Musique : Angel / Massive Attack
Cali
Assise près de Sandro, j’écoute Fred nous raconter son anecdote.
— C’était de la folie, debout sur le comptoir, Sandro ondulait son corps comme un vrai chippendale.
Tellement investi dans son récit, il se relève d’un bond pour se déhancher au milieu de la terrasse. Son corps est aussi raide qu’un manche à balai et je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas éclater de rire devant lui. Sandro croise mon regard en pinçant ses lèvres et la seconde qui suit nous partons dans un fou rire incontrôlable, rejoins rapidement par les clients situés à nos côtés. Devant l’hilarité ambiante, Fred stoppe son imitation, digne d’un pantin désarticulé et se rassoit, un peu désabusé.
—J’ai compris, je ne ferais jamais carrière dans le striptease.
Nos rires redoublent face à son auto critique et à sa mine dépitée.
— Non, je te le confirme, je réussis à prononcer tout en reprenant mon souffle.
— J’admets qu’avec mes prouesses on n’aurait pas amassé autant de fric pour le petit.
— Le petit ?
— C’était pour Tom, me répond Sandro, c’est un gamin du quartier, il avait besoin qu’on lui donne un coup de pouce. Tu verrais, il a une telle joie de vivre, tu craques obligatoirement devant sa frimousse. J’adore ce gosse…
— Pourquoi avait-il besoin d’argent ?
— Il voulait réaliser son rêve…, murmure-t-il en me fixant, ému.
À travers ses mots, je ressens toute l’affection qu’il porte à cet enfant. Cet homme ne cesse de me surprendre, grapillant le peu de carapace qu’il me reste, levant par la même occasion mes dernières craintes. Soudain, l’émotion me gagne, me serre la gorge, j’inspire profondément, ne laisse rien paraitre en prenant sur moi.
— Et cette soirée… c’était pour lui en quelque sorte ?
Je pose ma question, me force à garder le sourire et replace mes cheveux sur le côté. J’évite le regard de Sandro afin d’essuyer discrètement la larme qui menace de couler.
— C’est ça ! Il me répétait depuis tout petit qu’il rêvait de voir des baleines. Quand un bout de chou de six ans ne cesse de t’en parler avec des étoiles plein les yeux, t’as qu’une envie, c’est de l’aider à réaliser son souhait. Il nous fallait de l’argent rapidement avant que son état ne s’aggrave.
— Son état ? je demande, intriguée.
— Il est atteint de mucoviscidose, avoue-t-il douloureusement avant de reprendre. On s’est mis d’accord et avec les gars de la caserne, on a proposé à Fred une soirée pour récolter des fonds. J’avoue qu’on a fait un carton. Je ne pensais pas que ça fonctionnerait si bien à vrai dire.
Assister à un spectacle avec des pompiers hyper sexy et en plus, pour la bonne cause, je connais peu de femmes qui refuseraient.
— Cali, j’aurais aimé que tu le voies, m’interpelle Fred, enthousiaste. Il a mis le feu à la salle, les hurlements n’en finissaient pas, c’était l’hystérie générale. J’ai bien cru devenir sourd ce soir-là.
— N’abuse pas, elles n’étaient pas si déchainées et puis, je n’étais pas tout seul, on a tous joué le jeu, tente de minimiser Sandro.
Mal à l’aise d’être mis en avant par son ami, Sandro scrute discrètement ma réaction du coin de l’œil tandis que Fred surenchérit.
— Tu rigoles !? J’ai cru qu’elles allaient retourner le pub rien que pour mettre un billet dans ton boxer. Les biftons volaient à tout va, rien qu’avec un clin d’œil et un bisou sur la joue.
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ÉVIDENCE
RomanceComment poursuivre sa vie quand en une fraction de seconde, l'enfer s'abat sur vous ? Cette question tourne en boucle dans ma tête depuis quatre ans. "Cali, tu dois laisser le temps faire son œuvre"... voilà ce que me répète Joye constamment. J'a...