-Eh bien je vois que tu t'en sors parfaitement bien sans mon aide... Je ne te savais pas aussi audacieuse et impertinante.
Cette voix, chaude, dure... Elle l'avait quittée il y a à peine quelques jours et elle se rendait compte à quel point il lui avait manqué. Sous son regard perçant, elle rougit et baissa le regard. Contrairement à d'ordinaire où il était vêtu de façon stricte, l'homme portait aujourd'hui un simple jean et une chemise noire moulante, faisant ressortir ses muscles. L'image de son corps nu de l'autre nuit lui revint en mémoire et la honte l'envahit. Il était tellement beau mais le méritait-elle seulement ? Il était venu depuis la Grèce juste pour elle et seulement elle. En s'approchant, il la fixait toujours de son petit air moqueur, dû à son altercation avec le médecin.
"Je ne suis pas comme ça, d'habitude." écrivit-elle en avalant difficilement sa salive.
Joris rit doucement en se rappelant de toutes les chamailleries qu'ils avaient eu. Et d'après l'expression de la jeune femme, elle se remémorait les mêmes anecdotes.
-Tu es ainsi. Et c'est comme ça que je t'apprécie : avec ton fichu caractère.
Elle croisa les bras, faisant mine d'être vexée. Mais un léger sourire se dressait aux commissures de ses lèvres. D'un commun accord, il la prit délicatement dans ses bras. Ces derniers jours avaient été terribles pour Joris. Son naturel parfum sucré, son petit sourire timide mais audacieux dont la rareté le rendait si beau, son visage encadré de cheveux blond... Tout cela lui avait tellement manqué. Et parallèlement, l'inquiétude le minait. Avait-il bien fait de la laisser partir seule ? Il la savait fragile et dans ce genre de situation, il y avait beaucoup de chances pour qu'elle oublie toutes les habitudes pour prendre soin de sa santé qu'il s'était efforcé chaque jour de lui faire acquérir. Il avait eu peur qu'elle fasse une bêtise et qu'il ne la revoie jamais. Et enfin il pouvait la serrer dans ses bras.
A son expression, elle était manifestement soulagée de savoir que son grand-père était hors de danger. Mais son visage était tellement pâle, comme si elle n'avait pas dormi depuis des heures ni mangé. Il s'efforça de ne pas faire de commentaire directement mais il sentait ses épaules amaigries.
Prudemment, il la dirigea vers le banc le plus proche et l'incita à s'asseoir pour se reposer un instant. Pourquoi l'avait-il laissé partir ? Mais il n'avait même plus le courage de lui faire la morale, surtout qu'elle connaissait à présent parfaitement son sermon.
Comme si elle avait compris l'objet de ses traits tendus, Marie lui offrit un petit sourire plein de culpabilité. Maintenant qu'elle se trouvait face à l'inquiétude de Joris, la jeune femme regrettait de ne pas avoir pris soin de sa santé. Car aujourd'hui, quelqu'un s'en souciait réellement.
Joris observait attentivement les couloirs d'hôpital. Les murs qui devaient être à la base blancs étaient devenus gris de crasse et des tâches d'humidité couvraient le plafond. Des fissures parcouraient le carrelage. "Mais qu'est-ce que c'est que cet établissement ?" pensa-t-il en fronçant les sourcils. Cela ne semblait pas gêner Marie le moins du monde, peut-être parce qu'elle en avait l'habitude. Mais à la vue de l'état critique des lieux, il se demandait tout de même si le personnel soignant était vraiment qualifié. Un établissement qui n'a pas les finances nécessaires pour rénover les bâtiments ne doit pas en avoir non plus pour payer des employés mieux qualifiés. Il n'en dit rien à Marie dans l'immédiat, de peur de l'angoisser davantage pour son grand-père.
-Connais-tu bien cet hôpital ? Il me semble que c'est le seul à des kilomètres à la ronde.
Elle leva un regard intrigué puis le rabaissa aussitôt, comme perdue dans ses songes.
"C'est celui dans lequel j'ai été hospitalisé après mon accident de voiture avec Yahn."
-Oh, je suis désolé. Ce doit être un bien mauvais souvenir...
"Non, ça va. Yahn n'avait enfin plus d'emprise sur moi lorsque j'y étais."
Forcément, son mari venait de mourir, la laissant avec un grave traumatisme psychique et un terrible handicap. Il hocha la tête, le cœur serré, s'en voulant terriblement de lui avoir rappelé ces souvenirs douloureux. En la voyant dodeliner de la tête sous la fatigue et le manque d'alimentation, il se reprit en lui proposant d'aller manger quelque part. Après tout, si elle était dans ce couloir, c'est que Carl ne devait pas être en état de recevoir. Elle haussa un sourcil devant son ton sans appel.
"Il est trop tôt pour dîner."
-Tu as dû perdre trois kilos depuis que je t'ai laissé partir, l'accusa-t-il. Nous avions pourtant un accord. Donc non, je ne te laisse pas le choix.
Elle l'observa, hésitant entre s'excuser et se fâcher devant cet autoritarisme. Mais elle ne put que craquer devant ses yeux si noirs et esquissa un petit sourire qu'elle voulait provocateur.
"D'accord, chef."
Puis, prise d'une envie soudaine qu'elle ne parvint pas à maîtriser, elle l'enserra à nouveaudans ses bras. Surpris, il mit quelques secondes à le lui rendre. Mais leur étreinte était très différente de la précédente, moins bestiale. Celle-ci était au contraire terriblement sensuelle. S'ils n'avaient pas été au milieu d'un couloir d'hôpital, peut-être se seraient-ils même laissés allé immédiatement au plaisir de la chaire... Ils se retrouvaient, eux, leur caractère, leurs qualités, leurs défauts et leurs douleurs les plus intimes. Et leur corps s'attiraient comme des aimants, poussés par une attraction inconnue.
La jeune femme saisit son carnet, tremblante d'émotions et les larmes aux yeux.
"Tu m'as manquée."
-Et toi à un tel point que je n'ai pas pu m'empêcher de te rejoindre.
Son sourire la fit fondre. Brusquement, son cœur s'accéléra, bien plus rapide même que lorsque Yahn la battait. Et cela parce qu'elle venait de comprendre quelque chose. Elle l'aimait. Elle aimait cet homme qui la fascinait, qui avait su prendre soin d'elle et creuser dans son passé. Cet homme qui l'avait sauvée du suicide qu'elle n'aurait pas tardé à commettre.
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Attraction
RomanceSon carnet et un crayon, voilà les deux objets que Marie a toujours en sa possession. Avec son grand-père Carl, elle vit au fond d'une forêt perdue, en Bretagne. Timide, elle fuit les habitants du village voisin. Et pour cause : son mutisme forme un...