19 - Des liens fragiles

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D'une même cadence, Calya et Azurtan s'éloignaient du Hall. Ensemble, ils regagnaient le réfectoire dont Meyel leur avait parlé un peu plus tôt dans l'après-midi.
Dans le coin le plus sombre, à l'opposé du feu, ils prenaient place à une table. Sans le vouloir, ils attiraient quelques regards remplis de curiosité. Calya savait que l'histoire entre Idríl et Lokri avait fait parler d'elle. Cependant, elle espérait ne pas être perçue comme un potentiel ennemi.

— Je crois que tu devrais te reposer, lança amicalement Azurtan.

— Toi aussi, rétorqua-t-elle.

Au loin, elle croisait le regard d'Hermine qui lui tournait brusquement le dos. Calya détournait la tête, ce qui ne passait guère inaperçu aux yeux d'Azurtan. Il se penchait lentement vers elle.

— Quelque chose te tracasse ?

Préférant ne pas en parler, elle secouait doucement la tête. En lui jetant un léger coup d'œil, Calya se rendait compte qu'il n'allait pas mieux. Déterminée à enfin connaître ce qu'il avait vécu à Hagdaar, elle prenait doucement la parole.

— Azurtan, j'ai besoin de savoir ce que tu as subi aux cachots des Elfes.

Il se redressait sur son siège. Le regard perdu dans le vide, une multitude de souvenirs effrayants semblaient lui remonter en mémoire. Il n'osait plus regarder la jeune fille.

— Comme si cela pouvait t'intéresser de toute façon, soupira-t-il en passant rapidement la main dans ses cheveux.

Étonnée de ses propos, Calya écarquillait aussitôt les yeux.

— Quelle question Azurtan ! Évidemment que cela m'intéresse, tu es mon ami ! Je m'inquiète pour toi, doutes-tu vraiment de ma sincérité ?

Azurtan semblait anxieux. Il fixait la jeune fille du coin de l'œil avant de rapidement détourner la tête. Il prenait une grande inspiration, regardant devant lui une ligne imaginaire. Ses doigts se refermaient sur la paume de sa main, il menait un combat intérieur auquel Calya assistait impuissante.

— Je reconnais que je ne me sens pas bien... je me sens parfois bizarre. J'ai constamment des vertiges. Il n'y a rien qu'on puisse faire contre ça. Dis-moi Calya, aurais-tu peur qu'à cause de moi et de mes problèmes de santé, la mission échoue ?

Incapable de répondre, elle écarquillait les yeux. Azurtan la voyait réellement de cette façon ? Ébranlée par tant de méchanceté et de jugements dans ses paroles, la jeune fille sentait son cœur se serrer.

— Je vous cherchais depuis longtemps ! intervint brusquement Níniel en les rejoignant.

Tandis qu'elle arrivait à leur hauteur, Níniel paraissait se rendre compte qu'elle venait de les interrompre dans une discussion importante. Azurtan, lui, ne décrochait pas ses iris du visage de Calya, qui préférait l'ignorer. Elle ne souhaitait plus l'entendre. Alors, pour lui montrer qu'elle en avait assez de discuter avec lui, elle se levait.

— Oh... je vois que je vous dérange, lança timidement Níniel.

— Non. On avait fini. Qu'est-ce qu'il y a ? répliqua Calya.

Azurtan poussait un long soupir en se redressant à son tour. Il était conscient de ses paroles maladroites.

— Où est Idríl ? ajouta Calya.

— Il va mieux, il se repose. Je crois qu'il en avait vraiment besoin. Si je vous interromps dans votre conversation, je peux partir.

— Je n'ai plus rien à lui dire, répondit Calya.

Azurtan se frayait un chemin parmi la foule d'Humain et de Nains à Queues, jusqu'à disparaître de la pièce. Sa colère à lui ne redescendait pas. Il s'en voulait de ne pas arriver à dire à Calya ce qu'il avait réellement sur le cœur. Il aurait aimé pouvoir lui parler de l'enfer qu'il avait vécu là-bas, mais chaque fois qu'il croisait son regard, il se dégonflait. Elle l'intimidait tellement qu'il perdait ses moyens une fois qu'elle se trouvait en face de lui. Il savait qu'il pouvait parfois être dur dans ses propos. Sa fierté l'empêchait de lui présenter ses excuses les plus sincères. Azurtan pouvait faire preuve de maladresse.

À présent, Níniel et Calya se faisaient face. Gentiment, Níniel lui demandait comment elle le sentait.

— J'ai connu mieux, soupira Calya.

— Je sais que nous ne sommes pas très proches. Mais si tu veux parler, je suis là pour t'écouter. Si l'on commençait par s'éloigner du réfectoire ?

Contre toute attente, Calya acceptait. Elles quittaient le réfectoire pour se diriger vers les petites chambres que leur avait léguées Meyel. En refermant la porte, Níniel se plaçait silencieusement en face de Calya, alors installée sur le lit au fond de la pièce.

— Pour être tout à fait honnête, je suis complètement perdue. Tout autour de moi s'enchaîne à une vitesse qui m'effraie. Je vis avec la peur permanente de me faire trahir et de me faire capturer. Je sais que je suis activement recherché par les Humains. Je crains qu'ils me retrouvent.

Elle ne se rendait même pas compte que des larmes coulaient le long de ses joues. Muette, Níniel l'écoutait attentivement en comprenant davantage sa détresse. Elle ne pouvait pas imaginer tout ce qu'elle avait vécu avant d'avoir été capturée par son oncle.

— Il y a peu, j'ai appris que j'étais un Elfe. Comment suis-je censée me reconstruire après ça ?

— Je pense que tu devrais faire le deuil de ton passé. Tu n'es plus celle que tu pensais être. Tu as découvert la vérité quant à ton identité, tu dois réapprendre à te connaître. Je suis consciente que de lourdes responsabilités t'ont été attribuées, Calya, mais tu n'es plus toute seule. Idríl, Azurtan et moi sommes là pour t'épauler.

Calya était vraiment touchée par les mots de Níniel. Elle était soulagée d'enfin pouvoir livrer à quelqu'un tout ce qu'elle gardait sur le cœur depuis plusieurs jours.

LE ZOO FAIRY : Une nouvelle ère Où les histoires vivent. Découvrez maintenant