1. Aurores

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"Park SunHee !"

A cinquante mètres devant moi, on avait crié mon nom dans une course enjouée, pleine d'entrain, effrénée. Le bruit des semelles râclant le sol de béton et la voix euphorique de mon amie m'avaient fait comprendre que la journée venait seulement de commencer.

HaNeul était trop énergique pour un matin de cours. Trop bruyante à sept heures et demi. Alors sous les coups de marteau dans ma tête, j'avais déclaré.

"Neula, elle avait enroulé son bras autour du mien et naturellement, je m'en étais détachée. Je crois pas être à l'autre bout de la ville."

Puis comme si mes mots lui étaient passés au-dessus de la tête, elle avait attrapé l'une de mes mains, le visage rayonnant de quelque chose que j'imaginais être une bonne nouvelle. J'avais compris avoir vu juste lorsqu'elle s'était exclamée, le corps -- trop -- près du mien.

"J'suis désolée, Hee!"

J'avais déjà compris la raison pour laquelle elle s'excusait. Mais j'avais fait semblant.

"De?"

Nous devions réviser ce soir, parce que les semaines à venir seraient consacrées à nos examens. D'une voix faussement désolée, elle m'avait expliqué que son copain l'avait invitée chez lui après les cours, qu'elle ne l'avait pas vu depuis un moment et qu'il lui manquait.

Alors j'avais répondu en m'efforçant de sourire.

"C'est pas si grave. En même temps, j'avais jeté un œil à l'heure sur mon téléphone et dans un mensonge qui m'arrangeait bien, j'avais poursuivi. J'ai un truc de prévu de toutes façons."

Je n'avais pas su dire si elle m'avait cru ou non. Sans doute son regard m'avait-il semblé suspicieux, un brin interrogateur, mais je n'avais rien ajouté de plus.

J'étais fatiguée.

La vérité, c'est qu'annuler notre séance de révisions ce soir m'arrangeait. Mon corps m'était douloureux. Et priver HaNeul de voir son petit-ami n'aurait pas été correct.

"T'es sûre ?"

Elle avait insisté, mais j'étais trop occupée à me battre contre la douleur dans ma tête et pour la convaincre, j'avais soufflé dans un mouvement de menton.

"Allez, file."

J'étais faible et j'avais sentie mon amie soucieuse de mon état. Mais avant même qu'elle ait le temps de porter une main à mon visage, j'avais embrassé une de ses joues puis lui avais tourné le dos.

Elle avait voulu m'enlacer, je le savais. HaNeul n'avait pas voulu me laisser seule mais comme souvent depuis des mois, elle ne savait pas comment faire face à mon comportement, à mes pensées que je ne lui partageais plus. En m'en allant, je lui avais quand même assuré que rien ne pressait, qu'on remettrait ça à plus tard.

Et une fois de plus, elle n'avait pas su me répondre.






***








Immobile devant les façades imposantes mais abîmées du bâtiment que je peinais à supporter, j'avais posé mon regard sur les fenêtres couvertes de vieux rideaux, les mains dans les poches de mon gilet. Ce lycée m'ennuyait, écrasait le peu de motivation que je parvenais encore -- mais avec du mal -- à trouver et dans ma tête dansaient ces idées désordonnées.

En avançant, une sangle de mon sac vulgairement pendue à mon épaules et mes lunettes sur le nez, je m'étais demandé ce que je faisais encore ici, après deux années à retenter. J'avais honnêtement l'impression d'y mettre les pieds plus souvent que chez moi.

Alors certainement pour me donner du courage et me concentrer un peu mieux sur les notes de musique que dégageaient mes écouteurs emmêlés, j'avais soupiré tout en balayant mes cheveux en arrière. Vert pastel était peu commun, mais je me plaisais à emmerder le monde d'une touche d'originalité.

En avançant, la main de la fatigue me tenant la jambe, je m'étais demandé si cette année serait pire que la précédente. Si à nouveau, j'allais avoir à faire à des personnes d'exceptions ou à des gamin(e)s dont la mentalité égalerait celle d'enfant de trois ans.

J'essayais de me motiver, oui.  

Mais lorsque même marcher devenait un supplice, je n'étais pas certain que le reste fonctionne.

Sur le tableau d'affichage, sous le préau et entouré par une foule trop bruyante, j'avais cherché mon nom en même temps que j'avais -- à nouveau -- remis ma vie en question. L'année passée avait été un cauchemar, les leçons trop souvent rabâchées et les profs décidés à jouer le rôle d'adultes empaillés.

Non je n'étais pas certain d'être à ma place ici.

Je n'avais pas de projets.

Pas de rêves.

Ni la certitude d'avoir un avenir.


Min Yoongi.


Découvrir ma classe n'avait jamais été un plaisir, même après des années. Et si je devais me fier à la liste que je balayais du regard, je n'avais pas besoin de chercher bien loin pour comprendre que cette classe ne serait qu'un enchainement de combos. Arriérés, invertébrés triplés de quelques péteux.


Classe B-3 .


Je détestais le chiffre trois. Là encore et malgré toute la positivité qui pouvait m'habiter (c'est-à-dire aucune), je m'étais fais la promesse que cette année ne serait pas différente des autres et que ce chiffre venait d'entièrement le confirmer.









***

Je suis làOù les histoires vivent. Découvrez maintenant