Une petite main attrapa la sienne et la pressa comme pour acquiescer silencieusement.
Néo s'était enfin réveillé, il avait tout vu et tout entendu. Marie l'enserra dans ses bras, l'air de vouloir dire : "je suis tellement désolée de t'avoir rappelé ce souvenir..." Et comme s'il acceptait ses excuses, il dévoilait une parcelle de tout le chagrin qu'il renfermait en lui en pleurant silencieusement contre son épaule.
Joris restait là à assister à la scène bouche bée. La capacité de la jeune femme à décripter les pensées du petit garçon l'avait impressionnée. On aurait dit qu'il lui faisait instinctivement confiance et qu'un rapport invisible les liait. Le silence. La douleur peut-être. Impossible à dire précisément.
La jeune femme ne pouvait plus relâcher Néo. Elle le veilla toute la nuit, Joris à ses côtés. Par chance, la fièvre n'était pas bien forte et, dès le lendemain matin, il avait pu être ramené au centre d'éducation sans plus de problèmes. La tempête s'était calmée.
Marie le vit partir avec un pincement au cœur. Elle le voyait comme son petit frère, peut-être même comme son enfant.
La main ferme de Joris sur son épaule la fit sursauter.
-Tu tombes de fatigue, va te reposer un peu, mon cœur.
La jeune femme rougit à ce surnom. Comment penser à dormir alors qu'il ne cessait de chuchoter à son oreille, provoquant un incendie dans son ventre.
"Merci..."
-Mais de quoi ? Je te rappelle que c'est toi qui a tout géré. C'est toi qui a sauvé Néo, qui l'a retrouvé, qui a su le comprendre. En comparaison, je n'ai servi à rien si ce n'est à prévenir la police, argumenta-t-il.
Elle souffla, refusant d'y croire. Joris était comme un père pour tous les enfants du centre et il osait dire qu'il n'avait rien fait ? Il déposa un baiser sur son front puis la souleva en l'attrapant suis le dos et les genoux. Elle hoqueta de surprise.
"Qu'est-ce qui te prend, tu es fou !"
-Tu es toute pâle et je suis sûre que tu n'as rien mangé depuis que je t'ai forcé hier matin.
D'un coup de hanches, elle se débarrassa de ses bras solide sous son regard réprobateur.
"Je peux encore marcher toute seule !" répliqua-t-elle avec un sourire provocateur avant de glisser sa main dans la sienne.
Il la suivit, un sourire joyeux aux lèvres. Chaque jour, elle lui démontrait qu'elle pouvait se montrer plus forte que le jour précédent.
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L'homme avait pris sa journée pour rester auprès de Marie. Il savait qu'elle ne se reposerait pas s'il ne l'y forçait pas. Bon, c'était aussi parce qu'il adorait observer son délicat visage endormi. Aucune trace d'inquiétude ne transparaissait et c'est cette expression-là qu'il voudrait voir à tout instant de la journée. Parfois, alors qu'une mèche blonde tombait sur ses yeux, il l'écartait de ses doigts et avait l'impression de toucher du coton et non plus des cheveux. Toutes les émotions de la nuit passée l'avait fatiguée.
À regret, il sortit de la chambre. Quelques dossiers à boucler et il voulait avoir fini à son réveil.
-Monsieur ! l'interpella Paula. Quelqu'un a déposé un colis pour Mademoiselle Marie. Je vous le dépose près de l'escalier.
Intrigué, Joris la remercia avant de se diriger promptement vers le fameux colis de carton. Pour Marie ? Mais, aussi triste que soit la vérité, à part son grand-père, elle n'avait personne. Et elle ne lui avait parlé d'aucun ami. Il chercha sur l'emballage une étiquette qui l'aiderait à se renseigner sur l'envoyeur. Rien.
Après tout, cela ne le regardait pas.
Il saisit le paquet pour le porter dans la chambre où Marie dormait comme un bébé. Mais bien sûr, le papier humide craqua par dessous et Joris retint un juron d'agacement.
Un bouquet était tombé au sol. Un magnifique bouquet de roses aussi rouges que le sang. Qui pouvait bien envoyer ça à l'intention de Marie ? Interloqué, il le ramassa et remarqua une petite carte.
"A ma douce Marie... Avec tout mon amour."
Pas de signature et un mot dans équivoque. Joris, pris d'un accès de colère, jeta les fleurs contre le mur. L'idée qu'elle le trompe s'était insinuée si rapidement dans son esprit que cela lui faisait peur. Quelqu'un faisait des avances à Marie et cela ne lui plaisait absolument. Son poing se crispa sur le papier, le froissant au passage.
Et si elle l'avait trompée pendant qu'il passait son temps au travail ? Sous son nez ?
De toutes les femmes qu'il avait pu fréquentées, pas une n'avait échappé à la règle. Son argent, il n'y avait que ça qui comptait pour elles. Et il finissait toujours par les retrouver dans le lit d'un autre homme qui avait plus de temps à consacrer. Moins d'amour froid.
Imaginer la jeune Marie dans les bras d'un autre lui tordait les boyaux. Il revoyait son visage innocent. La possibilité qu'elle le trompe semblait si peu probable mais quelle autre raison pouvait pousser un homme à envoyer un bouquet de roses rouges, couleur de la passion ? Le message était dans équivoque.
Entendant un grand fracas à quelques mètres d'elle, Marie s'éveilla en sursaut. Elle eut à peine le temps d'ouvrir la porte qu'elle aperçut Joris s'enfuir dans l'escalier. Perdue devant son attitude et encore ensommeillée, elle saisit la carte froissée qui reposait au sol. Son sang ne fit qu'un tour. "Qui avait pu écrire une chose pareille" pensa-t-elle rageusement. Jamais elle n'avait vu un autre homme ! Jamais ! Car c'est sûrement ce qu'il avait imaginé en découvrant ce carton dont elle ignorait totalement l'origine. Les larmes aux yeux, elle se précipita à sa suite mais ne pouvant crier, il ne s'en rendit même pas compte.
Le vrombissement de la voiture retentit dans la cours et un gros nuage de poussière empêcha Marie de s'approcher davantage.
Il était parti. Sans même chercher à discuter avec elle alors qu'elle ignorait autant que lui ce qui avait bien pu se passer.
Et une petite voix résonnait dans sa tête : "voilà, tu as tout gâché..."

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Attraction
RomanceSon carnet et un crayon, voilà les deux objets que Marie a toujours en sa possession. Avec son grand-père Carl, elle vit au fond d'une forêt perdue, en Bretagne. Timide, elle fuit les habitants du village voisin. Et pour cause : son mutisme forme un...