Chapitre 24 : Le connard

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Sandro

Les confidences de Joye occupent mon esprit depuis des heures et plus j’y pense, plus mes craintes augmentent en envisageant l’insupportable. Quel homme digne de ce nom s’en prendrait à une femme et d’autant plus, à la femme qui partage sa vie ? Au lieu de la protéger, de l’aimer chaque jour, il l’a brisé mais jusqu’à quel point ? Qu’a-t-elle subi pour en arriver à tenter de se suicider ? Imaginer ce que Cali a pu vivre entre les mains de son bourreau me retourne l’estomac.

Adam… ce nom tourne en boucle dans ma tête. Où est-il ? Que fait-il ? Cali court-elle encore un risque ? Toutes ces questions sans réponses et aucun moyen d’en savoir plus. Être dans l’inconnu me rend dingue, j’ai une sensation d’impuissance face à la situation et je déteste ça. Je contiens mon énervement mais c’est plus fort que moi, mes muscles se contractent à la simple éventualité qu’il lui fasse à nouveau du mal. Comme si elle percevait mon trouble, ses mains frôlent les pans de ma chemise en remontant sur le haut de mon torse et encerclent ma nuque avec une telle douceur que ma peau se couvre de frissons. Cali éveille en moi tant d’émotions que je ne sais plus quoi penser. Elle parait si forte à l’extérieur et pourtant, intérieurement, elle est détruite. Il y a peu, j’étais dans le même état et sans mes proches je n’aurais pas réussi à faire face à l’insupportable. Ils m’ont donné leur force et j’ai puisé en eux pour me reconstruire. Je suis persuadé que si on est entouré des bonnes personnes et qu’on se donne la chance d’y parvenir on peut abattre des montagnes. J’y ai cru et j’ai envie d’y croire pour elle et avec elle, si elle accepte ma présence.

Je mets de côté la vision de ce corps inerte sous les draps blancs qui me hante et toutes les difficultés qui nous attendent dans les jours à venir. Je veux me concentrer sur Cali et profiter de ce calme en la gardant contre moi encore quelques secondes. Juste quelques secondes entre mes bras avant de lui annoncer les chamboulements qui sont arrivés. Quelques secondes durant lesquelles je peux frôler le bas de ses reins du bout des doigts, lentement, très lentement, jusqu’à percevoir son corps tressaillir sous mes caresses et son souffle apaisé effleurer mon cou… je n’ai pas besoin de plus, je m’en contenterai avant de retourner à la dure réalité.

—    Sandro… murmure-t-elle au creux de mon oreille. 

—    Hum…

—    Je ne sais pas si t’es au courant mais à un moment donné, il faut me lâcher …

Sa réflexion me fait sourire.

—    Hum ! Hum ! Je sais… rétorqué-je dans la foulée sans bouger d’un pouce. Tu es au courant que ça doit être réciproque. Pour que je puisse m’éloigner, tu dois me lâcher également, lui fais-je remarquer alors qu’elle n’a toujours pas desserré sa prise.

Je regrette les mots qui sortent de ma bouche quand elle se détache et recule en laissant un vide entre nous que je me retiens de combler. 

—    J’imagine que tu dois avoir faim.

Je détourne l’attention en évitant de la fixer afin qu’elle ne remarque pas le malaise qui m’envahit. Elle n’a pas le temps de répondre qu’un son guttural résonnent du fond de ses entrailles. Nos regards se croisent en un éclair. Je pince mes lèvres pour ne pas me bidonner alors qu’elle râle en posant sa main sur son abdomen lorsque de nouveaux gargouillis se font entendre. Les joues empourprées, elle reporte discrètement son attention sur moi et la gêne que je lis dans ses yeux est vite remplacée par un éclat de rire. Un rire franc, communicatif et contagieux qui illumine son visage et m’emporte avec elle, libérant par la même occasion la pression qui m’empoisonnait plus tôt. À bout de souffle, nous reprenons peu à peu notre calme. La connivence s’installe à travers nos regards plus appuyés et nos sourires qui se répondent.

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