Cali
— Donne-moi les clés… immédiatement ! m’ordonne Joye.
La respiration saccadée et le corps crispé sur le siège de l’auto, elle tend sa main de façon abrupte. Je viens tout juste de me garer sur le parking du Red Line, le moteur tourne encore et elle ne me laisse aucun autre choix possible.
Elle n’a pas dû aimer ma conduite sportive à mon avis.
— Donne-moi les clés je t’ai dit ! tonne-t-elle en me fusillant de ses billes anthracites. J’ai cru mourir dix fois durant le trajet. En temps normal, t’es déjà un danger public au volant mais ce soir… ce soir, tu détiens la palme. Je te jure, faut te faire soigner ! On n’est pas dans une course de rallye, bordel !!
— Oooh, tout de suite. Zen tout va bien. Je me suis juste un peu défoulée avant d’attaquer la soirée.
Tandis qu’elle fulmine, je coupe le contact et lui remets les clés. Elle les attrape illico en les gardant précieusement avant de sortir de la voiture.
— Va plutôt te défouler sur la piste de danse... au moins, je suis sûre de ne pas crever d’une crise cardiaque, ajoute-t-elle avant de claquer la portière avec force.
J’éclate de rire à sa mine renfrognée mais en la voyant partir, je me dis que j’ai peut-être abusé ! Il faut que j’arrange ça, elle n’a pas à subir mes conneries, elle en a assez supporté. Je tente de la rattraper en courant tant bien que mal avec mes talons jusqu’au bout de la rue. Dans ces moments-là, je regrette vraiment mes baskets. Je passe entre les noctambules, les sifflements fusent à mon passage. Rien à foutre ! Pour le moment, je dois récupérer ma boulette. Arrivée à sa hauteur, elle m’ignore royalement avec sa tête des mauvais jours.
— Ne prends pas la mouche, je n’ai pas voulu te faire peur, tu me connais…
Joye s’arrête brusquement et se tourne dans ma direction en me pointant de son index manucuré.
— Toi ! Tu m’énerves !
Agacée, elle croise les bras. Je souris face à son sérieux et la prends par le cou.
— Moi aussi je t’aime.
— Ne commence pas à me prendre par les sentiments, t’es insupportable parfois.
— Juste parfois ? T’es sûre ?
— Tout le temps, c’est vrai. Heureusement que je suis là pour récupérer tes conneries.
— Allez viens ma bichette, je vais me faire pardonner. J’y suis allée un peu fort, je l’avoue. Mais regarde, ça a eu le mérite de calmer mon angoisse, dis-je en l'attrapant par le bras tout en prenant la direction du Red Line.
— Super et moi j’ai failli me pisser dessus, on en parle de mon angoisse à moi ?
— Arrête de râler Huguette !
— Ne m'appelle pas Huguette bordel !
— Elle peut bien s’appeler Huguette, Germaine ou Simone, quand je vois ce petit cul moulé dans cette robe, hummm... je m’en moque royalement, balance une voix au timbre rauque derrière nous.
Nous nous retournons dans un même mouvement, prêtes à lancer une réplique acerbe de notre cru. Face à nous, le stéréotype du beau gosse sûr de lui. Les cheveux clairs, quasi rasé, la barbe entretenue, fringué dans un style décontracté, étudié à la perfection afin de séduire. À peine arrivé, il m’énerve déjà celui-là ! Encore un qui doit penser qu’en un clin d’œil et un sourire, on écarte les jambes. Il va vite rabaisser son caquet s’il nous sort ses techniques de drague avec ses phrases toutes faites. J’inspecte rapidement l’énergumène qui fume sa clope en nous reluquant sans aucune gêne. Plutôt assez grand, au moins une bonne tête de plus que nous malgré nos talons. La hauteur parfaite pour frapper dans ses parties s’il nous cherche. Il pose ses yeux céruléens sur moi, jauge ma plastique rapidement avant de revenir sur mon visage. Il jette son mégot à ses pieds, l’écrase en me fixant. Je ne dis pas un mot mais mon regard noir parle pour moi. Mal à l’aise, il dévie son attention sur Joye. Il ne tarde pas à mettre ses atouts en avant, la dévisage avec avidité ne laissant aucun doute sur son choix. Il a trouvé sa proie pour la soirée. Ça me démange de le remettre à sa place. Je scanne rapidement son corps athlétique avant de revenir sur mon amie. Je crois bien l'avoir perdu, elle ne réagit pas à mes coups de coude... aussi réactive qu’un mollusque ! Qu’est-ce qu’elle fout ? Il lui a lobotomisé le cerveau en un quart de seconde ? Je vais devoir m’y coller à sa place, pas le choix.
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ÉVIDENCE
RomanceComment poursuivre sa vie quand en une fraction de seconde, l'enfer s'abat sur vous ? Cette question tourne en boucle dans ma tête depuis quatre ans. "Cali, tu dois laisser le temps faire son œuvre"... voilà ce que me répète Joye constamment. J'a...