Marie avait tout d'abord eu un léger mouvement de recul puis avait fermé les yeux, elle aussi emportée par le baiser. Le sang lui montait à la tête et son corps lui semblait soudain brûlant. Un désir si ardent qu'il la consumait sur place. Timidement, ne sachant trop comment agir, elle leva la main derrière sa nuque, effleurant ses cheveux noirs.
Quant à lui, visiblement aussi bouleversé et emprunt de désir qu'elle, explorait ses hanches, son ventre. Combien de fois avait-il rêvé le moment où il oserait enfin faire ce geste ?Ses tressautements ne faisaient qu'accentuer l'emprise qu'elle avait sur lui. Il savourait le doux goût sucré de ses lèvres qu'il avait à de maintes fois imaginé. Il aurait voulu la posséder toute entière, à l'instant même, sur ce banc de velours. Mais il savait également que s'il le faisait, elle ne ferait plus d'efforts pour se nourrir ni pour faire attention à sa santé car elle penserait que c'était ainsi qu'elle lui plaisait. Or, ce n'était pas le cas. Il voulait qu'elle guérisse de son passé et seulement à ce moment il pourrait laisser ses pulsions prendre le dessus.
Il se recula, la fixait tendrement. Dans les yeux de la jeune femme brillait de l'incompréhension. Pourquoi avait-il coupé leur baiser ? L'avait-il fait pour s'amuser, pour la torturer ? Blessée, elle détourna le regard vers le sol, ce que Joris s'empressa de remédier.
-Ce n'est pas possible, pas pour le moment. Pas avant que tu n'ailles pas mieux.
La douleur émanait de tout son corps à ces mots. Elle ne comprenait pas, se sentait abandonnée par le seul homme qui semblait vouloir la comprendre. Il l'attira contre son torse, caressa ses cheveux.
-Crois-moi, j'en ai autant envie que toi. C'est comme si une force invisible me poussait vers toi. Mais je ne te toucherai pas avant que tu ais repris du poids et que tu m'ais prouvé que tu souhaites vivre. Regarde-toi, tu es une fois de plus au bord de l'évanouissement. Tu ne peux pas continuer comme ça.
Une larme s'échappa du coin de son œil et elle l'essuya, amère. Il venait de lui dire clairement qu'elle devait changer de mode de vie et arrêter de se torturer psychologiquement si elle désirait qu'il la prenne. Il déposa un baiser sur sa tempe.
-J'ai promis à ton grand-père que je t'aiderais donc je ne faillirai pas, avec ou sans ton consentement, dit-il d'un ton dur et sans appel.
Il sortit de sa poche les comprimés de vitamines ainsi que quelques fruits. A croire qu'il avait tout anticipé et parfaitement vu qu'elle n'avait pas mangé depuis des heures. Honteuse d'être ainsi mise à nu, elle ne protesta pas et avala les quartiers de clémentine qu'il lui mettait dans la bouche. Enfin, il se leva et l'entraîna à travers l'établissement : apparemment, l'heure du retour était venu.
Rapidement, ils embrassèrent les enfants, tristes de les voir partir. Noé n'avait pas reparu, au grand damne de Marie. Cet enfant l'intriguait, renfermait de terribles émotions qu'elle avait déjà éprouvées.
Mais Joris ne lui laissa pas plus de temps de réflexion et l'entraîna vers la sortie en récupérant son carnet.
"Pourquoi part-on si vite ?"
-Je t'emmène quelque part. Nous sommes d'ailleurs déjà en retard.
En retard pour quoi ? Ils ne rentraient pas ? Dix minutes plus tard, la voiture se garait devant un bâtiment qui, contrairement à ceux qu'elle avait pu voir depuis son arrivée, était vieux et miteux. Mais il avait également bien plus de charme, un charme authentique. Il la poussa devant elle, voyant son inquiétude. Plusieurs fois durant le trajet, la jeune femme l'avait questionné mais il n'avait daigné répondre.
Le hall était l'exact opposé de la façade extérieure. Luxueux, lumineux, neuf. Mais où étaient-ils ?
-Nous sommes à l'institut de musique Allward, répondit-il comme s'il avait lu dans ses pensées.
Marie l'observa avec des yeux ronds, peinant encore à comprendre ce que tout cela signifiait.
-Tu aimes la musique, n'est-ce pas ? Et j'imagine que le piano n'est pas le seul instrument que tu maîtrises. J'ai regardé ton précieux carnet où tu notes toutes les mélodies que tu créées. Tu es douée.
La jeune femme fronça les sourcils. C'était la deuxième fois qu'il fouillait dans ce qu'elle était sans sa permission. Seulement, elle commençait à comprendre que ce ne serait pas non plus la dernière fois. Joris est un homme qui, même s'il sait se remettre en question lorsqu'il le faut, demeure extrêmement têtu. Elle se pinça les lèvres, sachant que lui reprocher son envie d'en savoir plus sur elle serait injuste.
Joris toqua à une porte et entra sans attendre de réponse. Voyant qu'elle était restée en arrière, il la prit par la main.
-Bonjour, Elias, dit Joris en prenant dans ses bras un autre homme, légèrement plus âgé que lui.
Il se retourna, tout sourire.
-Marie, je te présente mon cousin Elias. Il est le directeur de cet institut et également un très bon ami. Je lui ai parlé de toi et de tes talents pour la musique. Il va te dispenser des cours.
Professionnel, celui-ci s'avança pour échanger une poignée de main avec la jeune femme.
-Ravi de faire votre connaissance, mon cousin m'a beaucoup parlé de vous. Si vous le voulez bien, nous allons commencer.
Il conduit Marie dans une pièce adjointe, dans laquelle se trouvaient toutes formes d'instruments. Joris resta en retraite, observant la scène les bras croisés. Le voilà prêt une nouvelle fois à analyser le moindre de ses gestes et paroles pour tenter de la comprendre. Parfois, il lui semblait qu'il arriverait un jour à tout savoir d'elle alors qu'elle ne parviendrait qu'à connaître une infime partie de ce qu'il est. Elias l'invita à le rejoindre au centre de la pièce.
-A combien d'instruments dans cette pièce as-tu déjà joué ?
"Presque tous."
-Et lesquels maîtrises-tu ?
"Piano, violon, violoncelle, harpe, guitare."
Elias eut des difficultés à masquer sa surprise. Si ses dires étaient vrais et que Joris n'avait pas menti, alors il se trouvait face à un véritable petit génie de la musique. Son cousin lui avait dit tout ce qu'il savait d'elle alors si, comme il l'avait prétendu, elle n'avait pas beaucoup d'argent pour se payer des cours de musique, comment avait-elle réussi à apprendre à jouer autant d'instruments ? Il lui demanda de jouer de l'instrument qu'elle préférait et elle choisit le violon. Sa surprise atteint son apogée lorsqu'il reconnut "L'Adagio d'Albinoni". Magnifique mélodie mais également très dure à maîtriser. Elle enchaîna les instruments qu'elle avait cité, remplissant la pièce de musiques plus belles les unes que les autres.
D'un signe discret, il fit signe à Joris de le rejoindre dans son bureau.

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Attraction
RomanceSon carnet et un crayon, voilà les deux objets que Marie a toujours en sa possession. Avec son grand-père Carl, elle vit au fond d'une forêt perdue, en Bretagne. Timide, elle fuit les habitants du village voisin. Et pour cause : son mutisme forme un...