Chapitre 8 : Les problèmes commencent

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Photo: Lisandro

Lisandro

Ça fait quinze jours que cette brune incendiaire hante mon esprit. Quinze jours que je me pose des tas de questions depuis mon départ de l’hôpital. Malgré le temps passé, je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi elle a perdu connaissance. Était-ce de ma faute ? Ai-je eu un geste qu’elle a mal interprété ? Au fond de moi, je reste persuadé qu’il n’en est rien.

Depuis, ses yeux ne s’effacent pas de ma mémoire. Je les revois emplis de terreur, les larmes inondant son visage. Cette même terreur qui s’insère en profondeur et vous tenaille au point de vous faire perdre l’esprit. Ça m’a glacé le sang.
J’en reviens à chaque fois aux mêmes questions. Qu’est-ce qui l’a mis dans cet état ? Ou alors qui ?

Il m’a fallu du temps pour le comprendre et, même ainsi, j’ai du mal à l’admettre mais cette peur qui paralyse, celle qui submerge au point de faire suffoquer, celle qui vous donne la sensation que tout s’effondre et que rien ne peut vous arracher de l’enfer… cette peur qui se reflétait dans son regard a fait écho en moi parce que... je la connais.

Et aujourd’hui, je la retrouve à deux mètres à peine alors que je n’imaginais pas la revoir. Je ne sais plus quoi penser. Elle m’intrigue, me perturbe et attise à la fois ma curiosité alors que je n’ai aucune idée de qui elle est.

— Besoin d’aide ?

Surprise, elle ne dégoise pas un mot tout en restant aux aguets et nous reluque à tour de rôle de son regard perçant. Je claque des doigts pour attirer son attention…

— T’es sûre que ça va ? 
— Euh… oui, ça va… mais qu’est-ce que tu fais là ? 

Ez, son bras placé autour de la taille de Joye lui répond :

— Bah on habite ici ! Enfin, Sandro plutôt, moi je squatte quelque temps. 

Le visage de Cali se décompose à l’annonce de la nouvelle. 

— C’est génial ! s’enthousiasme la jolie blonde. Cali emménage dans l’appartement numéro 6.

Merde ! Fait chier !

Ez sourit en coin et je sais déjà ce qu’il manigance dans sa petite tête cet enfoiré. Vas-y rigole !

— Si c’est pas le destin ça, je sais pas ce que c’est. Hein Sandro ? 
— Il faut croire, répliqué-je en le menaçant du regard.

Je lui fais la peau s’il sort une de ses conneries. Cali braque ses billes noires sur moi et rétorque aussi sec.

— T’es à quel étage ? 
— Le même que toi. Je suis juste en face.

Aussitôt, elle amorce un léger mouvement de recul, fronce les sourcils en serrant la mâchoire. La perspective de devenir voisins de palier ne la réjouit pas plus que moi. Avec tous les logements vacants sur Royan, il a fallu qu’elle se pointe ici.

Un silence s’installe entre nous. Chacun à une extrémité du matelas qui fait office de barrière pour nous séparer, nous nous observons. C’est à se demander lequel de nous deux se barricade le plus. 

En temps normal, Ez me sortirait de ce pétrin mais cette fois-ci, il ne bouge pas d’un pouce. Au contraire, c’est une aubaine pour lui. Il ne va pas rater cette occasion.

— Sandro… eh mon pote, tu te réveilles ! 
— Oui… qu’est-ce qu’il y a ? 

Son regard sardonique ne m’annonce rien de bon. Qu’est-ce qu’il manigance ? 

— Je proposais qu’on leur donne un coup de main.
— Oui bien sûr !
— Cali, laisse-moi ta place... avec Sandro, on monte le matelas et vous, prenez le sommier, c’est plus léger.

Cali pince ses lèvres en nous dévisageant puis se décale.

— Ok mais faites attention.
— T’inquiète pas, on en a vu d’autres, rétorqué-je.

Aussitôt, son attention se rive sur moi. Elle s’approche lentement et s’arrête à quelques petits centimètres. 
 
— Ce n’est pas pour vous que je m’inquiète mais pour mon matelas ! balance-t-elle ironiquement, un sourire en coin.
— À ce que j’ai pu constater, ça ne pourra pas être pire que vous deux.  N’est-ce pas ?

Je la toise de toute ma hauteur, réponds à son rictus tandis que le sien disparait à mesure que son regard s’assombrit.

— C’est ce qu’on verra ! me lance-t-elle d’une voix chaude. Joye ! On s’active, il reste encore pas mal de boulot, poursuit-elle sans rompre notre lien.

Sans perdre plus de temps, elle sort du bâtiment d’un pas vif, Joye derrière elle. Je relâche la tension tandis qu’Ez me fixe dans un silence éloquent.

— Vas-y, crache le morceau, t’en crèves d’envie.

Il se mord la lèvre pour ne pas rire aux éclats.

— Elle... je l’adore ! C’est exactement la personne qu’il te faut.
— T’es con je te jure ! Au lieu de raconter n’importe quoi, aide-moi plutôt !

Les bras chargés, nous montons les escaliers. Ez poursuit sa réflexion.

— Je te connais Sandro et le regard ne ment jamais. Tu as fait une promesse…
— Tais-toi et avance !

Les cartons s’amoncellent, encombrent le palier. Je dégage un passage.

— Je vais voir où elles en sont, m’informe Ez, entendant des cris successifs.

Profitant de son départ, je m’aventure dans l’appartement. Le locataire précédent n’est pas resté très longtemps, on s’est à peine croisé ces derniers mois. Peut-être qu’il en sera de même avec Cali… enfin je peux essayer d’y croire.

J’ouvre la baie vitrée du salon et accède à la terrasse. Cette vue sur l’océan m’apaise habituellement. Elle me permet de faire le vide et tout oublier, juste un instant. Et aujourd’hui, alors que j’en ai particulièrement besoin, il n’en est rien. Je choppe mon portable dans la poche arrière de mon jeans. L’angoisse monte. Aucun message, aucun appel manqué… ce n’est pas normal !

— Je ne te dérange pas trop ?

Je range mon téléphone à la hâte en me retournant sur Cali. Appuyée contre la porte, le visage tendu, elle croise les bras.

— Tu ne me déranges pas du tout. Je patientais en profitant du paysage. J’adore le regarder de ma terrasse, juste là.

Elle observe nos deux terrasses collées, simplement séparées par un brise-vue en verre poli sur la droite. 

— C’est bien ma veine, susurre-t-elle.
— Hé ! Tous les deux, nous hèle Joye. On ne fait pas salon de thé, il y a du boulot. Allez !! Hop ! Hop ! Hop!

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