Chapitre 26

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Marie lissait nerveusement sa robe bleu ciel devant le miroir. Après la sortie en mer, l'homme l'avait ramenée dans un hôtel qu'il possédait, non loin de l'hôpital où son grand-père était placé. Une robe somptueuse l'attendait sur le lit, comme s'il avait tout prévu depuis le début. À son grand soulagement, le vêtement ne dévoilait pas trop de sa peau, surtout les cicatrices de son dos.

Joris s'était cloîtré dans son bureau pour achever quelques dossiers avant la soirée chez sa sœur. Parfois, la jeune femme l'enviait d'être aussi occupé. Comme elle regrettait le temps où elle faisait ses études d'institutrice... Au moins, elle agissait pour ses rêves, pour son avenir. C'était avant son mariage avec Yahn. Aujourd'hui, même si elle se sentait bien en compagnie de Joris, elle ne pouvait se défaire du sentiment d'être entretenue par lui et donc inutile.

Elle aperçut dans le miroir la porte de la chambre s'ouvrir.

Joris s'interrompit à quelques pas d'elle, l'admirant de tout son saoul. Ses cheveux blonds avaient été relevés en un chignon et seules quelques mèches à l'anglaise retombaient joliment sur son épaule. Son visage, sans maquillage, n'en avait aucunement besoin : ses lèvres étaient naturellement pourpres et ses cils épais.

-Tu es somptueuse...

Le jeune femme, gênée, secoua la tête négativement. Elle était tout sauf belle.

-Quoi, tu ne me crois pas ? demanda-t-il en haussant un sourcil. T'ai-je déjà menti ?

"Non."

-Alors cesse d'avoir si peu confiance en toi, lui murmura-t-il à l'oreille.

Elle esquissa un petit sourire crispé, peinant toujours à comprendre ce qu'il pouvait trouver de beau chez elle.

-Si tu es prête, mon chauffeur nous attend.

Il la prit par la main et l'entraîna au-dehors pour la faire monter dans une voiture luxueuse. Elle préférait ne même plus lui demander si elle lui appartenait ou s'il l'avait simplement louée.

"Comment est ta sœur ?"

-Folle serait le meilleur mot pour la décrire, sourit-il les yeux dans le vague. Mais je ne pense pas qu'elle apprécierait cette description si elle m'entendait... Elle est très positive, très joyeuse. Elle est plus âgée que moi de trois ans. Son mari et elle ont deux enfants adorables : Juline et Tom. Je suis leur parrain. Charlotte est... je ne sais plus comment la décrire tellement est merveilleuse. Je ne l'ai jamais vu se départir de cette joie de vivre, sauf lors de la mort de nos parents.

Son regard s'assombrit et Marie posa sa petite main sur la sienne, espérant ainsi le réconforter légèrement. Il agrippa sa main comme un besoin soudain et resta à regarder le paysage durant tout le reste du trajet.

La voiture s'arrêta au bout d'une grande allée de gravier, face à une immense demeure. Entourée d'une intense végétation, elle s'intégrait parfaitement au paysage.

La porte d'entrée s'ouvrit et une jeune femme en sortit. Ses cheveux étaient bruns clairs et ses yeux bleus. Et Marie comprit immédiatement le sens des propos de Joris. Cette femme était lumineuse. Ses bouclettes retombaient joliment sur son dos, un grand sourire illuminait son visage. Un sourire qui lui sembla être éternel. Il émanait d'elle une grande empathie et une compréhension immense.

Joris sortit de la voiture pour la prendre dans ses bras. Charlotte semblait réellement minuscule contre cet homme qui faisait trente bons centimètres de plus qu'elle. Une fois les embrassades achevées, la femme vint à sa rencontre. Embarrassée, Marie se demandait déjà comment annoncer le plus facilement possible son aphasie. Comme réagirait-elle en s'en apercevant ? Il s'agissait tout de même de son frère ! Quel piteux avenir pour lui que d'être avec une muette...

Mais Marie n'eut pas le temps d'esquisser un geste que la jeune femme lui sauta dans les bras.

-Comment vas-tu ? Le voyage a dû être long, tu n'es pas trop fatiguée ? Je m'appelle Charlotte et toi ? C'est la première fois que je vois mon frère accompagné d'une femme, j'ai hâte de faire plus ample connaissance. D'où viens-tu ? Quel âge as-tu ? Tes cheveux blonds sont magnifiques !

Une main la tira en arrière.

-Doucement, tu l'effraies avec toutes tes questions, petite pipelette. Elle est timide et ne parle pas, la modéra Joris, au grand soulagement de Marie.

Charlotte jeta un regard sur elle puis se retourna vers son frère.

-Elle ne parle pas... Tu veux dire qu'elle est...?

L'homme hocha simplement la tête, cela suffit pour qu'elle comprenne. Et une fois encore, elle lui sauta dans les bras en répétant au creux de son oreille "je suis désolée, tellement désolée..." Des larmes brillaient dans ses yeux. Sur n'importe qui d'autre, Marie aurait pensé à des larmes de crocodile mais, cette fois-ci, une sincérité hors du commun émanait d'elle. Le regard attendri et à la fois attristé de Joris finit de la convaincre.

Marie eut toutes les preuves du monde à retenir également ses larmes. Elle avait l'impression d'être dans les bras de la mère qu'elle n'avait jamais eu.

Elle sécha enfin ses larmes et les entraîna à l'intérieur de la maison, relâchant Marie. En vraie pipelette qu'elle était, elle ne cessait de bavarder avec Joris à propos de son travail, de sa vie. À l'intérieur, une dizaine d'invités vaquaient, discutaient entre eux. L'homme, remarquant son mal-aise, poussa une main au creux de ses homoplates, provoquant une bouffée de chaleur chez la jeune femme.

-N'aie pas peur, tout ceux qui sont là ne sont pas comme tes parents ou Yahn...

Elle hocha la tête, entendre sa voix suffisant à la rassurer. Il la tira par la main à travers la salle mais, au lieu de se diriger vers les invités, il la conduisit à un escalier de marbre. La fête ne se déroulait pourtant pas à l'étage supérieur... Charlotte ne tarda pas à les rejoindre après avoir salué quelques personnes.

-Allez, monte ! insista-t-elle avec un grand sourire.

Marie grimpa, la curiosité l'emportant. À l'étage, on entendit des bruits de pieds nus courants sur le parquet.

-Tonton ! cria une petite fille en se précipita dans les bras de Joris qui la regardait attendri.

Un autre petit garçon de cinq ans en pyjama accourut, réclamant d'être lui aussi embrassé par Joris. Marie en conclut qu'il s'agissait de Tom et de Juline, les enfants de Charlotte. Celle-ci le lui confirma lorsqu'elle claqua la langue, mécontente.

-Ju', Tom ! Vous devriez déjà être au lit, il est plus de vingt-et-une heures ! Chéri, tu devais les surveiller ! se tourna-t-elle vers un homme.

Si la voix de la personne qui arrivait par derrière ne la choqua pas au premier abord, le visage du mari de Charlotte arracha un hoquet de surprise à la jeune femme.


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