Chapitre 32 : Glory Box

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Musique : Glory Box - Portishead

Enroulée dans une serviette éponge, je ronge mes ongles en regardant la baignoire se remplir. L'eau monte doucement et la mousse investit quasiment toute la surface à présent. J'inspire le parfum délicat de fleur de lotus en essayant de me détendre.

Poursuis sur ta lancée Cali, reprends du plaisir...

J'étais persuadée de ne jamais parvenir à remonter sur une bécane et j'y suis arrivée. Alors retrouver un peu de bien-être dans un bain chaud ne devrait être qu'une formalité.

Encore faut-il que je me calme...

Je saisis le briquet, allume les bougies aux senteurs de thé vert et les dispose un peu partout dans la salle de bain. Je baisse le store. La lumière vacillante se projette sur les murs, les effluves se mélangent aux volutes de vapeur dans ce spa improvisé qui me semble à présent parfait. Je vérifie la température de l'eau, referme le robinet et file dans le salon récupérer mon portable posé sur le canapé. Un coup d'œil à ma messagerie. Toujours pas de signe de vie.

Il est déjà sept heures. Qu'est-ce qu'il fout ?

Inquiète, je choppe mon paquet de clopes sur la table basse, en allume une dans la foulée tout en retournant dans la salle de bain. La bouffée de nicotine s'engouffre dans mes poumons sans que j'y trouve l'apaisement tant attendu. Je les ai enchainées toute la nuit mais la pression ne veut pas redescendre. Je n'ai aucune nouvelle de Sandro, les heures défilent, ma tension monte et j'essaie de ne pas penser au pire en me remémorant ses derniers mots :

« J'en ai pour deux ou trois heures, je te rejoins dès que j'ai terminé... »

Ça fait plus de six heures qu'il m'a déposé devant l'immeuble. Après un rapide baiser, il a foncé en urgence sur une intervention. Mais depuis son départ, j'ai une drôle d'impression. Pour un homme habitué à décaler, il me paraissait trop tendu. J'ai la certitude que c'est plus grave que ce qu'il m'a avoué.

Et s'il lui était arrivé quelque chose ?

Cali, retire-toi ça de la tête !

Pourquoi je flippe ? N'importe quoi ! Sandro fait juste son boulot. Oui... juste son boulot, ça ne sert à rien que je me fasse du mauvais sang, il ne reviendra pas plus vite.

Je vais me changer les idées en essayant de me détendre en attendant son retour.

Il ne devrait pas tarder.

Le portable à la main, je scrute la baignoire, bien décidée à y pénétrer et pioche dans ma playlist la chanson idéale pour me relaxer. Le replay enclenché je m'avance en fixant la mousse crépiter sur la surface. Le stress monte. Je tire sur ma cigarette, la cendre tombe à mes pieds. Les yeux fermés, je relâche le nuage de fumée quand les premières notes de « Glory box » résonnent et me happent dans son atmosphère feutrée. Le violon se mêle à la basse, les percussions se voilent en fond sonore quand je me revois avec la lame de rasoir entre les doigts. Je serre les dents, repousse les spectres du passé et me balance lentement au rythme de la musique. La voix troublante de Beth Gibbons emplit la pièce, je frissonne, m'évade dans son univers envoûtant. Mes muscles se dénouent peu à peu. La serviette glisse au sol. J'inspire profondément et enjambe la paroi. Un long soupir s'échappe d'entre mes lèvres quand l'eau chaude m'enveloppe au moment où le son de la guitare saturée se met à vibrer. La tête posée sur le rebord, j'aspire une latte, relâche la pression, expire lentement en chassant les réminiscences de mon passé.

Respire et pense à autre chose, n'importe quoi...

Des images de notre escapade s'imposent à moi et il ne m'en faut pas plus pour que la frustration remonte en flèche. Si ce maudit coup de fil ne nous avait pas interrompu, nous serions ensemble, collés l'un contre l'autre et je ne serais pas là à me ronger les sangs à l'attendre.

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