Chapitre 35

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"Ce soir-là, Yahn avait décidé de se servir de moi autrement pour rapporter de l'argent. J'avais remarqué que son attitude envers moi avait changé les jours précédents. Il me regardait l'air pensif pendant que je travaillais. Ou plutôt, il me déshabillait du regard. J'ai surpris plusieurs conversations téléphoniques...

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Marie avait le dos détruit à force de se baisser pour récurer le sol. Mais c'était un ordre de Yahn et on ne discutait pas ses ordres. Elle avait les yeux vides, le corps lasse à cause du travail et de la quantité de coups qu'il lui assénait souvent sans raison.

Alors qu'il passait d'habitude ses journées dans les bars et les casinos, cela faisait plusieurs jours qu'il ne quittait plus l'appartement. Cela laissait encore moins de répit à la jeune femme. Il restait attablé au bar de la cuisine, un verre dans la main et un pétard entre les lèvres. Parfois, il se levait, faisait les cent pas, la réprimandait sur la saleté des meubles puis retournait s'asseoir. D'autre fois, il se munissait du regard pervers qu'elle haïssait tant et la reluquait sans gêne. Peut être est-ce de cette observation que lui est venue cette idée dévastatrice...

Un soir, l'entendant parler seul et s'inquiétant de son comportement étrange des derniers jours, Marie s'était glissée discrètement sur le pas de la porte. Il parlait au téléphone mais elle ignorait avec qui.

-Tu lui as bien dit que je pourrai rembourser après avoir fait ça ?

-...

-J'ignore combien ça va rapporter mais j'imagine un bon pactole, ricana-t-il avec une lueur salace dans les yeux.

-...

-Demain soir, ça sera la première fois. J'ai déjà pris contact avec quelques clients. Ça serait bien si on pouvait les fidéliser. Mais je pense que ça ne sera pas trop dur.

Sur le coup, elle n'avait pas compris et avait simplement regagné la chambre. Cela faisait longtemps qu'elle avait cessé de s'exhorter des mauvaises actions de son mari. Quand il l'avait rejointe au lit, elle n'avait pas non plus cherché à se défendre contre ses mains baladeuses. Sa fatigue était trop grande et il obtenait toujours ce qu'il voulait. Gémissant de douleur, elle s'était laissée pilonner de longues heures, jusqu'à ce qu'il se lasse de son corps voluptueux.

Le lendemain soir, il lui avait tendu une robe et ordonné de se changer immédiatement. Une robe trois fois trop courte et qui révélait bien trop de sa poitrine. Une robe dont la couleur était écarlate. Cela ne lui disait rien de bon mais une fois de plus, elle n'avait plus la force de se battre. Elle avait simplement encaissé l'humiliation.

Puis il l'avait traînée à la voiture. Il était ivre, elle craignait un accident. De plus, elle ignorait leur destination et cela la tordait d'angoisse. Quand elle avait osé lui demander d'une toute petite voix, il lui avait attrapé les cheveux violemment et ordonné de se taire. Alors, elle n'avait eu d'autre choix que de se recroqueviller contre la portière, tremblante. Mais un coup de téléphone l'avait poussée à se questionner réellement sur ce qu'elle était prête à supporter pour ne pas subir sa terrible colère.

-Ouais, on sera au bar d'ici dix minutes. J'espère que tu lui as ramené des clients en plus...

-...

-Oh oui, elle est belle ! Et prête à se faire pilonner pendant des heures par des riches en quête de sexe ! dit-il en lui jetant un regard.

Ces paroles furent comme un choc électrique pour Marie. Elle comprenait enfin vraiment ce que Yahn comptait faire d'elle et le dégoût qu'il l'envahissait n'avait jamais été aussi fort. La robe, son comportement étrange, ses coups de téléphone... Elle comprenait tout. Son mari n'était plus seulement son bourreau, il était ce soir son proxénète afin de rembourser ses dettes de jeu...

Maître était prise de nausée en imaginant ce qui se passerait en arrivant au fameux bar. Les mains baladeuses de Yahn étaient déjà insupportables alors celles d'inconnus, c'était inenvisageable. Elle préférait même mourir que de subir une pareille épreuve. Car si ce soir était un succès, financièrement parlant, pour Yahn, il n'aurait aucun scrupule à recommencer. Rien ne la rattachait au monde hormis l'espoir qu'un jour tout s'arrangerait. Mais Yahn venait d'étouffer la dernière lueur qu'elle protégeait courageusement depuis toujours.

Elles ne voulait pas mourir. Mais il n'y avait pas d'autre choix.

Elle n'allait même pas chercher à dialoguer avec Yahn. Rien ne le ferait changer d'avis. Alors, au détour d'un virage, elle poussa la portière délabrée qui, heureusement pour elle, ne fermait plus depuis longtemps. La jeune femme avait déjà rassemblé son courage pour se jeter de la voiture en pleine vitesse. Elle allait s'élancer sans hésitation... Mais une grosse main l'empoigna par les cheveux et la ramena sur le siège.

Son regard était noir, terrifiant. Une main sur le volant et l'autre sur sa gorge, il hurla :

-Tu pensais faire quoi, là ? Pauvre conne ! Attend que j'ai remboursé mes dettes pour te retirer ta misérable petite vie !

Marie pleurait en tirant vainement sur sa main. L'air de la portière encore ouverte fouettait son visage. Et malgré cela, l'oxygène dans ses poumons lui manquait.

-Tu... Tu me fais mal ! dit-elle d'une voix affaiblie et secouée de sanglots. Je ne serai jamais ta prostituée, jamais !

-Qu'est-ce que j'en ai à faire de ce que tu veux ! Tu veux que je te dise, on va y aller à ce bar, et tu as intérêt à être à la hauteur !

Dans un dernier effort, elle planta ses dents de toutes ses forces dans sa main, le faisant hurler de douleur. Mais une fois de plus, il la retint alors qu'elle allait sauter. Il commença à la frapper de sa main libre alors qu'elle tentait vainement d'atteindre la portière.

Et ce qui devait arriver arriva fatalement. La voiture sortit de la route goudronnée. Un objet s'était coincé sous l'accélérateur et l'auto fut lancée à pleine vitesse. Yahn tenta de reprendre le contrôle mais il était bien trop tard. Marie vit arriver l'arbre comme au ralenti. Et ce fut le choc.


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