, je vais fondre en larme tant je suis soulagée, et l'espoir d'en savoir plus sur Josh par le biais de cet ami si secret me réchauffe le coeur. Bon sang, il se sentait mal par rapport à la perte subi, je peux comprendre sa rancune, tant que ça ne se reproduit pas, et nous pourrions devenir amis ? Joshua entre nous, dans nos pensées.

Seconde ChanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant