JOY

9

Ce mercredi, le froid arrive comme un inconnu non-invité à une fête, un peu effrayant mais rassurant lorsque l'on se rend compte qu'on le connait et que l'on sait comment agir face à sa présence. Quelque chose qu'il ne faut pas faire en revanche, c'est sortir en pleine forêt sous ce froid glacial et hivernal. Personne ne se dit tiens je vais me promener entre ces arbres gelés et dans ces herbes mortes afin de trouver des fantômes. Gabriel m'aurait étranglé à la seule expression du mot « fantôme ». Je l'entends déjà me hurler dessus que ce ne sont pas des fantômes mais bien des entités. Dans tous les cas, ce n'est pas vraiment mon délire.

Mon seul ami pour cette journée là, c'est mon immense manteau côtelé de papi que j'avais chopé dans une boutique friperie. J'enfile mes plus moches baskets, un bonnet que Gabriel m'avait prêté pour notre première sortie il y a un an, et une écharpe un peu trop colorée pour notre activité. Mon visage est blanc neige et mon nez trop rouge. Le seul réconfort que j'arrive à trouver c'est que cela s'accorde avec mon écharpe.

Gabriel est toujours extrêmement équipé pour ce genre d'expérience. Il a sa tenue favorite, celle qui l'accompagne à toutes les sorties. Sa chevelure vénitienne qui est maintenant trop longue comparé à l'an dernier, est entièrement cachée sous son bonnet jaune, ses jambes camouflées d'un collant pour avoir chaud sous un pantalon imperméable d'une marque de sport que je ne connais que très peu. Il a enfilé un sweat d'une certaine épaisseur afin de rajouter sa capuche sur le bonnet et un manteau doublé et isolé afin de bien se protéger du froid qui arrive en courant.

« J'ai retrouvé ma camera du collège, je vais essayer de récupérer les videos que l'on avait faite ! » m'annonce-t-il

« La fameuse caméra? »

« Oui, la fameuse. » Il ne peut pas s'empêcher d'avoir cette moue triste lui rappelant une époque obscur de son enfance

Il se ressaisit très rapidement en me regardant tout sourire. Il enclenche la première et s'écrit « Allons-Y »

La route n'a pas été si longue, nous avons mit beaucoup de musique, nous avons beaucoup discuté et rigolé. En arrivant, je m'aperçois que l'on a fait seulement 40 minutes de routes alors que je m'attendais à beaucoup plus. Gabriel m'avait expliqué que ce lieu est extrêmement fréquenté mais pas pour les mêmes raisons que lui. Cette forêt était connue dans les années 80 comme le point de rendez-vous d'homosexuels afin de pouvoir assouvir leurs désirs sans se faire juger ou mal regarder. Cependant aujourd'hui, le lieu s'utilise pour les drogués qui ne veulent pas se faire juger, les chasseurs qui ne veulent pas se faire attaquer par des personnes conscientes de la barbarie, ou alors des rendez-vous quelconques de jeunes pour fumer, boire ou simplement se retrouver entre amis.

Le lieu est donc pas mal fréquenté, ce qui me rassure.

Nous arrivons aux alentours de 18h, la nuit est déjà tombée et le silence règne. Je n'avais pas profité de la route pour commencer à stresser. Je commence maintenant. Les branches tremblent, le vent souffle afin de remplir le silence, le bois craque sous nos pas. J'ai l'impression de ne pas être la bienvenue dans un lieu si paisiblement naturel et épais. La nuit commence à humidifier l'atmosphère, à nous refroidir et à laisser échapper des nuages de fraicheur de nos soupirs. Je m'accroche au bras de Gabriel, bien qu'il ai les bras déjà prit par son matériel high-tech.

« Je suis trop excité...! » s'écrit Gabriel tout en chuchotant « Essaye de me calmer pour que les esprits n'aient pas peur de moi... »

« Tais-toi gros malade ! Tu veux que je me pisse dessus? »

Gabriel explose de rire en me regardant avec un regard qui veut dire mais on est là pour ça Sol.

Je continues tant bien que mal d'analyser le lieu, essayer d'écouter le moindre bruit, chuchotement, pas... La forêt est sombre, l'ambiance nocturne n'arrange à rien. Gabriel s'empresse de sortir sa caméra de nuit et une lampe torche afin de pouvoir être prêt si il se passe le moindre phénomène.