Le retour à la maison (partie 2)

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Calya sentait son pouls s'accélérer. Son père prenait de nouveau place dans son fauteuil, mais il avait complètement laissé tomber sa lecture. Ses petits yeux marron étaient à présent rivés sur le visage de leur fille.

— En rentrant à la maison, j'ai été surprise de rencontrer Madame Buckette. Elle m'a fait part du comportement scandaleux que tu entretiens depuis quelque temps. Tu as encore montré un désintérêt provocant sur ses cours concernant les Créatures, m'a-t-elle dit. Et tu lui as tenu tête devant la classe entière ! Calya, je te le demande encore une fois : quand est-ce que cela va cesser ?

« Jamais, pensa Calya. »
Sauf qu'elle ne répondait pas. Il n'y avait rien à ajouter.

— Enfin, tu n'es tout de même pas idiote. Peux-tu comprendre le mal que ça me fait, d'entendre ces mauvaises paroles sur toi ? Je sais bien que cela ne part pas d'une mauvaise intention de ta part.

La jeune fille restait muette.

— En un mot, de quel côté es-tu, Calya ? interrogea son père en réajustant ses lunettes.

— Du côté de la vie ! répondit-elle brusquement. Je ne supporte pas l'idée qu'on puisse enfermer nos semblables dans des enclos, jusqu'à ce qu'ils meurent ! On les prive de leur liberté... mais qui sommes-nous au juste ? De quel droit, nous proclamons-nous supérieurs à eux ?

Elle ne se rendait pas compte des mots qu'elle venait de prononcer. Les yeux écarquillés, manifestement son subconscient venait d'exprimer son mécontentement. Elle affrontait instantanément les regards sévères de ses parents.

— Je n'arrive pas à te suivre, Calya. Qu'a-t-on fait de travers dans ton éducation, pour que tu aies de telles pensées ? s'apitoya sa mère.

— Ce n'est pas de votre faute... ces pensées sont miennes. Vous n'avez rien fait de travers.

Sa mère se retournait sans tarder vers son époux.

— Je crois que nous avons commis une erreur, Patrick.

— Ne dis pas ça... nous avons fait le bon choix.

Il déposait sans attendre, un baiser sur son front. Calya assistait à cette scène, impuissante. Qu'entendaient-ils par « fais le bon choix » ? Mais de quel choix parlaient-ils ? Un nouveau creux se formait dans son estomac. Cette journée prenait une tournure inattendue. Depuis son enfance, elle savait que ses parents lui cachaient quelque chose, sauf qu'elle n'avait jamais osé leur poser de questions, attendant patiemment qu'ils viennent lui en parler d'eux-mêmes.

— Pourrait-on m'expliquer de quoi vous parlez ? demanda Calya d'une voix chargée d'émotions.

Sa mère s'apprêtait à répondre lorsque son époux la coupait, en lui lançant un regard sévère.

— Pas maintenant, Marilyn.

Calya ne comptait pas rester dans l'ignorance plus longtemps. Elle avait la déplaisante sensation que le monde entier se dérobait sous ses pieds.

— Hildegarde a été mise au courant de ton comportement exécrable, reprit calmement sa mère. Elle viendra te chercher demain matin, très tôt. Je doute qu'elle soit clémente avec toi. J'espère que tu sauras faire preuve de maturité, et que tu lui légueras tes excuses les plus sincères.

— Si je comprends bien, tu me demandes de m'excuser parce que je dis tout haut ce que je pense ? rétorqua promptement Calya.

— Et quand bien même tu le penses, tu ne devrais pas ! s'exaspéra son père. À quoi bon toujours vouloir défendre l'indéfendable ! On parle de Créatures, Calya ! Des vermines qui nous ont chassés durant des siècles ! Bon sang ! Tu es assez grande pour le comprendre ! Nous, les Humains, sommes supérieurs à elles, c'est tout. Il n'y a rien de plus à ajouter.

— Comment peux-tu tenir de tels propos ? clama immédiatement Calya, sous l'emprise de la colère. Comment peut-on être autant aveuglé par les idéaux d'un gouvernement que l'on n'a même pas élu ?

Son père restait perplexe. Ses yeux s'écarquillaient, mais il se trouvait dans l'incapacité d'aligner quelques mots. C'était la première fois que leur fille leur tenait tête. Calya se faisait violence pour se calmer. La jeune fille était tellement agacée, exaspérée et révoltée à la fois contre les pensées dirigées de ses parents. Comment pouvaient-ils accepter de se plier aux ordres du gouvernement sans chercher à lutter ? Sans se poser la question de la justice ? Sans chercher à comprendre leurs agissements ?

— Je ne vous pensais pas autant fermé d'esprit, déduit-elle en fixant tour à tour ses parents.

La mâchoire de sa mère semblait s'être détachée. Elle ne s'était pas imaginé que son altercation avec Calya serait aussi explosive et agressive.

— Calya ! Tu retires immédiatement ce que tu viens de nous dire ! Et tu t'excuses sur-le-champ !

— Non, déclara-t-elle. Je ne le ferais pas tant que vous ne ferez pas l'effort de comprendre que ce gouvernement vous bouffe l'esprit, avec son idéologie de l'Humain, l'être supérieur...

— Monte toute de suite dans ta chambre, avant que je ne m'agace sévèrement contre toi ! aboya son père, le regard fulminant de colère.

Calya n'attendait pas une seconde de plus, empruntant l'escalier qui la menait directement à sa chambre. En regagnant sa pièce, la colère n'était toujours pas redescendue. Elle était parfaitement consciente de son caractère impulsif et elle savait qu'il lui faudrait plusieurs heures avant de pouvoir retrouver une certaine forme de paix intérieure. Elle se glissait brusquement sous la couette de son lit, après s'être mise en pyjama. Là, elle fermait les yeux en inspirant à plusieurs reprises. Contre toute attente, le sommeil ne tardait pas à s'emparer de son corps.

LE ZOO FAIRY : Une nouvelle ère Où les histoires vivent. Découvrez maintenant