ÉVIDENCE

Chapitre 39 : Surprise !

Photo : Joye

Je me redresse d'un bond lorsque la porte d'entrée claque dans un fracas assourdissant. Fred me chope par le bras à la seconde où une blonde échevelée pénètre dans le salon.

Les traits fatigués, Joye fonce sur moi et m'écrase contre elle sans prêter la moindre attention à celui qui se dresse à mes côtés.

- Ma chérie ! J'ai eu tellement peur, j'ai failli devenir cinglée.

- Joye... lai...laisse-moi respirer...tu m'étouffes.

- Oups... pardon !

Elle se recule et m'ausculte attentivement sous le regard étonné de mon acolyte lorsqu'elle jure face aux hématomes qui parsèment mes bras.

- Tu sais qui t'a agressé ?

Son minois si espiègle habituellement ne reflète que de la crainte, j'ose à peine imaginer ce qui se passe dans sa tête.

- Il a fait en sorte que je ne puisse pas voir son visage. Quand on m'a évacué j'étais dans les vapes.

- Tu ne te rappelles d'aucun signe distinctif, un détail même infime ?

- Non rien du tout mais en retournant au pub un barman de Fred lui a dit qui c'était. C'est... le mec qui bosse chez moi.

Joye devient blanche comme un linge, se décompose sous mes yeux.

- Attends ! Tu parles de celui qui s'occupe de la baignoire ? Cette putain de baignoire que t'as changé à cause de moi... Ne me dis pas que...

Je saisis ses mains, la stoppe dans son délire comprenant d'emblée où elle veut en venir. Au même moment, Fred s'éclipse discrètement et me lance un clin d'œil avant de se rendre sur la terrasse.

- Tu n'aurais jamais eu à faire à lui si je ne te l'avais pas imposé de...

Elle secoue la tête comme si elle refusait d'admettre la vérité et continue de se blâmer.

- Arrête tout de suite ! Tu n'es pas responsable et tu peux encore moins me protéger de tout. C'est impossible, tu m'entends ?

- Je sais, mais...

- Il n'y a pas de mais ! Le mec a un grain, point barre !

- Si j'étais restée près de toi rien ne serait arrivé...

Les yeux brillants, elle tente de se détourner mais je la retiens et lui avoue tout ce que j'ai sur le cœur.

- Tais-toi et écoute pour une fois. Toutes ces années, tu m'as tenue à bout de bras sans jamais te plaindre alors que je t'empêchais égoïstement de vivre ta vie. Je m'accrochais à toi comme à une bouée de sauvetage sans voir que toi aussi tu souffrais.

Les images défilent dans ma tête et je me rends compte qu'un univers entier a été bouleversé depuis qu'elle m'a quitté. Je ne suis plus la même, il faut qu'elle l'entende.

-Ton départ m'a... anéanti... Les premières minutes j'ai cru devenir folle, je ne savais plus où j'en étais et puis soudain... tout est devenu clair. Je ne peux pas t'expliquer pourquoi, ni comment c'est arrivé mais à ta manière, tu m'as obligé à faire face à mes démons. À cet instant précis, j'ai su qu'il était temps de tourner la page et de laisser éclater tout ce que je retenais.

Une larme coule sur ma joue, puis une deuxième que j'intercepte du bout des doigts. Dans ses yeux, je lis son incompréhension lorsque mes lèvres se parent d'un sourire libérateur.

- Je ne me suis jamais sentie aussi libre ma chérie et c'est grâce toi.

Bouleversées, nous tombons dans les bras l'une de l'autre. Je retrouve son parfum fleuri, et c'est tout le manque muselé depuis son départ qui remonte d'un coup et se déverse en sanglots. Elle m'a tant manqué...