Chapitre 10

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« Aurais-je un jour le droit de la regarder dans les yeux, de lui sourire comme elle me sourit sans rougir, sans avoir besoin de baisser la tête, sans fuir ? J'imagine que non, pas dans cette vie en tout cas. Mia pense que je suis fort car je reviens toujours. Elle ignore que je pourrais tout supporter pour quelques minutes avec elle, pour imprégner ma mémoire de son image, et ne jamais l'oublier dans la mort.

Pourrais-je espérer gouter à ses lèvres avant ce moment ? La voir nue une fois seulement, et non par hasard dans les vestiaires ou j'ai été enfermé. Je l'ai vu en sous-vêtements, ma Malia porte des strings, et un magnifique tatouage noircit sa fesse, ces images et les sombres fantasmes qui l'inondent ne m'ont pas quitté durant des jours.

C'est tout ce que j'aurais, je le sais... Mes fantasmes.

Et si par je ne sais quel miracle, Mia voulait de ce corps meurtrit, je ne saurais pas quoi faire pour lui donner du plaisir. Je serais perdu dans le bonheur, tétanisé par un rêve devenu réalité, et je l'observerais comme j'aime le faire, je regarderais chaque parcelle de sa peau afin de la reproduire dans un cahier... Je serais perdu... Je serais décevant.

Je la décevrais, elle, et ça, jamais je ne me le pardonnerais... »

Ma tête tourne, ma poitrine me fait mal tant mon cœur bat vite et fort. La posture affligée de Daniel me fait de la peine, je le comprends, car j'ai moi-même du mal à respirer correctement tant je me sens coupable de ne pas avoir pu aider Joshua avant que l'inévitable se produise. Je suis désolée, tellement désolée pour la tournure des évènements. J'ai bien conscience que ma présence ici n'avait pour but que d'obtenir des réponses, malheureusement, le voir aussi me pousse plutôt à le réconforter.

Alors, j'avance lentement vers lui, Daniel cille mais n'ose pas affronter mon regard. Comment amoindrir un peu sa culpabilité ? Le pourrais-je seulement ? La mienne est déjà si difficile à porter, mais peut-être que ce sera plus facile à deux... alors, je pose ma paume sur sa poitrine dénudée et il sursaute légèrement, étonné par mon geste, ses prunelles trouvent enfin les miennes. Les émotions que j'y lis se bousculent. L'incompréhension, la satisfaction, un désir persistant semble s'enflammer.

- Me trouves-tu cruel, Malia ?

- Cruel, je répète sans comprendre.

- D'être encore de ce monde, explique-t-il d'une voix tremblante. De vivre, d'avoir tout ceci. D'être encore là.

- Bien sûr que non, Daniel, soufflé-je secouée par le chagrin, étrangement, il grimace, ne me croit certainement pas. Tu as eu une seconde chance, insisté-je en posant ma main sur sa joue, tu dois en faire bonne usage, vivre pleinement, tu dois... avancer.

- J'essaye, Mia, j'essaye de me montrer reconnaissant, de faire les choses comme il faut, d'être moi, mais c'est tellement difficile. Tout se mélange dans ma tête. Je me sens perdu...

Je me blottis contre lui, le souffle court, son cœur martèle contre mon oreille et son corps tremble sous une souffrance invisible. Je ne la connais que trop bien, c'est une douleur intérieure, qui ne se voit pas, mais qui fait un mal de chien. Daniel ne me touche pas, il est comme dans un état second, et j'ai besoin de le ramener au présent, de lui faire comprendre qu'il faut apprendre à avancer malgré tout.

Timidement, je détourne la tête pour poser mes lèvres sur sa peau, Daniel retient son souffle, se crispe dans mes bras, mais je n'arrête pas, je picore tendrement son épiderme frissonnant, la chair de poule s'étend au fur et à mesure que ma bouche entre en contact avec sa poitrine. Son manque de réaction augmente mon audace, et mes mains découvre son dos, ses côtes, je me redresse sur mes pieds et parcours un chemin de baiser le long de son cou, sa mâchoire.

Seconde ChanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant