- Vous arrêtez vos conneries tout de suite ! balance Ez d'un air mauvais en nous surplombant.Le corps endolori par la chute et la tête comme dans un étau, j'ai du mal à reprendre mes esprits. Ez, agacé, me tend la main, m'aide à me relever et m'écarte sans ménagement. Placé à quelques pas derrière lui, il retourne prêter main forte à l'enflure gisant au sol, encore à moitié sonné.
- Ruben ! Ooh regarde-moi ! demande-t-il en claquant des doigts jusqu'à attirer son attention. Comment tu te sens ?
- J'ai connu pire, répond-il en levant le pouce.
- Tu peux t'asseoir ?
- Ouais... geint-il en se redressant, les traits crispés par la douleur.
- Appuie-toi contre le meuble et garde la tête basse. J'arrive !
J'observe de loin Ruben. Le saignement s'est calmé mais l'hématome gonfle à vue d'œil et commence à s'étendre sous ses yeux. En tant que pompier, mon premier réflexe serait de lui venir en aide, je suis formé à porter secours sans émettre de jugement sur la personne qui se tient devant moi. Depuis mon entrée à la caserne en tant que junior, j'ai gravi les échelons sans jamais faillir à ma devise. « Courage et dévouement » ces mots sont gravés en moi et pourtant ce soir, c'est au-dessus de mes forces. La haine est plus forte que ma vocation et je ne peux, ni ne veux, lever le petit doigt pour cette ordure. Il ne mérite plus mon aide. Ez est parfaitement conscient que je préférerais le voir six pieds sous terre. Il éprouve la même animosité à son égard mais ça ne l'empêche pas de foncer chez moi récupérer de quoi le soigner. Les bras chargés, il dépose le tout sur l'îlot puis s'active dans la cuisine jusqu'à trouver des chiffons propres et un sac plastique qu'il s'empresse de remplir de glaçons. Concentré, Ez prodigue les premiers soins et tout comme Ruben, ne prononce aucun mot. Professionnel jusqu'au bout, il parvient à le soigner sans lui coller une droite.
La poche glacée déposée au niveau des ecchymoses, il ne s'attarde pas plus et me rejoint en me balançant des compresses au visage.
- Essuie ton arcade, bouffon ! m'ordonne-t-il en me fusillant du regard avant de m'empoigner le bras fermement, et tu viens avec moi.
Positionné à l'autre bout de la pièce, je tâtonne ma plaie qui s'avère peu profonde et la nettoie grossièrement sous les soupirs incessants de mon ami. Silencieux, il fait les cent pas comme un lion en cage entre Ruben et moi.
- Vous croyez que c'est le moment de régler vos comptes ? Faut croire que oui vu vos gueules ravagées. Bordel ! Vous avez quoi dans la tête ? On a aucune nouvelle de Cali et vous, qu'est-ce que vous trouvez de mieux à faire ? Vous foutre sur la tronche ! Bravo ! lance-t-il en applaudissant. Vous pouvez être fiers de vous, belle preuve de maturité.
Les reproches fusent et je serre les poings sans ciller. Ez a entièrement raison mais Ruben l'a bien cherché, il m'a délibérément provoqué en parlant de Lola. Entendre ce prénom sortir de sa bouche m'a rendu fou. Au lieu de me focaliser sur Cali, c'est mon envie de vengeance qui a pris le dessus.
- Ez, je ne suis pas ici pour me prendre la tête avec vous, amorce Ruben d'une voix nasillarde, Sandro m'est tombé dessus sans prévenir...
- Toi ! Ta gueule ! le coupe Ez, irrité. Je ne veux pas savoir qui a commencé ou quoi que ce soit d'autre. Vous avez toujours été bornés et ça n'est pas d'aujourd'hui. Je l'ai dit à Joye que vous ne pouviez pas rester seuls sans vous tomber dessus, c'est bien pour ça que je suis là. Mais je vous préviens, le premier qui réessaie d'en mettre une à l'autre, je le fracasse sur le champ.
Mes prunelles chargées de rancune s'ancrent à celles de Ruben et je reçois dans la foulée une claque à l'arrière de la tête.
- Ne fais pas le malin, toi ! Je te jure que je n'hésiterai pas à te foutre une raclée si ça peut te remettre les idées en place, me menace-t-il de manière autoritaire. Maintenant, vous remballez votre fierté et on part chercher Cali. Tous. Les. Trois. Ok ?
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ÉVIDENCE
RomanceComment poursuivre sa vie quand en une fraction de seconde, l'enfer s'abat sur vous ? Cette question tourne en boucle dans ma tête depuis quatre ans. "Cali, tu dois laisser le temps faire son œuvre"... voilà ce que me répète Joye constamment. J'a...