Chapitre 33

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Joris ne réfléchissait plus vraiment. Son esprit disjonctait entre fureur et incompréhension. Marie l'avait-elle trompé ? Il devait impérativement prendre de la distance par rapport à ce qui venait de se passer. Pour ne pas prendre de mauvaise décision sous le coup de la colère. Il savait qu'à cet instant, il n'était plus dans son état normal.

Le long de la falaise, il roulait vite. Très vite. Et il arriva d'ailleurs bien plus qu'il ne le pensait à la ville. L'homme se gara et entra dans le premier bar qu'il trouva. Le genre de bar fréquenté par des ivrognes que ce soit à midi ou à minuit. En l'occurrence, il était plus proche de midi. Mais il avait besoin d'alcool pour digérer les évènements. Le barman le regardait étrangement. Sans doute à cause de son costume de milliardaire luxueux. C'est sûr que ça n'est pas un lieu qu'il fréquente habituellement.

Après six shots, ou peut-être sept (il n'était plus sûr), l'infime reste de raison qui n'avait pas été absorbé par l'alcool lui fit prendre conscience qu'il ne pouvait pas rester seul. Il décrocha son téléphone.

"Allo, Atlas ? Euh, pardon Elias ?" gloussa-t-il.

"Tu es saoul ?"

"Mince, grillé ! Ouaiiiis, je suis bourré ! Et pas qu'un peu !"

"Bouge pas, je géolocalise ton portable."

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Joris ne bougea même pas quand son cousin lui tapota l'épaule pour signaler sa présence. Son expression était inquiète.

-Je peux savoir ce qui t'est passé par la tête de boire autant ? Je ne t'ai pas vu ainsi depuis...

-Depuis que le chat Perlinpinpin est mooort ! Ouaiiiis je sais !

Elias éloigna le huitième shot posé sur le comptoir en bois.

-... Non, je pensais à ta rupture avec Adèle, finit-il.

-Bah quoi, elle avait un chat ! Perlinpinpin !

Elias, autant agacé qu'inquiet, fit le tour du comptoir pour attraper un seau d'eau posé au sol. Sans que l'homme avachi n'anticipe quoique ce soit, il le lui versa d'un coup. Enfin, une lueur de raison apparut dans ses yeux.

-Ça va mieux, maintenant ?

-... Oui.

Les deux hommes sortirent de l'établissement pour entrer dans la voiture luxueuse de Joris. Elias n'avait en effet pas vu son cousin perdre autant son sang-froid depuis qu'Adèle l'avait quitté il y a cinq ans. On dit souvent que les histoires de couple sont complexes. Cette fois-ci, elle ne l'avait pas été. Ils s'aimaient, s'étaient mis en couple, puis elle avait rompu. Il ne la faisait plus "vibrer", disait-elle. Joris avait passé des jours dans les bars.

Il l'aimait car elle était différente. Différente car de toutes les femmes qu'il avait pu rencontrées, elle était la seule qui avait réellement pris leur relation au sérieux.

Alors que s'était-il passé pour qu'il se saoule à ce point-là ?

-Marie me trompe... lâcha soudain Joris d'une voix lasse.

Elias s'esclaffa avant de se rendre compte qu'il parlait sérieusement.

-Je n'y crois pas. Marie n'est pas ainsi et tu le sais aussi bien que moi.

-Elle a reçu un message assez suggestif accompagné d'un bouquet de roses. Si elle m'a réellement trompée, alors c'est fini, serra-t-il les poings de colère.

- "Réellement", tu as dit. Donc tu n'en est même pas sûr. Je suis sûr que tu es parti avant de chercher à éclaircir la situation.

-Le mot était sans équivoque ! N'importe quel homme réagirait ainsi dans ce genre de situation ! cria-t-il.

-Sauf que Marie n'est pas une femme ordinaire et la relation que tu vis avec elle ne l'est pas non plus. Tu l'as sauvée ! Peut être que si tu n'avais pas été là, elle serait tombée dans l'anorexie et encore au fin fond de la Bretagne !

Là, Elias marquait un point. Le lien qui les unissait était incontestablement unique. Et c'est pour cela qu'il avait réagi aussi brusquement à tort. Une vision s'afficha soudain dans son esprit. Celle de Marie, effondrée et dans l'incompréhension vis à vis de son comportement excessif. Il avait agi égoïstement, tout en étant conscient qu'elle restait fragile psychologiquement.

Elias, un léger sourire aux lèvres, retournait déjà à sa voiture.

Pourvu qu'il ne soit pas trop tard...

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Marie était recroquevillée contre le mur de sa chambre, perdue. Elle avait beau chercher, elle ne voyait absolument pas qui avait pu envoyer ces roses. Et l'incompréhension la minait... Joris était parti si vite !

Le beau rêve prenait sans doute fin. Même si elle était innocente, Joris ne s'encombrerait sûrement pas d'une femme dont il n'était pas sûr de la sincérité. L'attente de son retour était insupportable. Elle n'avait même pas su le retenir. Pathétique...

À chaque instant, elle l'imaginait surgir dans la chambre, empli d'une fureur légitime, pour lui annoncer qu'il ne désirait plus d'elle.

Elle effleura de ses doigts fins les cicatrices rosâtres sur son bras. Ces blessures infligées par Yahn et que Joris avait soignées avec une infinie douceur. Et une fois de plus, elle avait tout gâché... Même si elle n'avait aucune idée de la manière dont elle aurait pu empêcher cette catastrophe, c'était forcément de sa faute.

La mort dans l'âme, elle rassembla les quelques vêtements avec lesquels elle était arrivée en Grèce. "Autant prendre de l'avance" pensait-elle sans parvenir à empêcher ses larmes de couler.

Joris montait les escaliers quatre à quatre, terriblement inquiet quant aux conséquences de sa fuite. Il fouilla les pièces une à une sans trouver la délicate jeune femme. Enfin, il retrouva sa petite valise miteuse. Remplie. "Au moins, elle est toujours dans la villa", déduit-il. Mais où ? C'est une douce mélodie qui le mit sur la voie...

Il poussa la porte, de façon à juste l'entrevoir. Et la vision lui serra le cœur.

Elle pleurait tout en jouant du violon. Des notes longues et pénétrantes.

Elle pleurait de ne pouvoir crier sa frustration.

Elle pleurait de son silence.

Et le violon hurlait, narrait à toute vitesse son passé qui la hantait.

Il hurlait toute sa détresse.

Au milieu de la mélodie belle à en pleurer, des cris silencieux et pourtant déchirants.

Et il en était la cause...

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