#153 N'y pense plus

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C'est une cigarette au bout des lèvres que Sun Hee m'avait trouvé, assis sur le sol non loin du lit que nous partagions.

Là, sur le tapis de laine, j'avais simplement eu un moment d'égarement alors que je n'avais pu m'empêcher de penser aux résultats que ma mère ne devrait plus tarder à recevoir. J'avais beau essayer de convaincre ma petite amie, lui dire que tout irait bien et que la situation finirait par s'arranger, je savais que je n'y croyais pas vraiment moi même.

Alors pour la première fois depuis longtemps, mes yeux avaient louché sur ce paquet de cigarette. Posé sur le bord de ma table de chevet, je l'avais observé pendant un long moment, m'interrogeant sur l'utilité que j'aurai à en fumer une.

Mon corps semblait la réclamer. Mes poumons n'avaient pas l'air de se souvenir de cette saveur pourtant détestable. Et c'était bien le problème.

Je ne parvenais pas à me souvenir de cette odeur. Me dire que ce n'était en rien bénéfique sur le long terme. Je n'y parvenais pas. Alors j'y avais succombé, rien qu'une fois. Pour goûter à nouveau. Pour raviver ma mémoire et me convaincre que je faisais une erreur en refusant d'écouter ma conscience.

Puis dans la chambre, je l'avais fait. Lentement, j'avais marché jusqu'à ce paquet. Mes doigts s'étaient emparés d'une des nombreuses lattes de nicotine et sans avoir à chercher, j'avais sorti un briquet de ma poche, allumant cette tige nocive à son extrémité.

Aussi, j'avais fermé les yeux, pour tenter de savourer cette chose qui s'infiltrer doucement dans mes organes respiratoires. Ma tête légèrement relevée vers le plafond et les mains l'une dans l'autre, posées à même le sol, j'essayais.

Pourtant, je ne ressentais rien. Ni ce plaisir de lâcher prise, ni même celui de la cigarette. Ça ne me faisait pas de bien. Ça ne m'aidait pas à aller mieux, et ça ne me faisait pas oublier.

Et je n'avais même pas eu le temps de cacher l'objet de mes convoitises, que Sun Hee avait brusquement pénétré la pièce dans laquelle nous dormions, un air plus ou moins grave sur le visage. En silence, je l'observai passer devant moi, à suivre sa silhouette du regard.

A cet instant, j'imaginais que j'étais plus dans l'incompréhension, que submergé par cette crainte qu'elle ne découvre mon "péché". Et finalement, c'est face à la fenêtre que ses pas trouvèrent leur place, le visage inquiet et ses mains que je devinais moites.

- Tu vas vraiment continuer à ignorer mes protestations? Elle commença tout en croisant les bras.

- J'ai juste voulu-

- Peu importe ce que tu voulais. Tu viens de griller une promesse.

- J'ai rien promis du tout moi...

- Je pensais pourtant que tu avais arrêté. Son corps pivota, et ses yeux ne quittèrent plus les miens. Sérieusement... Qu'est ce que cette merde te fais, hm?

Elle avait raison. Je ne ressentais rien lorsque cette chose rencontrait mes lèvres. Plus de plaisir ou de soulagement. Même ce geste qu'exerçaient mes doigts en le portant à ma bouche -- que je trouvais vraiment stylé à une époque -- me paraissait désormais trop régulier.

- Je ne vais plus le faire... Mon bâton de nicotine s'écrasa dans le cendrier que j'avais pris soin de placer devant moi. Je voulais juste m'assurer d'une chose...

- Et tu as eu ta réponse? Son ton parvenait à mes oreilles, mais j'avais bel et bien l'impression de ressentir ce sentiment désagréable dans sa voix.

- Oui...

- Et je peux la connaître?

En fait, j'imaginais qu'elle cherchait simplement à se changer les idées.

Je suis làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant