Chapitre 38 : Tear.

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Je m'assois à mon bureau, une pile de feuilles d'imprimantes à coté de moi, et un stylo à encre noir dans la main droite. Le soupir presque continuel et régulier, ma peau touche le revers de la surface de papier blanche, et je commence alors du mieux que je peux à écrire cette lettre qu'il m'a fallu recommencer au moins une dizaine de fois, en ayant cette fois-ci, la conviction que c'est la bonne. 

Silky, 

Pour tout te dire, cela fait une bonne dizaine de fois que je commence à écrire cette lettre, et à chaque fois, la feuille finit en boule, au sol, et déchirée dans toute sa longueur. Victime de mon énervement contre moi-même, et de mon incapacité à être autre chose que con. 

Je ne sais même pas par quoi je dois débuter cette putain de lettre. Je n'en ai jamais écrite une seule. Même en rédaction, j'arrivais à esquiver la tâche d'en faire une. Mais je crois que cette fois-ci, dans ces circonstances, je n'ai pas le choix. Et pour la première fois de ma vie, je n'en ai pas l'obligation, mais l'envie. 

Alors que dire ? 

J'ai été con. Beaucoup trop. J'ai pensé que t'esquiver de ma vie arriverait à te protéger des aléas que notre existence peut comporter, mais le problème, c'est que j'ai oublié que la tienne en avait aussi, et en avait aussi eut par le passé. Comme la mienne. Depuis mes dix ans, je ne suis plus le même, j'ai subi deux choses qu'un gamin ne devrait ô grand jamais connaître. Même un adulte ne le devrait pas. 

Ces épreuves, je te les ai cachées, et même si cela ne fait que trois mois que nous nous connaissons, j'aurais dû te les dire dès le début, et pas repousser ce moment jusqu'à être sûr que tu étais digne de confiance, alors qu'au commencement, mon cœur le savait déjà. Rien que pour ça, je suis le pire des abrutis. 

J'ai peur de te les révéler. Pas peur que tu les racontes à quelqu'un, mais que ta réaction soit celle dont je suis effrayé. Car même si je sais que tu ne juges pas les gens, j'ai conscience que les humains peuvent penser autre chose des gens dès que leurs passés deviennent connus. 

Alors je suis là, assis à mon bureau, en train de soupirer, doutant de ce que je vais écrire au bas de cette feuille minable. 

C'était un soir d' hiver. Il faisait froid dans les rues de Chicago. Nous étions venus ici avec mes parents et mon frère visiter la ville, dans le but d'habiter dans le futur là. Nos géniteurs s'étaient barrés à l'hôtel, tandis que la neige commençait à tomber. Alors Mickaël et moi avons demandé si nous pouvions aller jouer en bas du bâtiment. Evidemment, tu te doutes bien que nous avons eu le droit de nous y rendre.

La bataille de boules de neige s'éternisait, et c'était au tour de la nuit de tomber. Mon grand frère me coursait, alors j'ai couru loin de l'hôtel, très loin. On est arrivés à une impasse, et là...là il y avait trois mecs. Très grands, très imposants, habillés en noir et puants l'alcool et la drogue. Je n'avais que dix ans, alors forcément, ces mecs m'intimidaient et je reculais, j'appelais mon frère à l'aide lorsqu'ils s'avançaient vers moi. 

Et Mickaël est arrivé. 

Mon frère ayant quatorze ans, presque quinze, ne faisait pas loin d'un mètre soixante-douze, et même si ses muscles n'étaient pas encore très développés, je savais qu'il me défendrait. Ou plutôt je croyais. A l'époque, mon frangin était mon idole, mon héros ; il s'était toujours occupé de moi lorsque mes putains de parents n'étaient pas là. C'est à dire onze mois de l'année. 

Mais Mickaël ne s'est pas approché. Non. Mon frère m'a regardé les yeux grands ouverts, les larmes aux yeux, et reculais tandis que mes bourreaux me prenaient entre leurs grandes mains sales et crasseuses, et enlevaient déjà ma petite doudoune bleue. 

So. [ FR ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant