Comme tous les matins depuis trois ans, Calya avait l'habitude d'enfiler sa veste en jean et ses chaussures noires. Ainsi, elle était parée pour l'aventure. Sauf qu'elle était à dix mille lieux d'imaginer ce qui l'attendait...
En quittant sa demeure, elle saluait ses parents d'un faible sourire, prête à retrouver son amie de toujours. Hermine, la si jolie brune ! Fidèle à elle-même, elle était assise en tailleur sur un muret, juste à quelques pas de sa maison. Dans ses mains à la peau claire, elle tenait son habituel livre sur les contes pour enfants. Selon Calya, toutes sortes de sottises y étaient regroupées à l'intérieur.
— Oh ! Calya ! Je ne t'attendais plus !
Hermine se relevait précipitamment. Elle avait volontairement laissé détacher ses longues mèches brunes ondulées, qui lui tombaient juste en dessous des côtes.
— Tu ne devineras jamais la nouvelle du Zoo Fairy ! Même moi, je n'en reviens toujours pas !
— Et si tu m'en faisais part, plutôt que de t'agiter dans tous les sens ? déclara Calya, un brin amusé par la situation qui s'offrait à elle.
La brune tentait de remettre rapidement son conte pour enfants dans son sac à dos marron, de la même couleur que ses yeux, avant de reprendre vivement la marche en direction du Zoo. Hermine possédait un regard tellement expressif, qu'on pouvait déceler chacune de ses émotions. Là, elle était réellement enthousiaste.
— J'avais raison depuis le début ! C'est donc réel ! Les chasseurs de Créatures ont capturé une Nymphe ! Tu sais ce que cela veut dire ?
« Une Nymphe ? songea Calya, abasourdie. »
Elle qui croyait qu'elles n'existaient plus, qu'elles avaient toutes été tuées par les Humains. Pour être tout à fait honnête, la jeune fille ne se souvenait même plus de leur particularité, alors qu'avec sa classe, elle avait passé un semestre entier à les étudier.
— Des murmures infondés disent que les chasseurs auraient repéré une de leur cachette. Il faut se méfier, car elles sont solitaires, mais on ne sait jamais ! Dire qu'on pensait qu'elles avaient entièrement disparu...
— La pauvre, soupira Calya.
Quel droit les Humains avaient-ils sur ces Créatures ? Depuis quelques années, cette question restait en suspension dans son esprit.
— Écoute, je sais parfaitement ce que tu penses à propos de ces vermines, lui souffla Hermine, en lui jetant un regard de reproche. Je t'assure que tu ferais mieux d'être discrète. Il y a des bruits qui traînent à ton sujet.
Calya orientait brusquement son regard sur son amie. Surprise par cette révélation, elle s'interrogeait sur les rumeurs qui courraient à son propos.
— De quoi parles-tu ?
— Eh bien, certaines personnes affirment que tu ne serais pas Humaine. Ce qui est complètement absurde, puisque je te connais depuis toujours. Mais ta tendance à constamment vouloir défendre ces vermines...
— Ne les appelle pas comme ça, Herm' ! Les Créatures sont des êtres vivants comme toi et moi.
— Hélas, souffla Hermine en secouant la tête. C'est là que tu te trompes.
Malgré le fait que Calya prenait systématiquement la défense des Créatures, Hermine ne lui avait jamais fait défaut. Elle avait beau la connaître depuis aussi longtemps qu'elle s'en souvienne, jamais la brune ne l'avait jugée, même si elle ne partageait guère ses idées.
Calya savait que son amie la mettait en garde pour son bien, tenir de tels propos pourrait avoir une conséquence radicale sur sa vie. Or, Hermine tenait juste à la protéger.
— S'il te plaît, Calya, n'oublie pas tous les morts dont ils sont responsables.
Calya se rendait compte trop tard de sa bêtise. Hermine essuyait rapidement le coin de son œil. Les deux amies arrivaient enfin devant les grilles impressionnantes qui englobaient dans leur totalité le Zoo Fairy.
Du haut de son mètre soixante-dix, Hermine ressemblait en tout point à sa mère : les mêmes yeux marron clair de formes rondes, et le regard vif, ainsi que ses longs cheveux bruns. Elle avait hérité du nez de son père. Nez plutôt gros. Son teint rosé la rendait magnifique, peu importe le temps qu'il faisait dehors. Elle possédait un charme que nul ne pouvait nier, nul, mise à part elle bien évidemment. Son signe distinctif, la rendant réellement unique, était sa tache de naissance située sur sa joue droite, ce qui lui valait de nombreuses railleries de ses camarades. À première vue, quand on l'ignore, on pourrait croire qu'elle s'était brûlée lorsqu'elle était encore qu'une enfant. Hermine avait beaucoup souffert de ces remarques. Souvent, elle donnait comme première impression, celle d'être innocente. Sauf qu'elle ne l'était pas tant que ça, et seule Calya le savait, car elle la connaissait par cœur. S'il y a bien une chose qu'Hermine ne cherchait pas à dissimuler, c'était sa haine envers toutes les Créatures. Haine renforcée depuis qu'elle avait perdu son père, mortellement attaqué par un Nain à Queue, lors d'une de ses nuits de garde.
— Si tu ne veux pas finir au cachot, tu devrais être plus discrète, c'est tout, ajouta Hermine. Hildegarde n'aura aucune pitié pour toi, et tu le sais très bien.
— Je suis déjà au courant.
Ce que Calya appréciait le plus chez Hermine, c'était non seulement sa pure gentillesse, mais surtout sa loyauté. Hermine la lui prouvait sans cesse. Elle ne l'avait jamais dénoncé, malgré le fait que ses pensées, en grandissant, allaient davantage à l'encontre des lois qui régissaient leur communauté.
— C'est juste que je me fais du souci pour toi. Je ne tiens pas à te perdre.
— On ferait mieux d'y aller, changea brusquement Calya de sujet. Pour une fois que nous ne sommes pas les dernières !
À peine avaient-elles franchi les grilles, qu'elles pénétraient dans un immense bâtiment sombre situé à leur droite. Se tenait là, dans un coin du Zoo, leur salle de classe.
Comme à leur habitude, les deux jeunes filles se plaçaient au deuxième rang.
Leur professeure depuis sept ans, Madame Buckette, était déjà assise sur son bureau. Les jambes croisées et ses petites lunettes posées sur son nez crochu, elle observait chacune de ses élèves rentrer dans la salle. C'est d'ailleurs la forme de son nez, qui lui valut son surnom : le corbeau. Sa robe rouge vif faisait ressortir les quelques rides qui se dessinaient sur son front.
La dernière élève, Harrison Sphir, prenait place au rang du fond. Au Zoo Fairy, les classes n'étaient pas mixtes. Les garçons et les filles se côtoyaient seulement lorsqu'ils étaient dans la ville d'Algar.
Madame Buckette se redressait fièrement en faisant claquer ses talons sur le vieux parquet. Là, elle fermait tous les rideaux, sauf un, de façon à ce que ses élèves puissent observer l'enclos situé juste en dessous de la fenêtre. Calya sentait Hermine serrer les poings en méprisant les Créatures. La perte récente de son père, il y a presque un an de ça, n'arrangeait en rien la situation.
— Mademoiselle Sphir, auriez-vous l'amabilité de nous décrire ce que vous voyez par la fenêtre, en cette si belle matinée ? interrogea la professeure, de sa voix aiguë.
Harrison orientait ses prunelles vert clair en direction de l'enclos. Les pauvres Créatures étaient exposées en plein soleil, sous une chaleur accablante.
— Ce sont des Nains à Queues, répondit calmement l'élève.
« Qui sommes-nous pour maltraiter des êtres vivants comme nous ? pensa Calya. »
Elle trouvait cela profondément injuste qu'on les enferme dans des enclos, les privant de leur liberté. Un être vivant n'est-il pas censé être libre ? N'est-ce pas là, le but premier de la vie ?
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LE ZOO FAIRY : Une nouvelle ère
FantasíaEn l'an 4444, les Humains se proclament être les plus forts de la planète. Ils dominent largement les autres Créatures et les privent de leur liberté : ainsi est né Le Zoo Fairy. Un événement marque le tournant de sa nouvelle vie : une Nymphe est ca...