Chapitre 8

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Joris entra dans son bureau en soupirant et n'eut pas le temps de s'asseoir derrière son grand bureau luxueux qu'on toqua à la porte. Brian entra sur la pointe des pieds, comme s'il avait senti que son ami et collaborateur était en colère. Et il savait pour y avoir déjà assisté que ses colères étaient plus que terrifiantes.

-J'ai récupéré des informations sur la jeune femme comme tu m'avais demandé.

Il se retourna, concerné, et l'enjoignit silencieusement de parler.

-Ce sont ses parents Illéa et Max Jenson qui l'ont mariée à Yahn Foux. Elle ne l'a jamais voulu mais n'avait pas les moyens de refuser. Max Jenson était un chef d'entreprise renommé avant de faire faillite et sa femme passait son temps à côtoyer le gratin de la société. 

Oui, Joris se souvenait d'eux. Il les avait aperçu lors de soirées. Deux personnes aussi superficielles qu'ennuyeuses. 

-Marie avait alors dix-huit ans et demi et commençait des études d'institutrice, reprit-il. Ses parents n'étaient même pas au courant, elle réunissait l'argent en faisant des petits boulots à côté, expliqua-t-il en lisant son dossier.

-Quel genre de petits boulots ? questionna-t-il.

-Elle faisait des cours de soutien à des enfants en difficulté dans la soirée, travaillait dans des bars la nuit et distribuait des journaux le matin avant d'aller en cours. 

-Ensuite ? 

-Ses parents l'ont forcée à se marier avec Yahn.

-Et après ? 

-En fait, je n'ai rien trouvé d'autre. Ni sur son enfance, ni sur l'année durant laquelle elle était en couple avec Yahn, dit-il en baissant les yeux au sol.

Joris fronça les sourcils, contrarié.

-Comment cela se fait-il ? gronda-t-il.

-Après son mariage, ses parents ont disparu. Impossible pour moi de les retrouver. J'ignore comment ils ont fait pour devenir des fantômes aux yeux de la société.Ils se sont volatilisés, comme toutes les informations qui auraient pu être utiles pour reconstruire l'enfance de Marie Jenson. Certains disent qu'après avoir été ruinés, ils sont morts assassinés. Je n'en suis pas persuadé, dit-il. Pareil durant son mariage : aucune apparition en société alors que son mari passait son temps au casino.

-Bien, merci Brian. Tu peux y aller.

Alors que l'homme s'apprêtait à quitter le bureau, il se retourna brusquement.

-Je peux te poser une question ? Plus en tant que collaborateur mais en tant qu'ami.

-Vas-y...

-Il me semble que cette fille t'intéresse beaucoup. D'une part, elle est la seule capable de te faire sourire. D'autre part, je t'ai vu te montrer extrêmement froid avec elle. Ça ne te ressemble pas d'être aussi concilient avec un de tes endettés. Quelle est la raison de ton comportement ?

-Ça ne te regarde pas, Brian, asséna-t-il sèchement.

Après un dernier regard d'incompréhension, celui-ci regagna la porte. 

Oh oui, Joris connaissait la réponse à son comportement. Et elle l'effrayait énormément...

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Marie se laissa entraîner par la vieille dame qui lui faisait visiter la maison. Les pièces étaient gigantesques. Elle était même sûre que les toilettes faisaient la taille du salon. Tout était moderne, sophistiqué, et sans que ce soit de mauvais goût. Mais elle n'oubliait pas la façon trop sèche à son goût dont il s'était adressé à elle. La jeune femme était plus que consciente de son traitement de faveur. Mais comme il l'avait si bien dit, il lui volait un an de sa vie ! La vie nouvelle qui commençait à peine ! Il rajoutait du malheur là où il y en a plus qu'il n'en faut. Un malheur dont elle tentait de se persuader chaque jour qu'il n'était pas de sa faute. 

Un étage. Deux étages. Trois étages. La maison n'en finissait plus, tel un labyrinthe. Une prison dorée plutôt. Enfin, Paula s'arrêta devant une porte et l'invita à entrer d'un sourire. Marie aurait sans doute poussé un cri d'exclamation si elle avait encore sa voix. La pièce était terriblement spacieuse avec un lit gigantesque au centre. Tout était luxueux mais également tellement sombre. Le couvre-lit était noir ainsi que l'oreiller et la tête de lit. Le fauteuil était gris, la commode, le carrelage, les rideaux. Aucune couleur vive ni touche personnelle. En y pensant, il n'y avait de touches personnelles nul part dans la maison. Sobre, luxueux, froid. Paula semblait partager son avis.

-Eh oui, je sais. Monsieur n'aime pas beaucoup tout ce qui pourrait évoquer quelque chose de plus ou moins gai. Imaginez ma surprise lorsque je l'ai vu rire avec lui ! Il est toujours poli mais ne sourie pas, ne s'étend pas avec des paroles inutiles, expliqua-t-elle en sortant les habits de Marie de son minuscule sac pour les ranger dans la commode. En attendant, c'est ta chambre ! asséna-t-elle avec un grand sourire. 

"Vous le connaissez depuis longtemps."

Elle éclata de rire.

-Oh oui ! Je l'ai pratiquement vu grandir. Et vous, ça n'a pas dû être facile de continuer à vivre sans votre voix...

"Je vais bien. Je suis forte."

-En êtes-vous sûre ? Je vois plutôt une jeune fille magnifique qui lutte désespérément pour s'en sortir... murmura-t-elle, les yeux remplis d'empathie.

Marie sentait ses yeux se remplir de larmes. La vieille femme, ressentant le malaise de sa petite protégée, décida de la laisser y réfléchir seule. Bien que ce soit vrai et que ça concerne un grand nombre de personnes, entendre qu'on est dans une période de faiblesse est très dur.

-Reposez-vous, je viendrai vous chercher pour le dîner avec Monsieur.

Marie se laissa tomber sur le grand lit, perdue dans ses pensées et prise parfois de sanglots. Puis prise par l'ennui et le refus de se laisser abattre, elle attrapa la seconde chose qui la suivait partout et se mit à balayer les pages du livre.

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-Comment ça elle ne veut pas manger !? cria Joris.

-Elle dit qu'elle n'a pas faim, dit Paula, intimidée.

Joris marchait de long en large devant la grande table pleine de mets.

-Vous avez insisté ? Elle se sent mal ?

-Elle était un peu fatiguée mais elle s'est reposée plusieurs heures. 

Joris ne comprenait pas cette jeune femme. Il lui semblait avoir agi plus ou moins avec gentillesse avec elle. Il monta les escaliers. Une part de lui était furieuse contre l'affront qu'elle lui faisait, l'autre part se faisait du souci. Elle était tellement chétive ! Chez elle, c'était son grand-père qui devait prendre soin d'elle, de sa santé. Sinon, elle travaillerait à en mourir. Ici, personne n'était là pour la forcer à prendre soin de sa santé. Alors il allait s'en charger lui-même. 

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